Paul Arène (1843-1896) est un écrivain provençal du 19ème siècle. A cette époque, les écrivains provençaux sont partagés entre le désir de sauvegarder et de promouvoir le provençal (= la langue d'oc), et celui de prendre un peu de distance par rapport à leurs attaches ancestrales.
Paul Arène est confronté à ce dilemme, et, comme d'autres, il quittera pour un temps sa Provence natale pour "monter sur Paris" : là, il fréquentera les cafés littéraires, rencontrera
Alphonse Daudet et écrira des articles et des chroniques pour
Le Figaro littéraire. A Paris, il sera en relation constante avec
Joseph Roumanille, un poète et son ancien professeur de collège, mais aussi avec
Frédéric Mistral et
Théodore Aubanel. Avec eux,
Paul Arène aura à coeur de défendre ardemment la langue et la culture provençale : regroupant ses amis occitans de Paris, il organisera en 1879 le Félibrige parisien, dont il sera le président. A ce titre, le buste de
Paul Arène est encore visible aujourd'hui au jardin des Félibres à Sceaux.
Paul Arène a écrit une quinzaine d'ouvrages. Sa collaboration active avec
Alphonse Daudet à l'écriture des chroniques provençales (rassemblées sous le titre Les
Lettres de mon moulin) lui a valu le sobriquet de "nègre de Daudet". Toutes les pièces provençales de
Paul Arène sont fondées sur des particularités de moeurs ou de paysages de la contrée de Sisteron.
Jean-des-Figues, considéré comme le chef-d'oeuvre de
Paul Arène, a été rédigé à Sisteron, en 1868 : l'ouvrage est dédié à
Alphonse Daudet. Qualifié par
Paul Arène lui-même (page 51) de "mémoires destinées à des lectrices",
Jean-des-Figues est l'histoire d'un provençal qui quitte sa Provence natale (le village de Canteperdrix, son rocher, ses remparts, ses rues en escalier et sa rivière) pour "monter à Paris". Dans la capitale, il mène pendant deux ans une vie de bohème, assez misérable. Souhaitant faire une carrière littéraire, il fréquente les cafés littéraires, découvre les moeurs parisiennes, perd un peu de sa jeunesse en compagnie de poètes qui (page 83) "fument du cannabis, font usage de l'opium et du vin d'Espagne", devient (page 91) "secrétaire de la Revue Barbare", rencontre Roset une amourette d'enfance qui s'essaye à "la grande vie" avant de redescendre et de s'installer avec
Jean-des-Figues à Canteperdrix.
Ouvrage de petite taille (161 pages),
Jean-des-Figues est un roman assez banal qui nous conte à sa façon une partie de la vie d'
Alphonse Daudet sans présenter toutefois l'intérêt des "
Lettres de mon Moulin".
Jean-des-Figues est en effet caractérisé par une écriture moins réaliste, moins riche, moins empreinte de témoignages sur les milieux ouvriers, parisiens et provençaux de l'époque. Et l'ouvrage pêche par son côté mièvre, son excès de naïveté, ses répétitions, ses longueurs, la faiblesse de son scénario, la quasi-absence de suspense (on feint de ne pas savoir si
Jean-des-Figues va finir par épouser Roset ou Reine), ses références désuètes aux auteurs classiques grecs et son auto-dérision permanente. de temps en temps,
Paul Arène nous assène des pseudo-vérités d'une affligeante banalité : (page 78) "ce siècle est maudit où les âmes sont captives, où rien de grand ne peut être fait". Et certaines lignes frisent le ridicule : (page 40) Reine lui jeta des regards "à vous brûler les paupières". Enfin, pour couronner le tout (page 68), vous découvrez
Jean-des-Figues, personnage principal, en pourpoint rouge et culotte jaune, déambulant dans Paris, sous les yeux ébahis des passants qui se retournent sur son passage : quel ridicule !
Jean-des-Figues, doit son surnom au fait qu'il se promène sur son âne avec des figues sèches en poche, la belle affaire ! Comme le jeune Frédéric, que connut Mistral (de son vrai nom Joseph Étienne Mistral mais qui avait pris le prénom de Frédéric par référence à ce garçon mort d'insolation),
Jean-des-Figues attrapera une insolation et manquera en mourir, belle originalité ! Roset est présentée comme une bohémienne sans grand luxe de détails; il en est de même de Reine, jeune fille paisible dont
Jean-des-Figues aimerait s'amouracher. Les autres personnages ne retiennent pas beaucoup l'attention.
Alors, faut-il jeter l'ouvrage aux orties ou le laisser à quelques lectrices désoeuvrées? Évidemment, non.
Jean-des-Figues pourra intéresser les passionnés d'histoire provençale : ils y découvriront (page 10) qu'en 1850 "être notaire ou conservateur des hypothèques constituait les deux grandes dignités de la Provence", que les enfants (page 13) "aimaient regarder les lézards courir sur les murs de pierre et voler les sauterelles couleur de coquelicot", que "les remparts (page20) et les tours républicaines ne défendaient plus les villages que de la tramontane et de l'air marin alors que les villages avaient pendant mille ans vécu libres et fiers", que dans les salles de classes (page 22) il régnait un "froid mortel", qu'on faisait de la musique (piano et violon) dans le salon de certaines célébrités locales ... Les passionnés d'histoire parisienne resteront sur leur faim. Au final, une histoire faible et beaucoup d'ennui pour une Provence qui méritait mieux !