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Citations sur Essais sur l'histoire de la mort en Occident : Du Moy.. (18)

Il appartient aux malades de ne jamais éveiller chez les médecins et les infirmières
l'insupportable émotion de la mort.
Ils seront appréciés dans la mesure où ils auront fait oublier à l'entourage médical
(à sa sensibilité et non pas à sa raison)
qu'ils vont mourir.

Ainsi le rôle du malade ne peut-il être que négatif :
celui du "mourant qui fait semblant de ne pas mourir."
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Une fois mort, tout va donc bien dans le meilleur des mondes.

En revanche, il est difficile de mourir.
La société prolonge le plus longtemps possible les malades,
mais elle ne les aide pas à mourir.

A partir du moment où elle ne peut plus les maintenir, elle y renonce
- technical failure, business lost -
ils ne sont plus que les témoins honteux de sa défaite.
On essaie d'abord de ne pas les traiter comme des mourants authentiques
et reconnus,
et ensuite on se dépêche de les oublier - ou de faire semblant.

Certes, il n'a jamais été vraiment facile de mourir,
mais les sociétés traditionnelles avaient l'habitude d'entourer le mourant
et de recevoir ses communications jusqu'à son dernier souffle.

Aujourd'hui, dans les hôpitaux et les cliniques en particulier,
on ne communique plus avec le mourant.
Il n'est plus écouté comme un être de raison,
il est seulement observé comme un sujet clinique, isolé quand on peut,
comme un mauvais exemple,
et traité comme un enfant irresponsable
dont la parole n'a ni sens, ni autorité.

Sans doute bénéficie-t-il d'une assistance technique plus efficace
que la compagnie fatigante des parents et des voisins.
Mais il est devenu, quoique bien soigné et longtemps conservé,
une chose solitaire et humiliée.
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La mort était autrefois une figure familière, et les moralistes devaient la rendre hideuse pour faire peur. Aujourd'hui, il suffit de seulement la nommer pour provoquer une tension émotive incompatible avec la régularité de la vie quotidienne.
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Aujourd’hui, à la nécessité du deuil, plus ou moins spontané ou imposé selon les époques, a succédé au milieu du XXe siècle son interdiction. Pendant la durée d’une génération la situation a été renversée : ce qui était commandé par la conscience individuelle ou par la volonté générale est désormais défendu. Ce qui était défendu est aujourd’hui recommandé. Il ne convient plus d’afficher sa peine ni même d’avoir l’air de l’éprouver.
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Le mourant n'a plus de statut parce qu'il n'a plus de valeur sociale :
c'est pourquoi les "death bed pronouncements" ne sont plus pris au sérieux.
Autrefois le mourant gardait sa valeur jusqu'au bout et même au-delà puisqu'il l'emportait avec lui dans une vie future à laquelle on croyait.

La diminution des valeurs religieuses et, dans les religions de salut, l'effacement de l'eschatologie auraient enlevé toute crédibilité aux radotages d'un homme déjà presque annulé.
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Malgré leur familiarité avec la mort, les Anciens (dans l’Antiquité) redoutaient le voisinage des morts et les tenaient à l’écart. […] mais l’un des buts des cultes funéraires était d’empêcher les défunts de revenir troubler les vivants.
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A partir du 16ème, et même à la fin 15ème, nous voyons les thèmes de la mort se charger d'un sens érotique. Ainsi dans les danses macabres les plus anciennes, c’est à peine si la mort touchait le vif pour l'avertir et le désigner. Dans la nouvelle iconographie du 16ème siècle, elle le viole. Du 16ème au 18ème siècle, d'innombrables scènes ou motifs, dans l'art et dans la littérature, associent la mort à l'amour, Thanatos et Eros : thèmes érotico-macabres, ou thèmes simplement morbides, qui témoignent d'une complaisance extrêmes aux spectacles de la mort, de la souffrance, des supplices.
[...]
Comme l'acte sexuel, la mort est désormais de plus en plus considérée comme une transgression qui arrache l'homme à sa vie quotidienne, à sa société raisonnable, à son travail monotone, pour le soumettre à un paroxysme et le jeter alors dans un monde irrationnel, violent et cruel. Comme l'acte sexuel chez le marquis de Sade, la mort est une rupture. Or, notons-le bien, cette idée de rupture est tout à fait nouvelle. Dans nos précédents exposés nous avons voulu au contraire insister sur la familiarité avec la mort et avec les morts.
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Arrêtons-nous là et tirons quelques conclusions générales.

La première a déjà été suffisamment dégagée : on attend la mort au lit, « gisant au lit malade ».

La seconde est que la mort est une cérémonie publique et organisée. Organisée par le mourant lui-même qui la préside et en connaît le protocole.
(…)
Cérémonie publique aussi. La chambre du mourant se changeait alors en lieu public (…) il importait que les parents, amis, voisins fussent présents. On amenait les enfants : pas de représentation d’une chambre de mourant jusqu’au XVIIIe siècle sans quelques enfants. Quand on pense aujourd’hui au soin pris pour écarter les enfants des choses de la mort !

Enfin, dernière conclusion, la plus importante : la simplicité avec laquelle les rites de la mort étaient acceptés et accomplis, d’une manière cérémonielle, certes, mais sans caractère dramatique, sans mouvement d’émotion excessif.
(…)
Ainsi est-on mort pendant des siècles ou des millénaires. Dans un monde soumis au changement, l’attitude traditionnelle devant la mort apparaît comme une masse d’inertie et de continuité. L’attitude ancienne où la mort est à la fois familière, proche et atténuée, indifférente, s’oppose trop à la nôtre où la mort fait peur au point que nous n’osons plus dire son nom. C’est pourquoi j’appellerai ici cette mort familière la mort apprivoisée. Je ne veux pas dire que la mort a été auparavant sauvage, puisqu’elle a cessé de l’être. Je veux dire au contraire qu’elle est devenue aujourd’hui sauvage. (pp. 27-28)
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La mort a été décomposée, morcelée en une série de petites étapes dont, en définitive, on ne sait laquelle est la mort vraie, celle où l'on a perdu la conscience, ou bien celle où on a perdu le souffle...Toutes ces petites morts silencieuses ont remplacé et effacé la grande action dramatique de la mort, et plus personne n'a la force ou la patience d'attendre pendant des semaines un moment qui a perdu une partie de son sens.
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Ce rituel [de la mort] dit d'abord comment il faut mourir.
Cela commence par le pressentiment.
Roland "sait que son temps est fini" et le laboureur de La Fontaine sent sa mort prochaine.
Alors, le blessé ou le malade se couche, il gît par terre ou au lit,
entouré de ses amis, de ses compagnons, de ses parents, de ses voisins.
C'est le premier acte de cette liturgie publique.
L'usage lui laisse alors le temps d'un regret de la vie, pourvu qu'il soit bref et discret.
Il n'y reviendra pas plus tard : le temps du congé est terminé.
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