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Victor Coulon (Éditeur scientifique)Hilaire Van Daele (Traducteur)Silvia Milanezi (Préfacier, etc.)
EAN : 9782251800028
206 pages
Les Belles Lettres (05/03/2009)
3.5/5   23 notes
Résumé :
Ils vont nu-pieds, leur teint est pâle comme celui des cadavres, leurs regards sont brillants. Ils se servent de leur langue affûtée pour enseigner, contre salaire, l'art exquis de douter de tout, de transformer le discours juste en discours injuste et de vivre au-dessus des lois. Dans l'ombre du "pensoir", ces morts-vivants ont pour maître le bavard, le divin Socrate. A travers ces personnages, synthèse des différents intellectuels qui vivaient à Athènes aux alento... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Le personnage de Strepsiade rappelle celui du Bourgeois gentilhomme de Molière. S'émerveillant outre-mesure de connaissances futiles mais ne comprenant vraiment rien au-delà de ce qui se rapporte à l'argent et à lui, il est facilement la dupe des enseignements de l'école sophiste. En bon avare, il est prêt à se déshabiller, à perdre son honneur et même à se pendre pour ne pas perdre d'argent ! Il ne connaît que le pouvoir de l'argent : pour ne pas payer à quelqu'un ce qu'il lui doit, il cherche des stratagèmes pour lesquels il est prêt… à dépenser tout son argent ! La seconde partie fait davantage penser à la farce de Maître Mimin étudiant, dans laquelle une certaine éducation (le latin en place de la rhétorique sophiste), que voulaient les parents pour élever leur enfant à la fierté ou à la richesse, a pour effet de déformer leur enfant, de l'éloigner de leurs valeurs et même de les retourner contre eux. Aristophane fait de l'enseignement des sophistes (représentés ici par Socrate), une caricature symbolisée par l'usage abusif du raisonnement injuste : c'est-à-dire un discours volontairement paradoxal qui piétine tout acquis, toute valeur et toute tradition, uniquement dans le but de faire triompher ses intérêts.

Chez Platon, on trouve une critique claire de la sophistique et de la vénalité de ses maîtres, dans la bouche même de Socrate. Ainsi, la charge d'Aristophane peut paraître déplacée et injuste, reflet d'une animosité toute personnelle, en comparaison de la figure quasi christique que Platon a imposée dans l'histoire. Cela dit, même dans les dialogues de Platon, Socrate use clairement de techniques propres à la rhétorique sophiste, paradoxes relavant parfois davantage de l'adresse verbale que de la logique, pour pousser ses interlocuteurs à la contradiction, aboutissant parfois à des positions critiquables (en tout cas souvent inachevées donc pas tellement plus satisfaisantes que celles initiales) ou contraires aux moeurs de son temps (ce pourquoi il a été accusé). Il tend ainsi parfois à substituer aux divinités Grecques et aux valeurs qui leur sont attribuées les siennes propres (le daimon, la vérité, les idées…). En tout cas, il bouscule l'édifice de la culture grecque sans y substituer une morale claire (c'est la perversion de la jeunesse qui lui fut reprochée à son procès). de plus, il propose bien son enseignement à certains riches et fils de familles riches (qu'il n'hésite pas à tourner en dérision au cours du débat) : ne retirait-il pas d'eux certains avantages en nature - invitations, faveurs amicales... - comme ici où Strepsiade ne paye pas en argent mais se dépouille progressivement de ses vêtements ?

La critique adressée aux Sophistes n'est-elle pas extensible à la philosophie toute entière ? La philosophie sous toutes ses formes, de Platon à Aristote, Descartes, Nietzsche, Deleuze… n'est-elle pas avant tout un art de triompher dans le discours ? D'imposer son discours et donc ses vues ? le prétexte de la vérité recherchée au-delà de la morale, au-delà de la vie sociale ordinaire, n'est-elle pas souvent un moyen pour les puissants, pour une élite, de s'affranchir de la morale, de mépriser les lois ordinaires, de se situer au dessus de la mêlée, de se distinguer du commun (comme le dirait Bourdieu) et de finalement faire triompher ses intérêts ? Les vérités découvertes depuis des siècles par les philosophes servent-elles vraiment à l'amélioration de la condition humaine ou ont-elles simplement contribué à relativiser et détruire une morale certes critiquable mais pour la remplacer par une bien pire ?… Platon ne semble pas avoir tenu rigueur de l'attaque et figure Aristophane dans le Banquet (quelques cinq ans après sa mort), plaçant dans sa bouche un mythe poétique tout à fait agréable qui n'est pas explicitement contré par le maître Socrate (Peut-on seulement contrer le discours poétique et mythique par le raisonnement logique ?). Cependant, dans La République, Platon chassera les poètes et comédiens (les dramaturges étaient également appelés poètes tout comme les aèdes) de sa cité idéale, principalement parce qu'ils diffusent le faux par leur jeu et par leur poésie...

La critique d'Aristophane s'adresse autant à ce riche athénien qui par avarice va jusqu'à prôner des actions contraires à toute morale (chantage, menaces...), qu'à une certaine éducation qui sous couvert de remise en question, de recherche absolue de vérité, déresponsabilise et détourne des priorités (rembourser ses dettes, respecter son père…), favorise finalement l'astuce, le beau discours, la flatterie… On est déjà dans cette fameuse éducation à la morale des affaires économiques que dénonce Raoul Vaneighem comme une antimorale (cf. Avertissement aux lycéens). Strepsiade, lui l'homme économique par essence, est expert dans l'art de ne pas respecter les règles basiques de l'échange économique (payer ce qu'on a acheté) et empêche donc le bon fonctionnement de la société marchande qu'il revendique (ou plutôt qu'il est content de pouvoir gruger). Et ce sont ces pratiques qu'encourage ou que permet la sophistique – qui vend ses services comme les conseillers en placement vendent les leurs – sans égard pour la morale. On en vient à être fier d'être un filou débrouillard, on en arrive au final à la loi du plus fort. le parallèle serait facile avec les nombreux riches entrepreneurs qui défendent le libéralisme le plus sauvage pour mieux pouvoir profiter de leur pouvoir de corruption. Les nuées ne seraient-elles pas pour Aristophane, ces nouvelles divinités protectrices des charlatans et des enfumeurs ?
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Finalement très ennuyeux car truffé de références très contingentes qui obligent à lire les notes de bas de page du traducteur pour comprendre l'humour et pour le compte, on passe totalement à coté (essayez d'imaginer l'impact comique des textes de Pierre Desproges lus par un migrant martien en 4500 de notre ère, tous les effets tomberaient à l'eau). Si j'étais un helléniste très distingué, connaissant parfaitement cette période de l'âge d'or grec, peut-être... Un achat impulsif que je ne regrette pas. Je me suis fait une idée par moi-même d'un petit morceau de la culture classique. Il reste sur une étagère, à bout de bras, on ne sait jamais : je lirai la suite un de ces jours. Qui sait ?
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Après avoir refermé le Va-nu-pieds des nuages de Takis Théodoropoulos dont le narrateur est le Démon de Socrate, racontant comment Aristophane  a choisi de ridiculiser  Socrate, encore inconnu, et les sophistes.

J'ai donc voulu la pièce antique : Les Nuées.

Pas d'effet de surprise : Théodoropoulos a  largement commenté la rédaction et la représentation de cette comédie sur une centaine de pages tandis que  le texte original est assez court (67 pages, y compris la présentation).

L'effet comique ne correspond peut être pas à ce qu'un spectateur moderne attend d'un "classique" beaucoup de pets et flatulences, des sous-entendus grossiers qui peuvent étonner. J'ai finalement beaucoup plus ri à la lecture du Va-nu-pieds des nuages qu'à celle de la comédie d'Aristophane.


En revanche l'aspect "témoignage archéologique" m'a beaucoup intéressée. Tout d'abord la structure du texte découpé en Prologue, Parodos, Choeurs, Scène lyrique, Agon, Episodes, Parabases... Alternent des dialogues en phrases courtes et dissertations sur le théâtre lui-même, des scènes triviales et des invocations des dieux (ou des nuées). Les allusions à la vie quotidienne m'ont aussi amusée. Allusion à la vie politique d'Athènes, heureusement j'ai eu une bonne introduction avec la lecture de Théodoropoulos! Aristophane ne se prive pas de moquer les auteurs de farces et comédies faciles et par cette occasion raconte l'Athènes du 5ème siècle!


Maintenant  j'attends l'occasion de voir la pièce jouée (ce n'est pas prévu dans le futur proche, malheureusement). Une pièce est faite pour être représentée!
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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En vacances près d'Epidaure, la lecture d'un classique grec s'imposait...
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Strepsiade est désemparé. Ce mariage avec une aristocrate désargentée ne tourne pas bien : paysan roublard mais pas bien malin, le voilà ruiné par un fils qui a des goûts de luxe, et notamment celui des chevaux. Heureusement, il entrevoit une issue : son voisinage est celui du "pensoir" de Socrate et de ses disciples. On dit qu'il a le pouvoir de faire passer les choses justes pour injustes et vice-versa ; en faisant apprendre cette science sophiste à son fils, il pourra peut-être échapper à ses créanciers ? le jeune homme ayant refusé, Strepsiade entame lui-même ses études de philosophie...

Voilà une pièce bien démagogue et fort mal renseignée qui a valu au tout jeune Aristophane une cuisante défaite au concours des Grandes Dionysies... Il semble avoir confondu Socrate avec les philosophes de Milet, avec Anaxagore et, bien sûr, avec les sophistes. Platon ou Xénophon pourrait dire que Socrate ne faisait pas payer ses leçons, qu'il ne s'intéressait guère à la physique ni au naturalisme, qu'il est mort parce qu'il estimait que les lois n'ont de sens que si on leur obéit, et il n'était pas précisément athée...

Ne boudons cependant pas notre plaisir : même si beaucoup des jeux de mots sont difficilement traduisibles, la pièce est drôle, le comique du personnage de Strepsiade est efficace et l'intrigue ménage quelques rebondissements.
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Voici un cours de philosophie , mais selon Aristophane , donc ça promet !
Les nuées ,

SOCRATE. Veux-tu connaître nettement les choses célestes, ce qu'elles sont au juste ?
STREPSIADE. Oui, par Zeus ! si elles sont.
SOCRATE. Et converser avec les Nuées, nos divinités ?
STREPSIADE. Assurément.
SOCRATE. Assois-toi donc sur la banquette sainte.
STREPSIADE. Voilà, je suis assis.
SOCRATE. Maintenant prends cette couronne.
STREPSIADE. A quoi bon une couronne ? Malheur à moi, Socrate ! Est-ce que vous allez me sacrifier comme Achamas ?
SOCRATE. Non ; c'est tout ce que nous faisons aux initiés.
STREPSIADE. Eh bien, qu'y gagnerai-je ?
SOCRATE. D'être un roué en fait de langage, une cliquette, une fleur de farine. Seulement, ne bouge pas.
STREPSIADE. Par Zeus ! tu ne mens pas ! Saupoudré comme je suis, je vais devenir fleur de farine.
SOCRATE. Il faut que ce vieillard observe le silence et qu'il écoute la prière : "Souverain maître, Air immense, qui enveloppes la terre de toutes parts, Ether brillant, et vous, Nuées, vénérables déesses, mères du tonnerre et de la foudre, levez-vous, ô souveraines, apparaissez au penseur dans les régions supérieures !"
STREPSIADE. Pas encore, pas encore ; pas avant que je me sois enveloppé de ce manteau, de peur d'être inondé. N'avoir pas pris, en sortant de chez moi, une casquette de peau de chien, quelle malchance !
SOCRATE. Venez, ô Nuées vénérées, vous manifester à cet homme, soit que vous occupiez les cimes sacrées de l’Olympe, battues par les neiges, soit que dans les jardins de votre père Océan vous formiez un chœur sacré avec les Nymphes, soit que, aux bouches du Nil, vous puissiez des eaux dans des cornes d'or, que vous résidiez aux Marais Méotide ou sur le rocher neigeux du Mimas, écoutez-nous, accueillez notre sacrifice, et que nos cérémonies vous fassent plaisir.
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Le regard détourné des disciples, p. 159-160
STREPSIADE
Par Héraclès, d’où proviennent ces bêtes-là ?
DISCIPLE
Pourquoi cet étonnement, à qui te paraissent-elles ressembler ?
STREPSIADE
Aux prisonniers laconiens de Pylos. Mais au fait qu’ont-ils à regarder à terre ?
DISCIPLE
Ils scrutent, tels que tu les vois, le monde souterrain.
STREPSIADE
Des oignons, qu’ils cherchent, à ce que je vois ! (Il les apostrophe.) Ne vous mettez donc pas en peine de cela ; je sais, moi, où il y en a de grands et de beaux. Que font donc ceux-ci penchés à terre ?
DISCIPLE
Ceux-là sondent les ténèbres de l’Érèbe dans les profondeurs du Tartare.
STREPSIADE
Qu’a donc leur derrière à regarder le ciel ?
DISCIPLE
Il fait de l’astronomie pour son propre compte.
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STREPSIADE. - Au nom de Zeus, je t'en supplie, dis-moi, Socrate, quelles sont ces femmes qui ont fait entendre ce chant solennel? Seraient-ce des revenantes?
SOCRATE. - Nullement; ce sont les célestes Nuées, grandes déesses pour les oisifs : elles nous dispensent savoir, dialectique, entendement, langage prestigieux et verbeux, l'art de frapper et d'empaumer.
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La morale de l’homme économique, p. 172
Je le ferai en toute confiance [se vouer aux Nuées, divinités sophistes] ; car la nécessité me torture, à cause des chevaux marqués du Koppa et de mon mariage qui m’a ruiné. Maintenant donc, qu’ils fassent de moi absolument tout ce qu’ils voudront ; je leur cède mon corps pour qu’ils le livrent aux coups, à la faim, à la soif, à la malpropreté, au froid, et qu’ils l’écorchent pour en faire une outre, pourvu que j’esquive mes dettes et que je sois aux yeux des hommes, hardi, beau parleur, entreprenant, effronté, impudent, mystificateur, inventeur de mots, expert en procès, répertoire de lois, cliquette, renard, vieux routier, souple lanière, narquois, visqueux, fanfaron, digne de l’aiguillon, scélérat, retors, fâcheux, parasite. Pourvu que l’on me salue de ces qualificatifs-là, en me rencontrant, qu’ils fassent de moi absolument tout ce qu’ils veulent, et, si cela leur chante, par Déméter, qu’ils fassent de moi un boudin pour le servir aux sophistes.
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Au moment où pour venir ici nous étions prêtes à partir la Lune, nous ayant rencontrées, nos chargea tout d'abord de dire le bonjour aux Athéniens et aux alliés, puis, elle nous dit qu'elle est courroucée que vous la traitiez indignement, elle qui vous rend service à tous, non en paroles, mais lumineusement.
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Vidéo de  Aristophane
ARISTOPHANE – Peut-on rire de tout ? (France Culture, Nouveaux Chemins, 2013) Émission de radio « Nouveaux Chemins » diffusée le 19 mars 2013, sur France Culture dans le cadre d’une semaine intitulée « Éloge de la parodie ». Adèle an Reeth recevait Ghislaine Jay-Robert, maître de conférence en langue et littérature grecques à l’Université de Perpignan.
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature hellénique. Littérature grecque>Littérature grecque : drames (40)
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