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EAN : 9782251000299
302 pages
Les Belles Lettres (15/11/2002)
4.2/5   5 notes
Résumé :
Les Guêpes marque le retour d'Aristophane à la comédie politique, vraisemblablement en raison de l'accueil mitigé reçu par Les Nuées. Dans cette comédie inusable, reprise par Racine dans Les Plaideurs, Aristophane s’en prend au système judiciaire athénien, à ce goût si prononcé à Athènes pour la chicane, et que les récentes réformes de Cléon avaient encore accentué. Philocléon (« celui qui aime Cléon ») est atteint du mal procédurier si bien que son fils Bdélycléon ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Voici un recueil de deux pièces engagées d'Aristophane (remarque de peu d'envergure car tout Aristophane est très engagé) dénonçant deux dysfonctionnements sociaux ou sociétaux.

1) Tout d'abord LES GUÊPES. Il s'agit d'une petite comédie antique qui justifie peut-être quelques explications préalables pour être pleinement savourée et comprise. Dans l'Athènes d'Aristophane, il n'y a pas, ou quasiment pas, de juges professionnels. Cette fonction échoit naturellement à des jurés populaires (il suffit pour cela d'être un homme et d'être âgé d'au moins trente ans.)

Jusqu'ici, tout va bien, cela paraît un fonctionnement exemplaire de démocratie. Cependant, si l'on précise qu'ils étaient environ 6 000 jurés pour une population totale à l'époque d'environ 20 000 hommes, cela devient déjà un peu plus problématique, ne serait-ce que pour le bon fonctionnement de la vie économique de chacun.

Voilà pourquoi Périclès eut l'idée de dédommager d'une obole les personnes qui feraient office de jurés lors d'un procès. Mais là encore, l'enfer est pavé de bonnes intentions ! Ce système eut l'inconvénient de faire converger toute la population pauvre à ce poste, sachant que les personnes dont les revenus étaient supérieurs se désintéressèrent totalement de l'exercice de la justice.
Cette perte de diversité sociale dans l'établissement des jugements ne fut pas sans être perçue et utilisée par les démagogues, dont l'un deux, à dessein, tripla la rémunération (trois oboles pour un procès, sans limitation du nombre de procès où l'on peut être jurés).

L'intérêt politique est alors évident et serait probablement l'objet d'une discussion passionnante mais ce n'est pas le propos ici avec Les Guêpes.
Les Guêpes, qui sont-elles ? Ces juges à la petite semaine, bien évidemment. Aristophane utilise cette image car les jurés étaient munis d'un stylet ou simplement de leur ongle pour imprimer dans la cire la longueur de la peine. Ainsi, cet essaim de juges qui courent les procès pour se faire quelque argent avec leurs stylets sont-ils comparés aux hyménoptères bien connus de celles et ceux qui font des confitures l'été.

Ainsi, Aristophane nous présente-t-il l'un de ces jurés, un vieillard répondant au nom de Philocléon (C'est-à-dire, en grec, " qui aime Cléon "), devenu addict à cela, pas même pour l'argent, mais pour la jouissance d'exercer son pouvoir sur autrui.

En outre, son fils, Bdélycléon (c'est-à-dire " qui exècre Cléon, sachant qu'Aristophane lui-même exècre Cléon, le démagogue successeur de Périclès impliqué dans les Guerres du Péloponnèse), cherche à s'opposer par tous les moyens à ce hobby de son père et lui en explique les raisons.

La principale est qu'il est la dupe du démagogue pour qui il rend les jugements car, pendant que la bande des vieillards courent les procès pour une rétribution ridicule, l'autre s'en met plein les poches sans aucun risque d'être ennuyé par la justice.

L'argument fait mouche dans l'esprit du vieux mais la passion de juger est trop grande pour qu'il puisse s'en sevrer. Aussi, Bdélycléon, lui propose-t-il de subvenir à tous ses besoins et de le faire exercer son art du jugement au sein même de la maison.

C'est l'occasion d'une scène de jugement de deux chiens pour un vol de fromage absolument cocasse et très drôle. Mais Aristophane a pris au préalable le soin d'affubler les chiens de noms qui rappellent aux contemporains deux personnalités de l'époque, démagogues tous les deux qui se crêpèrent le chignon, tout simplement parce que l'un n'avait pu profiter des détournements de l'autre.

Ensuite, la pièce part un peu en sucette et je ne sais pas trop où il a voulu en venir. Peut-être au fait qu'on ne change pas facilement les habitudes de quelqu'un ? Peut-être sur le conflit générationnel ?

Toujours est-il que malgré toute la bonne volonté du fils à fournir à son vieux père une existence douce et confortable, le vieux en profite pour se pochetronner et faire toutes les aberrations possibles et imaginables...
Cette seconde partie de la pièce m'a beaucoup moins accrochée que le début et la réflexion sur le lien entre justice et politique.

2) Ensuite, nous abordons LA PAIX. On y voit Trygée, un citoyen soucieux du bien public, prendre le taureau par les cornes (en l'occurrence un scarabée bousier géant) afin de se rendre sur cette improbable monture dans les sphères célestes afin de réclamer aux dieux le retour de la Paix.

Ce faisant, Trygée rencontre Hermès et lui indique sa requête de vouloir libérer la paix, incarnée sous forme d'une déesse. le messager des dieux lui indique qu'elle est enfermée dans une grotte avec la déesse des bonnes récoltes et la déesse de l'esprit festif.

Voici une pièce édifiante. Un appel à la paix vieux de bientôt vingt-cinq siècles. Une dénonciation des magouilles, des lobbys, des allégeances aux dieux et des démagogues qui, sous couvert de défendre un supposé honneur supposément outragé, poussent de toutes leurs forces à la guerre. Incroyable, on se croirait au XXIème siècle !

Peut-être bien qu'il y a quelque chose d'intimement, de viscéralement humain dans le désir de combattre et d'écraser l'autre. Guerre économique ou guerre au sens physique du terme, cela reste un désir de combattre et d'écraser l'autre, de lui faire rendre gorge en ayant joui au préalable du plaisir de le voir ramper devant nous en réclamant grâce, histoire de se croire grand et fort.

Aristophane montre aussi magnifiquement l'art des dirigeants, habiles à crier fort et à attiser la haine tout en envoyant des pauvres bougres au casse-pipe, des gens qui n'ont rien demandé mais qui sont obligés de combattre sous peine de sanction pour désertion. Les marchands d'armes ont des sourires jusqu'aux oreilles et prennent leurs petites commissions au passage. Les politiques cherchent un prétexte, le trouvent toujours et c'est parti pour la baston entre pauvres bougres. Bref, rien n'a changé.

Aristophane, comme à son habitude, a le verbe mordant, le ton satyrique, et l'humour gras, très gras, qui tape souvent en dessous de la ceinture. C'est en quelque sorte le Jean-Marie Bigard de la comédie antique. Je vous avoue que ce n'est pas ce que j'affectionne le plus, mais sur le fond, c'est d'une clairvoyance, c'est d'une vérité saisissante.

C'est également dans cette pièce qu'Aristophane nous laisse le mieux entendre son athéisme, ridiculisant, décrédibilisant et critiquant ouvertement l'usage qui est fait des dieux où le rôle trouble que ceux-ci jouent dans les conflits. Pour lui, un dieu ne peut pas être intéressant si de près ou de loin il est lié à un conflit ou, ce qui est pire, s'il est partie prenante d'une manière de business aux offrandes pour s'attirer ses grâces, sa protection ou son soutien. Ça ne vous rappelle rien ?

Certes, on peut toujours reprocher aux pièces d'Aristophane d'avoir un peu vieilli (mais on le pardonnerait à moins, à vingt-cinq siècles de distance !), mais à chaque fois que je le lis, au départ ça me fait sourire puis, très vite ça me rend triste. Triste d'une tristesse absolue, car je me rend compte que rien n'a changé et que c'est donc probablement sans espoir. C'est l'homme qui est comme ça, incurable dans ses vices, tout au moins dans ses grandes lignes. Et l'on peut mettre tout le vernis de culture et de bonnes manières que l'on voudra dessus, chassez le naturel… il revient au galop. Satanée humanité, cupide, sordide, orgueilleuse, mesquine alors qu'elle pourrait être tellement autre chose.

Ceci dit, je vous laisse en paix, soyez-en juge (et non guêpe) car, tout bien pesé ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
LE SERVITEUR : Sacrée charogne ! Nourrir un chien pareil !
BDÉLYCLÉON : Qu'y a-t-il, s'il te plaît ?
LE SERVITEUR : Voilà-t-il pas que Labès, votre chien, vient de faire un bond à travers la cuisine, en emportant un fromage frais de Sicile dont il a la gueule pleine !
BDÉLYCLÉON : Bon, voilà le premier délit qu'il me faut porter devant mon père. C'est à toi de représenter l'accusation.
LE SERVITEUR : Non, ma parole, ce n'est pas à moi ; c'est l'autre chien qui déclare se porter comme accusateur, en cas de poursuites.
[...]
BDÉLYCLÉON : S'il y a des juges à la porte, qu'ils entrent. Quand les plaidoiries auront commencé, nous ne laisserons plus entrer.
PHILOCLÉON : Quel est donc l'accusé ?
BDÉLYCLÉON : Le voici.
PHILOCLÉON : Il peut s'attendre à une belle condamnation.
BDÉLYCLÉON : Maintenant silence ! Je lis l'acte d'accusation : plainte a été déposée par le sieur Le Chien, natif de Cydathénée, contre Labès d'Aixoné, pour ce que ledit Labès aurait dévoré à lui seul un fromage de Sicile. On demande la peine du carcan de figuier.
PHILOCLÉON : Il doit mourir comme un chien plutôt, une fois qu'on l'aura reconnu coupable.
BDÉLYCLÉON : Voici ledit Labès au banc des accusés.
PHILOCLÉON : Quel misérable ! Tout à fait la tête d'un voleur ! Il pense m'en imposer en serrant les dents de cette façon. Mais où se trouve le plaignant, le sieur Le Chien, de Cydathénée ?
LE CHIEN : Ouah, ouah !
BDÉLYCLÉON : Le voici.
PHILOCLÉON : C'est un second Labès.
BDÉLYCLÉON : Pour ce qui est de bien aboyer.
PHILOCLÉON : Et de lécher à fond les marmites.
BDÉLYCLÉON : Silence ! assis ! (Au chien.) Vous, montez à ce banc ! Commencez l'accusation.
[...]
LE CHIEN : Vous avez entendu, Messieurs les Juges, la plainte que j'ai déposé contre cet individu. Il a commis le crime le plus odieux contre ma personne et contre toute la " flotte ". Il s'est carapaté dans un coin, en " sicilisant " un gros fromage, et s'en est rempli le ventre dans l'ombre...
PHILOCLÉON : Parbleu, c'est clair. Le grossier personnage, entendez-vous, vient de me lâcher en pleine figure un rot qui empeste le fromage.

LES GUÊPES.
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TRYGÉE : Toutes les villes, débarrassées de leurs misères, offriront partout des victimes à Hermès-de-Bon-Secours. Et je ne parle pas d'une quantité d'autres bénéfices. D'abord, je te fais cadeau de cette coupe à libations.
HERMÈS : Ah ! je me suis toujours laissé attendrir par les objets en or.

LA PAIX.
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TRYGÉE : Tiens, voilà quelqu'un qui s'amène avec une couronne de lauriers sur la tête.
LE SERVITEUR : Qui ça peut-il être ?
TRYGÉE : Il a une tête de charlatan.
LE SERVITEUR : Un devin peut-être ?

(LA PAIX.)
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TRIGÉE : Montre-toi tout entière comme une honnête femme, à nous tes amants qui languissons après toi voilà déjà treize ans. Arrête tes batailles et tumultes pour que nous puissions te donner le surnom de Lysimaque*. Fais cesser parmi nous les malins sous-entendus de ces bavardages où nous nous faisons un mal réciproque. Mêle de nouveau au sang des Grecs le suc de l'amitié ; adoucis notre caractère en le délayant de mutuelle indulgence. (* N. B. : c'est-à-dire " qui met fin aux batailles ")

LA PAIX.
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Vidéo de  Aristophane
ARISTOPHANE – Peut-on rire de tout ? (France Culture, Nouveaux Chemins, 2013) Émission de radio « Nouveaux Chemins » diffusée le 19 mars 2013, sur France Culture dans le cadre d’une semaine intitulée « Éloge de la parodie ». Adèle an Reeth recevait Ghislaine Jay-Robert, maître de conférence en langue et littérature grecques à l’Université de Perpignan.
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