AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782130618843
208 pages
Presses Universitaires de France (11/09/2013)
3/5   1 notes
Résumé :
La « compétitivité » est devenue omniprésente dans le discours public. Ce slogan ne s’applique plus exclusivement à des entreprises : les territoires, notamment les États-nations, doivent dorénavant être compétitifs. Ainsi, cette notion, inspirée par le vocabulaire managérial, a été transposée dans le discours de nos élus. Cette injonction à la performance s’applique à tous les aspects de la société. Elle influence l’aménagement du territoire et la politique économi... >Voir plus
Que lire après Géographie de la compétitivitéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La compétitivité est un terme galvaudé du débat économique et social contemporain. le concept a été monopolisé par les économistes. Alors qu'il s'applique à des territoires, il est ignoré des géographes. Agrégé de géographie et auteur d'une thèse récompensée par le prix le Monde de la recherche universitaire, Gilles Ardinat dénonce ce paradoxe et propose d'y remédier. Constatant la « misère cartographique » (p. 7) qui entoure ce concept, il met la compétitivité en cartes. La tâche n'est pas simple car cette notion, pour intuitive qu'elle soit, n'est pas simple à définir. Alors qu'elle occupe une place grandissante dans le débat public, aucune méthode de mesure précise ne s'est encore imposée.
Les classements sur la compétitivité nationale se sont multipliés ces dernières années au point de faire naître un business – fructueux – de géo-économistes auto-proclamés. Ainsi du Global Competitiveness Report publié en marge du Forum de Davos ou du rapport Doing Business de la Banque mondiale. Ces classements reposent sur des variables composites (des données quantitatives, des enquêtes d'opinions) qui mélangent des logiques de moyens et de résultats. Ils tentent de concilier deux approches de la compétitivité : d'un côté une dimension néo-mercantiliste qui fait de l'ouverture commerciale le critère clé (alors même que ce taux, qui rapporte un chiffre d'affaires brut – la somme des exportations – à un agrégat de valeurs ajoutées – le PIB – est statistiquement aberrant), de l'autre une approche attractiviste qui mesure la compétitivité à l'aune de la capacité du territoire à attirer les investissements étrangers (sans distinguer les IDE de capacité bénéfiques à l'activité économique – telle que l'implantation de Toyota à Valenciennes – des fusions-acquisitions qui ne sont que des changements de propriétaires – tel le rachat de Arcelor par Mittal).
Ces deux approches sont contradictoires. La première est agressive, fondée sur les exportations. La seconde au contraire insiste sur le pouvoir de séduction d'un territoire. Elles constituent par ailleurs « une injonction contradictoire aux nations » (p. 88). L'augmentation des exportations suppose en effet la compression des coûts de production (modération salariale, allègement de la fiscalité des entreprises). Sans doute une telle politique est-elle susceptible d'attirer les investisseurs étrangers. Mais l'attractivité d'un territoire suppose aussi une main d'oeuvre bien formée, des infrastructures de qualité, autant d'externalités positives dont le coût excède les ressources d'un État confronté à la diminution de ses rentrées fiscales.
Gilles Ardinat ne se contente pas de pointer ces seules contradictions. Il souligne l'inefficacité de la « gouvernance compétitive ». L'assimilation porterienne de la nation à une firme ? Une analogie trompeuse qui néglige leurs modes opératoires (une nation produit majoritairement des biens pour ses concitoyens alors qu'une entreprise vend les siens à des clients extérieurs), leurs finalités respectives (enrichir leurs actionnaires vs. assurer le bien-être de leurs concitoyens) et leurs temporalités différentes (une entreprise peut être liquidée alors qu'une nation a un horizon temporel illimité). La compression des coûts de production pour encourager le commerce international ? Une politique dangereuse qui déprime la demande intérieure. L'attractivité ? Une politique publique fondée sur le postulat discutable des bienfaits des IDE, quelles que soient leurs caractéristiques.
C'est un procès en règle que l'auteur instruit contre l'idéologie libérale qui sous-tend la notion de compétitivité. Il y voit un processus qui entend conformer la société aux attentes des firmes multinationales et réduire le citoyen à un simple salarié. Estimant que l'accent mis sur la compétitivité constitue une rhétorique qui accompagne une perte de souveraineté, il s'insurge contre une telle capitulation et appelle à un réarmement statistique (il faut se doter des indices permettant de planter le débat) et démocratique (il faut remettre en cause le « biais mondialiste » qui caractérise tous les partis de gouvernement de droite comme de gauche). Constatant l'inefficacité des politiques de compétitivité – et le pêché d'orgueil de l'Occident à espérer pouvoir conserver sa supériorité dans la division internationale du travail – il conclut sa démonstration par un appel au néo-protectionnisme.

L'ouvrage de Gilles Ardinat constitue un décryptage rigoureux d'un concept éculé. Il en traque les présupposés, en dénonce les implications. Mais il échoue en partie à atteindre le but qu'il s'était fixé : traiter avec des outils géographiques un concept annexé par les économistes. Sans doute illustre-t-il sa démonstration d'une quinzaine de cartes hautes en couleurs. Mais cette moisson cartographique est particulièrement décevante. Car elle montre que, quel que soit le critère retenu, taux d'ouverture, balance commerciale, tarifs douaniers moyens, stocks d'IDE, aboutit peu ou prou aux mêmes « invariants géographiques » (p. 56). Se distinguent systématiquement un quatuor de zones compétitives : l'Amérique du Nord, l'Europe occidentale, la zone Asie-Pacifique et les pays du Golfe. Etait-il besoin de développer un tel appareil conceptuel pour conforter pareil pont-aux-ânes ?
Commenter  J’apprécie          180


autres livres classés : géographieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Gilles Ardinat (1) Voir plus

Lecteurs (2) Voir plus




{* *}