"
La danse du feu" approfondit les rapports des sexes à Buenos Aires dans les années 1900 à 1920.
Le narrateur, Balder, est un homme marié de 27 ans qui rêve d'une autre vie et noue une idylle avec une petite bourgeoise de 17 ans, Irène.
Il hésite : divorcer pour elle, ne pas divorcer ? L'entourage de la jeune fille le presse de clarifier sa situation, et lui se lance dans une valse hésitation un peu lassante, à force.
Avec moins de brio, et un style moins limpide, ce roman semble très inspiré par la série "Les jeunes filles"
De Montherlant : (conférer mon erratum ajouté en commentaire, Babelio ne me permettent pas de le caser ici) : même époque, mêmes enjeux, même mépris des femmes et de la société bourgeoise, et pourtant, même conformisme un peu rampant tant de Costals, l'écrivain velléitaire, que de Balder, l'ingénieur. On est étonnée de la sempiternelle rumination du personnage tout au long du livre : "saura-t-elle me rendre heureux ?" et non "saurai-je la rendre heureuse ?" ... "Est-ce que je vais perdre quelque chose en divorçant ?" et jamais "Que vont devenir mon fils et ma femme si je divorce ?" (le divorce était encore infamant et les épouses sans moyen de vivre).
Notons que sa femme est une épouse parfaite, mais justement de ce fait très "oie stupide" selon les jugements lapidaires de Balder. Notons aussi qu'il ne tolèrerait pas non plus une épouse plus affranchie. La jeune Irène le fascine parce qu'elle est un sphynx silencieux. Qui est-elle ? Un ange ou une cruche, un lys ou une hypocrite ? L'aime-t-elle ? Il l'ignore et s'en soucie peu : ce qui compte, c'est qu'elle ne parle pas, ne raisonne pas, ne s'épanche pas : le silence permet l'idéalisation.
Ce dont en revanche il est (presque) certain, c'est que le mariage la transformerait en femme quelconque, aussi limitée et ennuyeuse que les autres.
Alors que faire ? Renoncer ? Mais le quotidien est subalterne, on risque de s'y enliser, et de devenir aussi médiocre que les autres (car Balder comme Costals s'estiment supérieurs à tous, du moins virtuellement).
Comme
Montherlant,
Roberto Arlt fait ressortir, à travers un regard masculin moins malveillant toutefois que celui de l'homme de lettres français, l'asservissement réciproque de l'homme et de la femme par les conventions bourgeoises. Les maris sont aigris par le caractère sordide des multiples liaisons extra-conjugales qu'ils enchaînent, et les épouses déclinent à force d'exercer leurs capacités dans le quotidien, l'enfermement et le minuscule.
Les hommes : des rêveurs velléitaires et encanaillés ; les femmes : des araignées en embuscade guettant leur proie.
On reconnaît de nombreux comportements encore en vigueur aujourd'hui, car si le ciment qui corsète les êtres s'est un peu fissuré, laissant par endroit des interstices par où respirer, il est encore bien présent.
J'ajoute en commentaire la suite...