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Critique de SZRAMOWO


Quand j'ai refermé le livre de Ivy Edelstein, j'ai tout de suite eu envie de le relire, pour me plonger à nouveau dans son écriture juste, lumineuse et précise.
Dans la préface, Christian Bobin parle « d'écriture à la hache », je préfère parler d'écriture chirurgicale, ou pour rester dans la métaphore du chemin que l'on trace dans les ténèbres, proposer celle du spéléologue dont la lampe frontale éclaire la progression dans une galerie étroite et sans fin.
Le texte laconique de la 4ème de couverture « Trente ans après les faits, un fils raconte le suicide de son père», en dit peu sur ce récit ; mon clavier a écrit « Trente ans après les faits, un fils raconte le souvenir de son père », lapsus révélateur en effet.
L'auteur raconte son père, sa relation à son père, le vide et le plein laissés par la mort de son père, les habitudes hérités de son père, les références culturelles qui lui rappellent incessamment son père, son regret de n'avoir pas connu son père, les lâchetés qu'il a commises pour ignorer ou renier son père...
Un paragraphe peut donner une clé de lecture du livre :
"Je suis jeune, je veux vivre", je lui ai dit le soir de son départ définitif. "Je veux rompre le fil transparent qui me relie à toi." Je lui ai répété cela deux ou trois fois, inconscient de la dureté de mes mots. Il m'a répondu : "Pardonne-moi d'avoir eu la parole si absente. Pardonne-moi, mon fils bien-aimé, d'avoir eu la vue troublée et le coeur naufragé."
Ce père, il est la lumière et l'ombre :
La lumière est du côté du soleil, et de l'Algérie où il naquit à Bougie (!), de « la lumière assourdissante » de Tipasa, du côté de l'incendie amical d'un champ de colza en fleurs, du côté de la religion, « Et il me montra comment on bricolait une veilleuse merveilleuse de Shabbat avec un verre d'eau, un peu d'huile, une petite mèche et une allumette. La petite veilleuses enlumina aussitôt la cuisine avec sa flamme blanche comme un petit nuage blanc crapahutant volontiers jusqu'au ciel de Dieu.» ; « (il) s'est drapé à jamais dans le ciel de son immense châle blanc de prière et il m'aveugle désormais comme mille soleils. »
L'ombre est du côté de la religion qui parle « la langue du ressentiment et des regret », du côté de Tipasa où « quelque chose de sombre et d'enfoui parle de lui ».
Ivy Edelstein nous lance une question même si pour lui , « la réponse est le malheur de la question » :
- Qu'avons-nous fait de notre père, de notre vivant, et que ferons-nous de lui après sa mort ?
L'entourage se charge de lui rappeler ses responsabilités à la mort du père, l'oncle, la mère, la soeur :
« Maintenant c'est toi l'homme de la maison.» ; « Il me dit que je lui ressemble tellement et cela m'attriste à nouveau.» ; «papa est mort, elle nous parle de son amant comme si de rien n'était.».......
La présence de son père se cache partout, dans la chanson de Carlos Gardel qu'il fredonnait, « Et s'il est à moi l'abri de ton rire léger, pareil à une chanson il apaise ma blessure, tout, j'oublie tout. » ; dans le ciel et le soleil, « Il me suffit d'être sous le soleil, accablé de chaleur, que le ciel soit impeccablement bleu, et mon père inévitablement s'assoit près de moi. »
Elle lui rappelle ce défi qu'il lui a légué : « Si tu fait ce que je n'ai pas fait, tu verras ce que je n'ai pas vu »

La forme du livre, 25 chapitres courts, précédés d'un titre didactique : « On est l'enfant de son père, pas de son époque.» ; «Chaque homme crée un royaume en mourant.» ; «Un père est un petit Dieu qui se débat.» ; «Cet être sans parole n'en finit pas de me parler.», en font un livre de méditation, à garder près de soi, je n'ose dire un livre de de prière ou d'actions de grâce.

«Pensez à votre père, il apparaîtra devant vous
et vous ne lui en voulez de rien »
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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