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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Roberto Arlt dans ce roman visionnaire saisit un monde fracassé et menacé par le totalitarisme avec une énergie hallucinante et une écriture oralisée et accidentée décoiffante. Ce récit nocturne, expressionniste, satanique mais sans Satan, oscille entre vices sociaux et perversions individuelles.
Sublimant le ressentiment social, Arlt fait preuve d'une extrême lucidité pour décrire le totalitarisme et la nature pathologique des messianismes autoritaires. Dans un style d'une frénésie impuissante, Arlt met en scène des personnages velléitaires aspirant à détruire une société aussi abjecte qu'hypocrite, tout en assumant leurs actes les plus transgressifs.
Tout y est dérangeant autant qu'hétérogène, véritable gifle mêlant la technique cyclothymique du feuilleton, une narration diffractée assurée occasionnellement par un commentateur à l'identité mal déterminée, l'analyse de conscience à la Dostoïevski et un langage piégé entre préciosité et vulgarité.
Paru en 1929, ce roman vertigineux, d'une originalité inouïe, est une noire et géniale prophétie d'une Amérique Latine à la dérive.

Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Quand un schizophrène suicidaire rencontre un sociopathe nihiliste et qu'ils envisagent de fomenter une révolution, financée par des bordels et alimentée par une foi fort peu orthodoxe, cela donne Les sept fous de Roberto Arlt. L'humanité qu'elle soit riche, orgueilleuse et esclavagiste ou bien misérable, noyée dans la culpabilité et honteuse de sa propre honte, cette humanité doit être éradiquée pour faire place à une nouvelle ère. Un roman à la fois puissant, foutraque et désespéré, comme si Dostoievski s'invitait à la table de Garcia Marquez. Tout bonnement génial.
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Dingue ! Halluciné ! Désespéré...Ce livre est inclassable. de la noirceur à l état brut. Écrit en 1929, " les sept fous" de Roberto Arlt, écrivain Argentin, narre les rencontres d un homme bouffé par l angoisse, la peur, les questions métaphysiques sans réponse, par son vol dans son entreprise, par sa femme, la ville, le monde, lui même....avec des personnages loufoques (ou non), un astrologue révolutionnaire qui veut refonder une société nouvelle en utilisant des moyens encore peu usités (!), le cousin de sa femme, mouchard, un Ruffian mélancolique...une plongée dans les pensées glauques et délirantes de cet Erdosain, anti héros perdu dans la ville, dans sa vie, dans sa tête.
Le style est effectivement très moderne pour l' époque. C'est parfois brut, parfois très (trop?)travaillé avec des métaphores surprenantes, des rapprochements " fous".
Roberto Arlt a écrit une suite, " les lance-flammes".

Ce dyptique est une hallucination.
En lisant, je me suis dis, " c'est un truc énorme !"

Apparemment dans l' ombre de Borges, chacun portant un courant littéraire different, Arlt a également écrit des pièces de théâtre.

Alors je crois qu'il faut (re) découvrir cet auteur oublié, un "Céline argentin totalement décalé".

Le monde d Arlt est noir.
Le huitième fou est sans doute le lecteur.

Il plaira.
Ou pas du tout.
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Les Sept Fous, de Roberto Arlt
Fiction - 24/11/2010 (970 mots)
La réédition des Sept Fous 1929 de Roberto Arlt et la publication des « Eaux-fortes portègnes » 1933, chroniques paraissant pour la première fois en français, permettent de redécouvrir deux facettes de cette figure hautement polémique des lettres argentines.

Au jeu de la filiation littéraire, il n'est pas rare que l'écrivain argentin contemporain se reconnaisse deux pères. En lui ouvrant les portes de l'infini, Borges lui a donné droit de cité dans la république mondiale des lettres. Roberto Arlt, c'est pour lui une langue la rencontre du castillan cervantin et du lunfardo, un style « un coup de poing dans la mâchoire », un nom « imprononçable » ; l'écrivain « à humeurs » à qui l'on voue un « attachement viscéral » Juan Carlos Onetti, sans doute parce qu'il permet d'être, autrement, un Argentin universel.

La réédition des Sept Fous 1929, roman central de l'oeuvre arltienne magistralement traduit par Isabelle et Antoine Berman, et la publication des « Eaux-fortes portègnes » 1933, chroniques paraissant pour la première fois en français, permettent de redécouvrir deux facettes de cette figure hautement polémique des lettres argentines.

Celle du journaliste, d'abord. Circonstance majeure à l'époque des gentlemen écrivains : c'est dans la salle de rédaction, au rythme des rotatives, que Roberto Arlt fait ses classes pour rapidement gagner la reconnaissance de ses lecteurs, publiant, de 1928 jusqu'à sa mort prématurée en 1942, une chronique restée célèbre, les « Eaux-fortes ». Flâneur infatigable, il y radiographie l'espace à la fois intime et partagé de sa ville, Buenos Aires. Au fil des portraits, situations cocasses, considérations politiques, littéraires ou urbanistiques, s'élabore le grand kaléidoscope portègne. À une époque où les intellectuels cherchent fiévreusement à définir une « essence » argentine devant les peurs que suscite une immigration massive, la collection arltienne projette au contraire une vision multiple et mouvante. Aux visiteurs illustres du Paris austral Keyserling, Le Corbusier, Ortega y Gasset en quête de diagnostics ontologiques, Arlt répond : « Nous ne sommes pas tristes, nous mourons d'ennui. Et pour tromper ce dernier nous disons du mal de tout ce qui nous passe sous les yeux et sous la langue. » La langue, railleuse, rageuse, voilà ce qui définit l'être portègne. Et arltien.

Les « Eaux-fortes portègnes » sont tenues par ce singulier alliage : souci de l'observation, garde-fou contre les abstractions trompeuses et acidité généreuse du verbe. Une vraie leçon de journalisme. Mais Arlt ne s'en satisfait pas, au contraire : la rubrique est chronophage, elle éloigne l'écrivain, tout entier happé par la servitude quotidienne, de plus nobles tâches. Car, en bon flaubertien, Arlt aspire à écrire « l'oeuvre », celle qui embrassera le rythme accéléré de cette modernité urbaine que le journaliste scrute depuis sa chronique, cernera la « salade russe » idéologique de ces troubles années 1930 et saura peindre les âmes des humbles et des torturés - et celle qui, incidemment, l'installera dans le temple de la littérature. Ce programme, c'est celui des Sept Fous bientôt suivi par Les Lance-flammes en 1931, épopée délirante dans une Argentine qui sombre alors dans sa première dictature du siècle. On y rencontre une « société secrète » menée par l'Astrologue - un leader charismatique, tantôt communiste, tantôt fasciste -, qui projette de prendre, grâce à un vaste et absurde complot, le contrôle de l'État mais aussi celui de la subjectivité des habitants de la planète entière. Au coeur du projet, Erdosain, « aliéné » par excellence, misérable petit employé d'une multinationale, doit produire le gaz qui sera employé pour la destruction planétaire. À ses côtés, un maquereau mélancolique, ancien professeur de mathématiques et trésorier de la société, un chercheur d'or, un officier corrompu, un pharmacien mystique.

Les vaines gesticulations de ces illuminés sont observées par un narrateur qui relance ses épisodes à grand renfort de ficelles narratives empruntées sans vergogne au feuilleton. Car, dans cet improbable roman, Arlt dynamite le genre, à l'instar des avant-gardes argentines et comme, d'ailleurs, toute une critique occidentale qui proclame son arrêt de mort. Mais sa révolution, il la mène à sa manière, sans procès verbeux, avec l'admiration d'un lecteur nostalgique des aventures abracadabrantes du super héros Rocambole. Poussant la logique du feuilleton à l'extrême, il fractionne l'action, et dans cette implosion, ce sont toutes les structures du roman - temps, espace et personnage - qui volent en éclats. C'est le sujet, pris au coeur de cette tourmente, qui subit la métamorphose la plus décisive. Les personnages d'Arlt sont des êtres sous influence, des superficies impressionnables figées dans leur angoisse métaphysique. L'aventure, que l'on espère religieusement dans cette confrérie du complot, est un horizon désormais hors d'atteinte. On se noie avant d'avoir pu être sauvé par l'action, celle que, quelques années plus tard, Borges préconisera pour le salut du roman. Opus saturnien, Les Sept Fous reflètent, dans leurs feux crépusculaires, l'humeur mélancolique de cet écrivain-journaliste trop lucide quant aux contradictions de la modernité pour ne pas vouloir halluciner sa sublime et dérisoire apocalypse.

Perspicacité acide du trait journalistique, implosion et refondation du roman, perception aiguë du malaise de la conscience moderne, langue métissée, portée en étendard : l'héritage d'Arlt est riche. Trop riche ? Sans doute pas, car la « machine Arlt » Alan Pauls est une des plus performantes de la littérature argentine, de celles qui ont le plus engendré de désirs d'écrire. À ceux qui lui ont rendu hommage Onetti, Cortázar, Bolaño..., il a sans doute légué le droit d'«écrire mal», à la fois pour et contre la tradition, et celui d'admirer, tel un « jouet enragé » titre de son premier roman, pour mieux trahir.
Lien : http://www.magazine-litterai..
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Magnifique roman écrit en 1929 et annonçant les périls qui ont suivi ! Curieuse sensation de le lire durant l'entre-deux tours d'une élection présidentielle assez démente !
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