Roberto Arlt a su rendre la truculence du petit peuple, cosmopolite et souvent canaille, de Buenos Aires, et l'atmosphère d'une ville qui trouvait alors dans le tango sa plus grande expression. le style de l'auteur est quasi expressionniste : les rues sombres, les faubourgs sordides, l'angoisse des personnages, leur excitation face au danger et l'interdit sont presque évoqués de façon cinématographique avec une réelle charge physique.
Roberto Arlt sait aussi, avec une complaisance qui peut paraître malsaine et des intentions sûrement subversives, parfaitement plonger dans les replis d'âmes tourmentées que les frustrations et la misère sociale menacent de faire exploser. Il suit ses personnages, pas à pas. Dans
le jouet enragé, c'est Silvio, un adolescent de 16 ans, qui, inspiré par ses livres de science, Rocambole et
Baudelaire, rêve de devenir un inventeur, un bandit et un poète. Il vit avec sa mère, accablée par la misère et le chagrin, et une soeur. Il lui faudra donc faire l'apprentissage de la vie, de ses luttes implacables et de ses tromperies, en ne prenant pas toujours les bons chemins. Une vision chrétienne sous-tend aussi l'oeuvre de
Roberto Arlt : l'enfer, le péché, une humanité difforme sur les bords d'un abime, Buenos Aires devenant une autre Babylone, mais aussi peut-être la rédemption et certains élans mystiques.