Citations sur L'enfant qui mesurait le monde (87)
Ces jours-ci, une question me revient sans cesse : qu'est-ce que la vie peut nous offrir de plus beau ?
Deux choses, je crois, totalement opposées.
D'abord, une énorme lucidité. D'un coup, ce que tu regardes est comme éclairé de mille projecteurs, tu comprends tout.
Et puis le contraire absolu. La capacité de rêver. D'imaginer ce à quoi on n'oserait pas même penser.
A cet instant, l'une aperçut Yannis qui prenait sa leçon de natation. Elle s'arrêta. Piquée par la curiosité, l'autre s'arrêta aussi, tourna la tête en direction de la crique, et les voilà toutes deux en train d'observer Yannis. Il nage jusqu'à sa mère, s'agrippe à son dos, tout essoufflé, Maraki le serre contre sa poitrine, l'embrasse avec fureur, le caresse...les deux femmes n'arrivent plus à détacher leur yeux de la scène, jusqu'à ce qu'elles se tournent l'une vers l'autre, se regardent en silence durant quelques instants et tombent dans les bras l'une de l'autre. Cet enfant porte en lui toute la douleur des hommes, se dit Kosmas. L'immense solitude et l'impossibilité désespérante de s'ouvrir à l'autre.
L’enfant avait sa propre conception de l’ordre du monde, bien différente de celle de Zeus. Bien plus belle, aussi. Il en mesurait chaque jours les variations de la manière la plus juste, et il le restaurait par la grâce de ses pliages. Il n’avait rien à apprendre du mythe des Titans. C’est lui qui détenait la vérité.
Pourtant, le libre arbitre existe. Dans les choses petites ou grandes, nous avons toujours une part de liberté, petite ou grande elle aussi…
… à toi de chercher ce qui, dans ta vie, dépendra de ta seule volonté. Ne serait-ce qu’une promenade le long de la mer. C’est ta part de libre arbitre. P 33
La maison du diable. Du temps de la drachme, emprunter coûtait vingt-cinq pour cent. A ce taux, personne ne s’endettait. Avec l’Europe, l’argent ne coutait rien ou presque. Du coup le pays entier a emprunté à tout-va. Puis est venue la crise, il a fallu rembourser Satan. Des maisons ont été saisies. Des familles ont dû se regrouper, quelquefois sur trois générations… P 61
Quand la mer n'est pas furieuse, nous sommes tous de grands capitaines.
Les leçons de natation, c'était comme le reste. Des montagnes à déplacer. Et en retour, rien. Pas un sourire. Pas même un regard. Que voulait-il ? A quoi pensait-il ? Cela lui échappait.
Le monde changeait petit à petit, les gens s'habituaient au changement, et du coup, le désordre n'était plus du désordre, mais un ordre nouveau... Et ça, c'était une révolution.
_ Maintenant qu'il n'est plus là, quelqu'un devra bien s'occuper de l'enfant, reprit Kosmas.
Eliot le regarda sans comprendre.
_ Il est particulier tu le sais. Tu as dû l'entendre hurler... Il a des manies. Il ne supporte pas d'être touché. Mais c'est un être d'une immense richesse.
Eliot baissa les yeux. Ce que le prêtre demandait lui semblait hors de sa portée.
_ Cet enfant est innocent comme l'agneau, reprit Kosma. Et pourtant, il vit au fond de l'enfer.
— Si nous voulons offrir un enseignement aux meilleurs étudiants, choisissons des domaines où nous serons crédibles. Cours numéro un : La corruption en dix leçons. Cours numéro deux : Comment trahir son pays en éludant l’impôt. Avec en sous-titre : Du plombier au grand patron, en passant par le médecin. Cours numéro trois : Comment faire nommer ses amis à des postes d’où ils renverront l’ascenseur. Numéro quatre : Comment faire le beau dans la presse en trahissant ses électeurs. Numéro cinq : Comment se comporter avec vulgarité en pensant qu’on est un grand personnage… Là, nous serions légitimés. Champions du monde. Nous pourrions créer une école sur chaque île. Les gens viendraient du monde entier. Ils diraient : question corruption, excusez du peu, j’ai un diplôme grec. Et on les regarderait avec respect…