AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Cosaque


Avant toute chose il faut dire que le véritable auteur du « Boulevard du mélodrame » n'est pas Alfredo Arias, comme la fiche de renseignements de ce texte le laisse supposer, mais Juan Bautista Piñeiro. Malheureusement je n'ai trouvé que très peu de chose sur cet auteur. Les quelques informations le concernant viennent en grande partie de l'Avant Scène n°778 qui contient le texte et de quelques données glanées sur Internet. Né en Espagne en 1945, il a grandi en Argentine, s'est installé à Paris dans les années 70 où il a adopté le français comme langue d'écriture et finalement meurt du SIDA en 1994. Il disparaît à même pas cinquante ans ; et si j'en crois la seule pièce de lui que j'ai eu le grand plaisir de lire, c'est une perte pour l'écriture dramatique francophone.

Ce « Boulevard du mélodrame » est une parodie d'un genre théâtral très en vogue au cours du XIXe siècle à Paris, justement, le mélodrame. En outre le « Boulevard... » est aussi une adaptation de « L'auberge des Adrets ». Pièce qui a donné naissance à un des personnages de criminel qui a connu une immense célébrité dans le Paris populaire de cette époque ; il s'agit du terrible, de l'épouvantable, du monstrueux Robert Macaire. Or la genèse de ce personnage n'a pas été seulement dû au seul mérite de l'auteur de « l'auberge des Adrets », mais bien plus, au talent du grand  Frédérick Lemaître  qui le premier interpréta ce rôle. Car il a su transformer une figure grandiloquente de bandit cynique et sanguinaire en une espèce de ganache ridicule et dépenaillé.

Voici comment il décrit la manière dont il a envisagé son rôle:
« Un soir, en tournant et retournant les pages de mon manuscrit, je me mis à trouver excessivement bouffonnes toutes les situations et toutes les phrases des rôles de Robert Macaire et de Bertrand, si elles étaient prises au comique.
Je fis part à Firmin, garçon d'esprit, et qui comme moi se trouvait mal à son aise dans un Bertrand sérieux, de l'idée bizarre, folle, qui m'avait traversé l'imagination.
Il la trouva sublime!»
 Frédérick Lemaître, Souvenirs

Juan Piñeiro a en quelque sorte parodié une parodie. Sans doute fallait-il la luxuriance de l'imaginaire ibérico-argentin pour réussir ce tour de force. Tous les éléments mélodramatiques sont présents et poussés jusqu'à la limite du non-sens. Par exemple des orphelins retrouvent leurs géniteurs grâce à des marques de naissances, l'assassinat odieux d'une jeune et jolie veuve par une nuit d'orage, un Robert Macaire insaisissable qui réussit toujours à se tirer d'affaire grâce à son bagout, etc. . D'invraisemblances en invraisemblances l'intrigue devient complètement inextricable, l'identité des personnages perd toute crédibilité. Surtout lorsqu'une troupe de bohémiens qui investit la cour de l'auberge y exécute des tours de passe-passe et autres tours de forces acrobatiques, se révèle n'être qu'une brigade de gendarmes déguisés pour se saisir de ce criminel poursuivit par toutes les polices de l'Empire. Dès lors la pièce plonge dans le fantastique : les veuves ressuscitent et les ours parlent. le problème avec ce genre de procédé, c'est de trouver une porte de sortie pour achever la pièce de façon un tantinet cohérente ; ma seule réserve concerne justement la chute. Piñeiro a terminé sa pièce par une « pirouette » : Robert pour fuir ses poursuivants déchire le quatrième mur, se dérobant par cette issue au piège de l'action scénique en rejoignant les spectateurs. Ce genre de petite ruse narrative m'agace toujours un peu, car je trouve qu'il y a une tendance didactique à me rappeler que j'assiste à une représentation en rompant les conventions. C'est le seul bémol que je mets à cette pièce, et encore peut-être qu'avec des acteurs ayant de l'élégance cette fin sera toute naturelle; ce qui sans doute fut le cas en 1985 dans la mise en scène d'Alfredo Arias avec Jean Rochefort dans le rôle de Robert.
Commenter  J’apprécie          72



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}