Pour Esprit roumain, il s'agit d'une édition bilingue à cinq euros de 117 pages, dont je peux donc donner les titres des
poèmes sans trop déborder. du recueil "Les mots jumeaux" (1927): Testament, Berceuse pour Mitzura, Tourments, Morgenstimmung, Abondance, Ex libris, Psaume, Langueur, Cache-cache; de "Fleurs de moisissure" (1931): Fleurs de moisissure, le souper, Galères, Tinca, le saint, Rada, Nostalgies; du "Petit livre du soir" (1935): Miel et cire, Grâce, Air de flûte, Accordailles, L'époux, Agenouillement, La plaine du Baragan; de "Chansons à bouche close" (1940): S'en viennent toutes seules; de "Syllabes" (1965): Psaume. Esprit roumain serait sans doute bien mieux à même que moi de juger de la pertinence de la sélection ; toujours est-il que sur tout Arghezi après 1935, notamment la période communiste, il n'y a pas grand-chose. La traduction me semble bonne dans l'ensemble; je relève néanmoins dans "La plaine du Baragan" : "je reconnais les anciens de ma race", en roumain "cunosc neamurile și strămoșii". Dans le texte original, il n'y a pas de mention de la race, ce qui avait son importance en 1935: politiquement Arghezi, au fond, était royaliste, ou partisan de la dictature royale de Carol II, par conséquent ni communiste ni légionnaire. D'une certaine façon, certains
poèmes de "Fleurs de moisissure" rappellent ceux des débuts de
Gottfried Benn, par la lumière crue qu'ils jettent sur certains aspects de l'existence, comme le dépouillement de la vie en prison, l'amour vénal. Arghezi diffère néanmoins de l'exilé intérieur allemand sur au moins un point: les nombreux
poèmes consacrés à des sujets religieux, même lorsqu'ils font preuve de scepticisme, lorsque le poète se sent abandonné, sans que cependant lui ne l'abandonne. Noter aussi la proximité de la nature, la variété des noms de végétaux voire de termes agricoles. Quant à la versification, les poésies sont en rimes, les vers souvent irréguliers, Arghezi a souvent été considéré comme un moderniste. Pour conclure, avec les réserves habituelles vis à vis de ce type d'anthologie, satisfaction que la poésie d'Arghezi puisse être découverte, ce qui n'est guère possible par ailleurs.