Ce livre m'a été imposé dans le cadre d'un challenge, pour un bonus particulier ce mois-ci. Je suppose que je l'ai acquis lors d'une promo Kindle ; je ne connaissais pas l'autrice, mais j'ai un a priori favorable pour les éditions Black Ink, que j'ai découvertes lors de ma « période romances », car la plupart de leurs publications m'ont alors bien plu.
Mais cette fois, quelle déception !
Déception qui, une fois de plus, va à l'encontre des notes dithyrambiques qu'a récoltées ce livre… Il faut dire aussi que, en lisant en diagonale les différents commentaires, ces notes ont été données par un public conquis d'avance (la plupart semblaient déjà connaître l'autrice, quelques autres parlent de SP de la part de la maison d'édition), ce qui fausse peut-être un peu les choses… ou bien est-ce moi qui cherche à me donner « bonne conscience » à l'avance, pour un avis qui va clairement à contre-sens ?
Bref, ça commençait (très) mal : je trouve cette couverture horrible ! Certes, le modèle est plutôt mignon (et pour cause : sinon il ne serait pas mannequin !) ; certes, dans le livre le protagoniste masculin fume comme un pompier… mais était-ce obligatoire de faire une couverture avec une cigarette au bec ? Même si ça colle (au moins en partie) avec l'histoire, ce genre de couverture (comme je l'avais déjà dénoncé pour un tout autre livre, « Les gens heureux lisent et boivent du café »), à mes yeux c'est tout simplement obscène.
Ensuite, les prénoms… Nathanaël Evirt est appelé affectueusement « Evi » par son amie d'enfance, et c'est au point qu'on ne parle quasi jamais de lui que sous ce surnom. Sauf que, Evy (oui, avec un i grec alors, mais ça se prononce exactement pareil), c'est le prénom –féminin- d'une de mes meilleures amies ou de la fille d'une de mes anciennes collègues. Dès lors, dans ma tête, il y a comme une impossibilité à associer cet « Evi » à un homme viril et séduisant, je vois aussitôt mon amie ou la petite de ma collègue ! Quant à Souline… J'adore le prénom Soline (oui, oui, avec juste un o), mais la déviation en « ou » me fait penser à une copine d'origine tchèque de ma fille, qui à chaque retour de Tchéquie (quand elle va voir sa famille), ne sait plus prononcer correctement le français et ma Lucile devient alors « Loucile », ce que je n'aime pas du tout ! Bref, vous l'avez compris : ces deux remarques sont strictement personnelles et n'ont rien à voir avec la qualité (ou pas) du livre même… mais voilà, c'était un blocage pour moi dès le tout début, ce qui n'a sans doute pas facilité mon approche du roman.
Passons alors à l'intrigue… Je ne vais évidemment pas dévoiler les choses, mais disons que le point de départ est une histoire d'amour aussi profonde qu'impossible entre deux ados, l'une violoniste déjà extrêmement douée, l'autre pianiste moins doué mais instinctif. le truc, c'est que ces deux ados sont pensionnaires d'une école catholique dirigée par un véritable sadique, partisan des châtiments corporels dégradants et/ou humiliants sous motif « d'éducation » ; en outre, l'autrice place cette histoire initiale dans les années 1990, époque où, selon elle, on n'écoutait pas les enfants…
Sauf que… son institution catholique est un ramassis de clichés mettant en scène une bande de prêtres pédophiles en association, avec quelques complices parmi leur personnel laïc (dont une infirmière ou un jardinier) ; bon, ce n'est peut-être pas impossible, mais c'est décrit de telle sorte qu'on se sent transporté dans un (mauvais) remake du célèbre film « Les choristes » - qui, quant à lui, a lieu bien avant les années 1990 ! D'ailleurs, le nom de la fameuse Souline, comme par hasard, c'est Moranger. Souline Moranger, violoniste de génie…
Pierre Morhange, à la voix d'or, qui dans le film devient chef d'orchestre : ça ne vous rappelle rien ? Quelle proximité étonnante dans les noms ! Hasard ?...
Par ailleurs, il suffit de se renseigner un peu sur l'évolution des moeurs, en matière de parole des enfants notamment, et on peut voir que, contrairement à ce que l'autrice assène ici, la voix des enfants a commencé à compter dès les années 1980 ! (voir le très bon article ici : https://www.santementale.fr/2015/04/evolution-du-concept-de-violence-sexuelle-a-travers-l-histoire/) . Ainsi, même si certaines institutions catholiques ont eu encore quelques « belles heures » (de violence et autres abus sur mineurs) dans les années 1990, ici on nous explique quand même que Souline a été retirée de cet enfer par sa mère à qui elle aurait tout à coup raconté son vécu horrible… et ça en serait resté là ? Bon sang, moi aussi j'ai été ado (à la fin des années 1980), et ma maman aurait remué ciel et terre pour obtenir réparation, si j'avais vécu telle expérience ! mais ici, rien de rien, on se contente de retirer sa fille, et les autres (ses copains depuis plusieurs années, et son amour soi-disant éternel) n'ont qu'à crever ? Mon coeur de mère ne parvient pas à y croire, et je suis outrée par ce silence presque aussi terrifiant que la malveillance mise en scène de ces prêtres bien éloignés d'un quelconque esprit chrétien…
À part ça, la première moitié du livre m'a paru tout simplement interminable ! C'est long et ça n'en finit pas… Souline a donc bien quitté l'enfer de ce pensionnat de Fersac (nom inventé – il existe bien un village nommé Fersac… mais en Bretagne ! or ici on est dans les Pyrénées), et revient dans la région 15 ans plus tard (précisément à Saint-Lary-Soulan) pour des vacances d'hiver avec quelques amies. Elle retrouve « Evi » et retombe amoureuse comme au premier jour – alors qu'elle est en couple avec un autre, sans passion certes, mais elle a fait sa vie et ne s'est jamais plus occupée de son passé, comme dit plus haut, elle ne connaît pas l'homme que cet « Evi » est devenu, et tout à coup c'est la passion retrouvée ? Sérieusement ? Bien entendu, « Evi » la rejette, pour des raisons qu'on ne comprend pas à ce stade, mais elle ne veut rien entendre. Pire : elle retourne l'été suivant à Saint-Lary, cette fois pour donner des cours de musique lors d'un stage renommé, et dans le but très clair de continuer de « poursuivre » son amour d'enfance. de nos jours, on appelle ça du harcèlement, pas de l'amour… On est à 31% du livre (presque le tiers !) quand elle finit par admettre qu'il ne veut pas d'elle, mais elle continue dans son entêtement, en souvenir de cet amour d'enfance qui aurait tout transcendé. Comble de l'incohérence : elle affirme à un moment donné que c'est l'homme qu'il est devenu qu'elle aime, même si elle ne le connaît pas vraiment, et pas l'ado qu'il a été… ou bien j'ai raté un épisode ? Il est vrai que, comme je m'ennuyais tant, j'ai sans doute sauté l'un ou l'autre paragraphe !
Ainsi, on est à plus de 50% du roman quand les choses bougent enfin, qu'on commence à comprendre pourquoi « Evi » a voulu à ce point éloigner Souline de sa vie - indépendamment du fait que 15 ans étaient passés et que tous deux avaient largement passé l'âge de leurs amours adolescentes, aussi fortes et touchantes qu'elles aient été ! On poursuit donc une intrigue un peu plus « vivante » avec une Souline constamment gentille, réfléchie, cherchant des solutions à tout et n'importe quoi, un archétype de la femme parfaite – car en plus, bien sûr, elle est jolie, bien formée, et juste assez fragile pour qu'un homme soit touché ; tandis que « Evi » se révèle de plus en plus torturé, à la limite de la folie ou d'un certain pathétique.
Là, en tout cas, je peux retrouver ce que disait la lectrice qui m'a imposé ce livre en parlant de l'autrice, je la cite : « elle a une façon de créer des personnages complètement torturés, d'exprimer les émotions… ». En effet, « Evi » est complètement torturé, à la limite de la folie comme je disais, sa seule soupape étant qu'il en a encore une vague conscience… et la personne même de Souline – car tout à coup il admet qu'il est lui aussi amoureux de la femme qu'elle est devenue… Et c'est vrai aussi que les émotions exprimées sont fortes, malgré de nombreuses redondances et la longueur que j'ai relevée plus haut.
Pour moi, les émotions ont réellement surgi quand il s'agit de musique. Certes, ce livre n'est pas un traité sur le violon ou sur la musique classique, mais c'est quand même toute la vie de Souline… et l'autrice en parle avec brio ; on baigne dans cette musique, même si elle est relativement peu présente, mais elle imprègne tellement le livre d'émotions diverses et variées, toujours fortes, qu'elle paraît omniprésente. Dans ces moments-là, je me suis laissé prendre par une plume effectivement bouleversante et renversante, et c'est aussi la seule raison pour laquelle je mets une note pas tout à fait dramatique à ce livre. J'aurais aimé apprécier cette belle plume à travers tout le livre, malheureusement, elle est diluée et se noie dans toute cette non-intrigue.
À ce sujet, d'ailleurs, il faut noter que l'autrice parsème son texte de nombreux flashes back (toujours notés en italique pour bien les différencier) qui insistent sur l'amour des deux ados ou sur l'horreur de ce qu'ils ont vécue à Fersac. J'ai remarqué que, comme par hasard, ces passages de souvenirs de Fersac se passent systématiquement en hiver… comme si l'autrice avait eu besoin d'en rajouter avec un climat rude et froid !? Quand je parlais de redondances…
Bref, je suis déçue de ne pas avoir réussi à accrocher à une histoire d'amour sombre mais forte, ancrée dans la souffrance mais aussi dans la musique, et qui aurait transcendé les années malgré le pire qu'on peut avoir en nous. Les personnages, trop lisse pour Souline, trop torturé pour « Evi », ne m'ont pas convaincue. Certes, l'autrice parle de musique avec brio et fait passer des émotions fortes et même bouleversantes, malheureusement sa plume si intéressante m'a paru étouffée dans une non-intrigue et trop de longueurs.