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J'avais beaucoup apprécié le Train des enfants et je me suis à nouveau régalée avec le Choix de Viola Ardone. Il faut souligner que la romancière excelle à mêler fiction et Histoire.
Dans ce dernier roman, l'auteure ne rappelle pas un fait précis de l'Histoire, mais fait référence à une période s'étendant des années 1960 à 1980. La vie et la jeunesse de son héroïne Oliva se déroulant dans ces années-là, dans un petit village de Sicile, c'est toute la condition féminine, les contraintes et le carcan sociétal qui pèse sur les femmes à cette époque qui sont développés ainsi que la lutte menée pour changer les lois.
C'est donc dans cette Italie du Sud, à Martorana que nous faisons connaissance avec Oliva cette jeune ado de quinze ans qui vit au sein d'une famille modeste. Avide de liberté, enfant, elle aime courir à coupe-souffle, aller à la chasse aux escargots avec son père ou jouer avec son ami Saro à trouver des formes aux nuages. Elle aide aussi sa mère à broder les trousseaux d'autres filles et est également une élève studieuse qui admire sa maîtresse, Madame Rosaria.
Après avoir réussi son brevet, elle demande à poursuivre ses études et son père l'inscrit à l'école normale, ainsi pourra-t-elle être institutrice et indépendante.
Elle est élevée de façon très stricte par une mère qui ne cesse de lui asséner les bonnes règles à ne pas enfreindre, étroitement surveillée par celle-ci et chaperonnée par son frère jumeau. Mais, quand un jeune m'as-tu-vu du village se met à lui tourner autour, les langues coupantes vont s'en donner à coeur joie et les choses vont alors mal tourner jusqu'à l'insoutenable. Elle va devoir accepter de l'épouser « Une fille, c'est comme une carafe : qui la casse la ramasse » lui a répété si souvent sa mère. Oliva se retrouve donc à devoir faire un choix : épouser cet homme pour que tout rentre dans l'ordre ou refuser et porter plainte et être alors une réprouvée...
Si la première moitié du roman m'a paru un peu longue, elle permet de bien faire connaissance avec Oliva, sa famille, ses amis, le poids de la religion et ces traditions ancestrales concernant l'éducation des filles. Quand tout bascule et qu'Oliva se rebelle et ose même se rendre chez le juge, on entre alors dans une phase active. On assiste à la transformation progressive d'Oliva dont le caractère s'affirme de plus en plus et dont on ne peut que saluer le courage. La mise en relation avec une militante de l'Union des femmes italiennes par Calo, le père de son amie Liliana la fortifiera dans son choix.
Viola Ardone réussit à camper des personnages tout en nuances, aux facettes multiples, pas figés et qui évoluent au fil de l'histoire. On voit ainsi la mère, Amalia, gardienne des traditions, prendre peu à peu fait et cause pour sa fille et la soutenir et lui montrer enfin son amour.
Quant au père, Salvo, cet homme taiseux, contrairement à la majorité des hommes du village et aux traditions bien ancrées, il essaie de comprendre sa fille et de la guider.
Grâce à une fiction, Viola Ardone réussit à mettre en scène ce combat si difficile que les femmes ont dû mener pour se soustraire au joug masculin et au patriarcat, combat jamais gagné définitivement. Il est hélas encore en cours dans de nombreux pays.
Elle montre aussi comment les femmes, elles-mêmes, les mères, en éduquant leurs enfants, participaient à la pérennité de ces modes de vie en faisant respecter ces règles.
Le Choix est un hommage à toutes celles qui comme Oliva ont eu le courage de se lever et osé dire : NON.

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« Tout n'est que sujet de douleur pour elle: la lumière du matin qui entre à travers les persiennes mis-clos, le corps de mon père qui ronfle allongé à côté d'elle, ma maigreur informe, le travail aux champs, la sécheresse…. »,
Dans les années 60, Oliva une jeune fille de quinze grandit dans la campagne sicilienne entre une mère malheureuse qui le projette expressément sur sa fille, et un père silencieux, mais bienveillant et doté de bon sens. À une époque où les femmes vivent et sont forcées de vivre encore comme des poules en cage, et ne servent qu'à faire la domestique, assouvir les désirs sexuels des mâles et engendrer des enfants, Oliva, elle, rêve de liberté….

Ce second livre non encore traduit de Viola Ardone, écrivaine napolitaine , connue et très appréciée sur Babelio pour son premier livre « Le train des enfants », traite ici un sujet déjà maintes fois utilisée par les écrivains d'Italie du Sud : la condition de la femme
au siècle dernier dans leurs contrées. « La femme au singulier n'existe pas », on marie les filles à quinze ans avec des complèts inconnus et si elles sont violées les marier avec le violeur est la seule solution pour sauver leurs honneurs. Alors qu'aujourd'hui en lisant dans les journaux, une situation similaire en Afghanistan ou au Pakistan on est sidéré. Malgré le “déjà lu” du sujet, la version d' Ardone lui donne un nouveau souffle. Sa prose simple mais riche en un vocabulaire d'une grande précision reflètent superbement le désarroi d'Oliva, la sagesse du père, le conformisme malsain de la mère, le venin des mauvaises langues du village……Une construction habile alterne dans les trois premières parties, passé et présent, l'apparence ou l'imaginaire avec la réalité, comme Oliva en narratrice, et dans la dernière et quatrième partie donne la parole aussi au père silencieux qui fait écho à sa fille. S'y ajoute un rythme réglé au métronome qui renforcé par un incident vers la fin de la deuxième partie, accentue l'ampleur de la tragédie. Ardone touche à des points importants. Rien de nouveau mais bon à se remémorer: c'est la femme en général qui éduque les enfants, fille ou garçon, et c'est à elle de faire l'effort nécessaire pour que le garçon respecte les filles et vice versa et encourager les filles pour leur indépendance / On ne peut contrôler la vie de ses propres enfants au nom de sauver les apparences et respecter les règles sociales souvent archaïques / « Aucune femme n'est fragile: est fragile uniquement qui est exposé à l'injustice »…..
Un roman poignant, superbement écrit, et à l'heure que le taux de féminicide augmente en Italie, un rappel à toutes les femmes qu'il faut savoir dire NON ! Une lecture que je conseille vivement, et dont la traduction je pense ne tardera pas vu le succès de son premier livre en France.

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Après le Train des Enfants, Viola Ardone, traduite en français par Laura Brignon, me ramène en Italie, au début des années 1960, en Sicile, cette fois. Au travers de l'histoire d'Oliva Denaro, c'est tout le sort des femmes sous le joug du patriarcat qui est raconté.
Les parents d'Oliva ont trois enfants. Fortunata est l'aînée et Cosimino est le frère jumeau d'OIiva. Amalia, leur mère, une excellente couturière, est Calabraise. Sur un coup de foudre, elle a tout laissé pour suivre Salvo Denaro et venir vivre à Martorana, village sicilien au bord de la mer.
Oliva appréhende beaucoup l'arrivée du « cardinal », ces règles tant redoutées qui feront d'elle une femme et qui la priveront de tous les plaisirs de l'enfance.
Avec un réalisme impressionnant, Viola Ardone me plonge dans la vie quotidienne de cette famille engluée dans les traditions, prise au piège des commérages, empêtrée dans les rigueurs imposées par la religion. Tout cela est saupoudré d'un humour froid, toujours au bon moment.
Avec Liliana et son père, le communisme tente de faire évoluer les mentalités tant bien que mal mais cela reste très marginal.
Amalia est très sévère avec ses filles. Elle rappelle sans cesse cet adage : « Un fille, c'est comme une carafe, qui la casse la ramasse. »
Hélas, pour Fortunata, la catastrophe se produit dès qu'un garçon sans scrupules abuse d'elle. La voilà enceinte, obligée d'épouser ce Gerò Musciacco, fils d'une famille aisée du village qui la séquestre aussitôt et ne se prive pas de faire la fête et de se pavaner avec d'autres femmes.
Ainsi, la vie du village défile. Oliva a beaucoup apprécié Rosaria, institutrice trop évoluée qui a été remplacée par un homme se chargeant de rappeler aux filles qu'elles devront être soumises à leur mari.
Riche en rebondissements, ce roman bascule avec ce jeune homme, fils d'une famille aisée, les pâtissiers du village, les Paternò : ah, cette fameuse cassata ! Bien sûr, Oliva n'est pas insensible aux charmes du garçon qui ne se gêne pas pour tenter de l'amener dans ses bras. Il la fait même danser à la fête du village mais Oliva ne veut pas de ce Pino Paternò.
L'histoire se déroule toujours dans cette atmosphère pesante, loin de la ville et de son anonymat. À Martorana, tout le monde se connaît et les langues de vipère s'en donnent à coeur joie. Oliva va avoir seize ans et, déjà, sa mère veut la marier pour la sortir des griffes de ce prétendant sans scrupules dont la réputation est mauvaise. Pourtant, le drame approche et ne manque pas de me scandaliser.
Oliva, dans sa lutte, est bien soutenue par Liliana et Calò son père, plus d'autres amis fidèles comme Saro, ce garçon discret et prévenant avec lequel, enfant, elle s'amusait à donner un nom aux nuages.
La vie de la famille Denaro, fortement bouleversée, met peu à peu en lumière Salvo, le père. Homme effacé qui se contente de plaisirs simples en cultivant son jardin et en allant ramasser des escargots ou des grenouilles pour les vendre, il se révèle important alors qu'Amalia, son épouse, le traite sans cesse de bon à rien et regrette amèrement de s'être amourachée de lui.
Les chapitres s'enchaînent à un rythme soutenu. Ils sont courts et donnent à ma lecture un attrait que j'apprécie. Surtout, Viola Ardone, au travers de son second roman, le choix, met en lumière le combat des femmes pour ne plus être assujetties aux hommes qui les exploitent comme des domestiques, les brutalisent et leur infligent des violences sexuelles.
Il a fallu attendre 1981 pour voir le droit pénal italien abroger le mariage réparateur et le crime d'honneur grâce au combat mené par les députées communistes. Les mentalités évoluent, les temps changent mais il ne faut pas oublier les combats douloureux menés par d'autres femmes il n'y a pas si longtemps et se méfier de ceux qui sont nostalgiques, tout en sachant que dans de nombreux pays du monde, le sort des femmes ne s'est guère amélioré.
Le choix, de Viola Ardone, fait partie des huit livres sélectionnés pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives 2023.

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Pas facile pour une jeune fille des années 60 de vivre en Sicile, pays où le crime d'honneur et le mariage réparateur sont dans le code pénal. Un pays où les mères transmettent à leurs filles ce qu'on leur a appris, à savoir que les hommes sont supérieurs aux femmes, et que vivre librement, faire des études, travailler pour être indépendante n'est pas la trajectoire d'une fille digne de ce nom. Des conventions ancestrales, et une loi inique, auxquelles la jeune Oliva Denaro va refuser de se soumettre, au risque de le payer cher…

Viola Ardone, comme dans son précédent roman, le train des enfants, s'inspire d'un fait réel pour brosser sur plusieurs décennies le sort des femmes siciliennes. Des femmes qui avec le temps osent s'imposer, osent dire non. Un sujet intéressant (et d'actualité) au ton un peu trop puéril à mon goût. Peut-être parce que Viola Ardone a fait le choix périlleux de se mettre en partie à hauteur d'enfant pour son récit.

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« Naître fille est une malchance. »

Et notamment dans l'Italie des années 1960... Oliva Denaro a tôt fait de le comprendre car, pour laver son honneur et sa réputation, il lui faut épouser son violeur. Comme le dit sa mère : « Une fille, c'est comme une carafe : qui la casse la ramasse ». La loi et la justice vont également dans ce sens : si le violeur s'unit par le mariage avec sa victime, sa faute est réparée. Mais si la victime se donne le droit de choisir de ne pas l'épouser, lui ne sera pas inquiété pour autant (bah oui, lui est prêt à l'épouser, c'est elle qui ne veut pas, à elle d'assumer la faute) et elle sera condamnée à finir vieille fille dévergondée...

Autant dire qu'on marche sur la tête, surtout quand on sait que cette loi n'a été abrogée que dans les années 1980...

Viola Ardone, avec ce second roman, tape fort, de sa plume pourtant si envoûtante et doucereuse. Après "Le train des enfants", je découvre une autre facette de l'histoire italienne que je ne connaissais pas. Elle nous parle ici de la place des femmes italiennes d'il y a à peine plus d'un demi-siècle, de leur condition et de leur considération (inexistante). de la femme qui n'existe pas au singulier : car avant d'appartenir à son mari, elle appartient d'abord à son père. Et elle nous en parle à travers l'histoire d'Oliva.

Et en plus d'une histoire marquante (et aberrante), Viola Ardone a su dépeindre l'Italie des années 1960 de manière envoûtante. On plonge tête la première dans cette époque, dans ce petit village de Sicile, avec ses traditions et ses modes de vie, ses nombreuses règles qui régissent la vie des filles, ses lois et principes ancestraux, avec ses rumeurs et ses "langues-coupantes". On y est totalement imprégnés, j'ai d'ailleurs tout vu en noir et blanc.

Côté personnages, c'est tout bon également. La narration étant à la première personne, nous sommes directement projetés dans la tête d'Oliva et vivons tous les événements à travers elle. C'est elle qui nous présente les divers personnages qui alimentent son histoire : sa mère très à cheval sur les traditions, l'honneur et la réputation de la famille ; son père qui peine à s'exprimer, un peu effacé, amoureux de son jardin ; son frère jumeau qui a le droit de grandir moins vite qu'elle grâce à sa condition de garçon ; son ami d'enfance qu'elle n'a plus le droit de fréquenter depuis qu'elle est devenue femme ; le fils du pâtissier qui la courtise de façon indécente ; et quelques autres figurants encore qui viennent mettre leur grain de sel, colporter des rumeurs, juger à l'occasion (et les occasions sont nombreuses), ou encore aider et soutenir, et dont le rôle n'est pas si anodin.

Des personnages charismatiques, bien fouillés, qu'on aime à suivre et voir évoluer, changer, s'émanciper. Des personnages qui nous touchent et d'autres qu'on aime à détester.

Dans la toute dernière partie, Oliva partage la narration avec son père. On assiste donc à une forme de dialogues intérieurs entre le père et la fille que j'ai trouvés très touchants. La relation qu'Oliva entretient avec son père est d'ailleurs attendrissante tout au long de la lecture parce que sincère, tout comme celle avec sa mère également (bien qu'elle évolue de manière fort différente).

Je ressors de ma lecture totalement conquise : des personnages pittoresques, un cadre historique bien dépeint et immersif, juste ce qu'il faut d'émotions, une jolie plume tout à la fois douce et piquante.

Un roman captivant et saisissant.
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Nous sommes dans un petit village de Sicile entre 1960 et 1980. Alors qu'en France, le besoin de liberté s'est exprimé depuis 1968, et on fait connaissance d'Oliva Denaro, sans doute fillette sur le point de devenir une adolescente lorsque commence la narration.

Alors que le début du roman m'a fait sourire, avec les répliques de cette fillette, ses « je suis pour » ou « je suis contre », sa vision toute naïve de la vie en début de roman, le ton est vite donné. On comprend qu'elle doit profiter des derniers instants de liberté, de la chasse aux escargots, de ses jeux enfantins avec son ami Saro, de son amour pour les mots et le latin. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la quatrième de couverture qui mentionne sa rébellion. Contrairement à son amie Liliana, elle semble bien se plier aux règles régissant la vie des filles dans cette société et elle accepte d'épouser l'homme désigné par ses parents, participe à la confection de son trousseau, se met bel et bien en projet de mariage.

Les autres personnages contribuent à façonner le roman et apportent leur contribution à sa réussite :

La mère : maîtresse femme qui dicte les règles à suivre lorsque l'on est une jeune fille « comme il faut », à la fois distante et à curieusement à l'écoute, marquée par les pratiques ancestrales.

Le père, réfugié dans un certain silence et qui semble sous le joug de la mère, on découvrira ce personnage et ses facettes tout au long du récit.

Le frère jumeau d'Oliva, élevé comme un garçon dans ce milieu.

La soeur, mariée de force, cloîtrée qu'Oliva ne voit pour ainsi dire jamais, et toutefois omniprésente dans l'esprit de notre héroïne.

S'ajoute à tout ce petit monde, la population du village, de ce village où les nouvelles voyagent plus vite que le vent, où la rumeur va bon train, ou quelques communistes mal vus de notre famille s'activent et apportent des idées nouvelles qui gênent.

Un roman qui fait réfléchir à la condition de la femme, qui surprend par le côté arriéré des habitudes, qui penserait que dans ces années, on marie encore les filles à des hommes que parfois, elles ne voient que le jour de leur mariage, que les femmes libérées sont considérées comme étant des femmes de mauvaise vie.

La dernière partie, qui peut être considérée comme un épilogue assez long, est très intéressante car le roman se transforme en roman choral à l'écriture ciselée et qui donne une idée du tempérament et des idées des protagonistes.

Je conseille vivement ce roman, cette première lecture d'un roman de l'autrice me donne vraiment envie de lire le train des enfants.
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J'ai mis quelque temps à comprendre le sens exact de cette phrase qui ouvre ce livre et qui y sera répétée à plusieurs reprises :
« Une fille, c'est comme une carafe : qui la casse la ramasse, dit toujours ma mère »
Ce qui se cache derrière est terriblement choquant : Une jeune fille est violée par un homme : s'il l'épouse, le crime est absous. Il a ramassé la carafe cassée.
Où cela se passe-t-il donc ?
On est dans un pays reculé, où les lois n'ont pas évolué : Non, on est en Europe.
Alors rassurez-moi, cela se passait il y a longtemps : non c'était les années 1960 en Sicile, et la loi qui absolvait ces crimes en cas de mariage ne sera abolie qu'en 1984.

Un village de Sicile, années 1960. Oliva est née fille pour son plus grand regret. Elle aime étudier, mais ne doit pas rentrer seule de l'école. Comme elle le dit à sa maitresse un jour, lors d'une leçon de grammaire :
« La femme au singulier n'existe pas. Si elle est à la maison, elle est avec ses enfants, si elle sort c'est pour aller à l'église, au marché ou aux enterrements, où il y a toujours d'autres femmes. Et s'il n'y a pas de femmes pour la tenir à l'oeil, il faut qu'elle soit accompagnée par un homme ».
La vie des femmes dans ce village de Sicile est régie par un grand nombre de règles et celle qui y déroge est montrée du doigt, moquée, méprisée. Et les femmes sont là, à veiller au respect de ces règles. la bienveillance est bien absente dans cette société qui n'a pas évolué.

Oliva va grandir dans ce carcan. Elle aime courir, elle aime regarder les nuages avec son ami Saro, elle devra bientôt porter une jupe longue qui l'empêchera de courir, elle ne devra plus rester seule avec Saro. Elle devient une femme et le jour de ses seize ans, elle sera enlevée, séquestrée et violée par un jeune homme du village.
Et à ce jour se pose la question. Elle a le choix: épouser cet homme, effacer sa faute ainsi, ou porter plainte et devenir une réprouvée.

Un livre percutant, peuplé de personnages féminins qui me hantent depuis quelques jours, Oliva, bien sur, confrontée à un choix difficile, Liliana, la fille du communiste, qui sera toujours à ses cotés, et puis Amalia sa mère, déchirée entre ses principes et l'amour qu'elle porte à sa fille.C'est elle qui m'a le plus émue, quand au fil des pages, c'est cet amour maladroit qui va prendre le pas Elle va oser aussi, soutenir sa fille, ses filles, se mettre le village à dos et perdre sa meilleure cliente.
Mais il y a aussi le père, effacé, mais là aux moments importants, pour qui sa fille doit avoir le choix. Et le frère qui sera là aussi en soutien, même s'il n'approuve pas tout.

Une lecture qui reprend des thèmes souvent évoqués en littérature, mais qui est particulièrement émouvante parce que cette femme est si proche de moi, elle aurait pu être ma grande soeur. L'écriture reflète parfaitement les émotions, les sentiments éprouvés, les difficultés de cette jeune fille à vivre dans un temps et un lieu , tellement proches, où une femme au singulier n'existait pas.

C'est ma deuxième lecture de cette autrice italienne que je continuerai certainement à suivre.
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Dans les années 60, c'est tout près du village de Martorana, en Sicile, qu'Oliva Denaro grandit, entourée d'une mère exigeante et stricte, d'un père taiseux, renfermé mais attentionné et de son frère jumeau, Cosimino. Sa grande soeur, Fortunata, est aujourd'hui installée au village avec celui qui l'a mise enceinte et qu'elle a dû épouser. Malheureusement, si l'enfant est mort, elle ne quitte plus ni sa robe noire ni son appartement tandis que Gerò Musciacco s'amuse du matin au soir. Si Oliva aime apprendre à l'école, notamment le latin, et suivre les conseils de sa maîtresse, Rosaria, si elle aime courir, comme les garçons, s'allonger sur l'herbe et regarder les nuages avec Saro, son ami d'enfance, aller tôt le matin à la chasse aux escargots avec son père, les bonnes moeurs, les règles imposées à son sexe et les conventions vont bientôt couper court à ses rêves de liberté...

Assurément, il n'était pas bon d'être né femme dans la Sicile des années 60. Oliva Denaro va s'en rendre compte, notamment au moment de la puberté, elle qui peut se comparer avec son frère jumeau. Lui peut aller librement tandis qu'elle n'a d'autre choix que de filer droit et baisser la tête. Si sa vie est déjà toute tracée, quitter l'école et attendre sagement qu'un homme vienne lui demander sa main, c'est en côtoyant les communistes, dont Liliana, sa meilleure amie, fait partie, qu'elle va peu à peu s'affirmer, prendre conscience du statut de la femme au sein de cette société patriarcale et braver ces conventions ancestrales. Pour son deuxième roman, Viola Ardone nous plonge au coeur de la société sicilienne et dépeint, avec force et sensibilité, un tableau bien sombre de l'époque, à travers le portrait d'Oliva. Elle souligne la soumission, le pouvoir absolu des hommes, le mariage forcé, l'oppression, la pression sociale et religieuse avant qu'un vent de révolte ne souffle. À travers Oliva, elle montre comment, peu à peu, les femmes se sont levées et ont osé dire non. Mêlant habilement fiction et histoire, ce roman, porté par la voix courageuse de cette adolescente, se révèle à la fois saisissant et poignant. La quatrième partie, émouvante, qui se tient 20 ans plus tard, donne enfin la parole à son père.
Un roman d'une grande justesse habité par des personnages inoubliables...
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l'incipit donne le ton, jugez plutôt : "Une fille, c'est comme une carafe : qui la casse la ramasse, dit toujours ma mère.
Moi, j'aurais été plus heureuse si j'étais née garçon, comme Cosimino, mais quand on m'a faite, personne ne m'a demandé mon avis. Quand nous étions tous les deux dans le ventre de maman, nous étions pareils, mais nous sommes sortis différents : moi avec une brassière rose et lui bleue, moi avec une poupée en chiffon, lui avec une épée en bois...". Nous sommes en Sicile, début des années 60, juste avant ma naissance. Cosimino et Oliva sont jumeaux, ils ont une quinzaine d'années. La plus grande crainte d'Oliva est de voir arriver le cardinal, comprenez ses règles. Parce que de ce jour, c'en est fini de courir à coupe-souffle, de faire naître des créatures fantastiques en regardant les nuages auprès de son ami d'enfance Saro, de travailler au jardin et de rentrer genoux boueux, bref, le cardinal signifie "marche en regardant tes pieds, file droit et reste à la maison".

Jusqu'ici, Oliva était une fille heureuse, bonne élève (d'ailleurs elle a commencé l'Ecole Normale pour devenir institutrice ), avec des plaisirs simples comme accompagner son père aux aurores pour attraper les escargots que celui-ci vend au marché. Ils sont très complices, père et fille, au grand dam de la mère qui souhaite éduquer Oliva en vertu des grands principes en vigueur dans le coin, c'est-à-dire en gros sois une fille obéissante, pas trop instruite et épouse l'homme qu'on aura choisi pour toi. Et pourtant, Amalia elle-même a fui sa Calabre natale parce qu'elle était tombée amoureuse de Salvo... vous connaissez l'adage : fais ce que je te dis, pas ce que j'ai fait !

Mais un beau jour, Oliva va être confrontée à un choix douloureux : épouser le Don Juan du coin, Pino Paterno, qui a jeté son dévolu sur elle et va recourir au pire des stratagèmes pour se l'approprier, ou refuser, quitte à y perdre réputation et peut-être avenir. Elle va trouver des alliés prêts à la soutenir dans sa famille et son entourage, mais aussi se heurter aux "langues-coupantes", ces femmes qui, au lieu de prendre la défense d'une des leurs, préfèrent rester confortablement du côté des traditions machistes et parfois ignobles dont elles-mêmes ont souvent été victimes.

On a tendance à trouver ce genre d'attitude inexplicable, ou à penser qu'il s'agit là d'une époque révolue : les femmes n'avaient pas leur mot à dire, mais maintenant ce n'est plus comme ça ! Et pourtant...ce qui est dénoncé par Viola Ardone n'a pris fin que dans les années 80 en Italie, et perdure encore dans bien des pays. Et bien des mères condamnent encore leurs filles à la même vie de soumission qu'elles ont elles-mêmes connue. Faut-il leur jeter la pierre ou essayer de comprendre leur peur de se rebeller contre un système qui ne leur laisse aucune chance de s'en sortir sans dommage...
Personnellement je m'abstiendrai d'en juger, ayant eu la chance de pouvoir exprimer mes propres choix personnels et professionnels sans entraves (mais pas toujours sans dégâts collatéraux !).

J'ai profondément apprécié ce second roman de Viola Ardone, traduit récemment en français, tout comme "Le train des enfants" qui m'avait fait découvrir un pan méconnu de l'histoire italienne d'après-guerre. Il est comme ce dernier narré par un enfant, ici la jeune Oliva, avec ses jolies expressions tirées du langage local, et ses jugements souvent péremptoires ("le communisme, je suis pour...le démon, je suis contre", elle m'a souvent fait sourire, du moins au début de son histoire. La dernière partie, qui se passe en 1981, est racontée à tour de rôle par Oliva et par son père. Ce dernier m'a été dès le début très sympathique, à sa manière taiseuse il manifeste son amour à sa fille et respecte ses choix. Quant à Amalia, j'ai fini par mieux la comprendre, mais j'avoue que ma première impression ne lui était guère favorable ! On rencontre de nombreux personnages plus ou moins importants dans ce petit village sicilien, mais chacun apporte une facette intéressante dans l'histoire, que ce soit l'institutrice célibataire, mal vue des anciens, ou Liliana, l'amie d'Oliva et fille de Calo le communiste qui essayent de faire bouger les mentalités. le pire et le meilleur se côtoient, ce qui rend l'histoire vivante et crédible.

Je vous engage vivement à découvrir cette auteure qui m'a enchantée avec les deux romans que j'ai lus récemment, j'espère en découvrir d'autres par la suite.
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" Il aurait mieux valu que nous naissions garçons, mais nous sommes nées filles et pour nous la vie est devenue un sac de noeuds"...

Ainsi s'exprime Oliva. En effet, être une fille en 1960 en Sicile est un enfer. Dès quinze ans, on attend , cloîtrée chez soi ou accompagnée lors de rares sorties d'un homme de la famille, qu'un futur mari et maître se présente. Encore plus compliqué lorsque, comme Oliva, on est pauvre.

Je n'ai pas envie de dévoiler le drame et les obstacles qu'elle affrontera, le choix- rebellion qu'elle devra faire, mais je peux au moins dire que j'ai trouvé cette jeune fille meurtrie courageuse , intelligente et attachante. Se libérer des carcans d'une tradition injuste et obsolète est si difficile! Et on y laisse tant.

Les personnages sont marquants, l'écriture tout en sensibilité. Les derniers chapitres, en particulier, se révèlent fort émouvants, échos entre Oliva et son père. J'ai beaucoup aimé ce roman, merci, Idil, de m'avoir incitée à le lire!
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