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Roberto Arlt dans ce roman visionnaire saisit un monde fracassé et menacé par le totalitarisme avec une énergie hallucinante et une écriture oralisée et accidentée décoiffante. Ce récit nocturne, expressionniste, satanique mais sans Satan, oscille entre vices sociaux et perversions individuelles.
Sublimant le ressentiment social, Arlt fait preuve d'une extrême lucidité pour décrire le totalitarisme et la nature pathologique des messianismes autoritaires. Dans un style d'une frénésie impuissante, Arlt met en scène des personnages velléitaires aspirant à détruire une société aussi abjecte qu'hypocrite, tout en assumant leurs actes les plus transgressifs.
Tout y est dérangeant autant qu'hétérogène, véritable gifle mêlant la technique cyclothymique du feuilleton, une narration diffractée assurée occasionnellement par un commentateur à l'identité mal déterminée, l'analyse de conscience à la Dostoïevski et un langage piégé entre préciosité et vulgarité.
Paru en 1929, ce roman vertigineux, d'une originalité inouïe, est une noire et géniale prophétie d'une Amérique Latine à la dérive.

Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Auteur argentin né en 1900, décédé juste à 42 ans, il semble très célèbre dans son pays, dans lequel il est comparé et opposé à Borges. Il n'a pas connu la même célébrité que son compatriote en dehors des frontières de l'Argentine : sa première traduction en France ne date que de 1981, et il s'agit justement de ce roman, Les sept fous, premier volet d'un diptyque qui se poursuit avec Les lance-flammes.

Le personnage principal, Erdosain, est un petit employé chargé d'encaisser de l'argent pour la Compagnie sucrière. Il a pris l'habitude de détourner de petites sommes, qu'il gaspille bêtement, mais il est dénoncé et doit trouver rapidement de quoi rembourser. Après deux tentatives infructueuse, il se fait prêter, ou plutôt donner cette somme par un homme enrichi par la prostitution, le Ruffian mélancolique, croisé dans l'entourage d'un homme étrange et charismatique, surnommé L Alchimiste. Mais son soulagement ne dure pas, car en rentrant chez lui, sa femme part avec un autre homme. Ces événements l'ébranlent, et il décide de prendre part à un complot monté par L Alchimiste pour prendre le contrôle de son pays. Ce complot nécessite de l'argent au départ, Erdosain suggère d'enlever Barsut, le cousin de sa femme, qui envahissait son intérieur, et qui est l'homme qui a dénoncé ses détournement à son employeur. L'Alchimiste agrée le projet, et la machine se met en branle. Erdosain déambule, rencontre divers personnages, pathétiques, désespérés, solitaires, pauvres tout en faisant connaissance avec les membres du complot de l'Alchimiste, et en ruminant.

Je comprends très bien le projet et l'ambition de ce livre, certains passages m'ont interpellé, il y a des moments terriblement forts. Mais cette lecture confirme ma difficulté à entrer dans l'univers des auteurs de l'Amérique du Sud. Je n'ai jamais réussi à vraiment embarquer dans cette lecture, à être en phase avec cet univers et surtout cette écriture. Même si par moments j'ai eu le pressentiment de quelque chose, mais de quelque chose qui m'échappait sans cesse, lorsque j'essayais de le saisir. C'est peut-être trop flou, trop impalpable pour moi. La folie de l'Alchimiste, qui n'est pas forcément une folie, mais un projet monstrueux, les déambulations d'Erdosain, où l'on se demande ce qui est vrai et ce qui est un fantasme, une hallucination, une imagination, les personnages qu'il croise entre impuissance et violence ne m'ont jamais vraiment accroché.

Une rencontre en grande partie manquée pour moi, même si j'ai apprécié de découvrir ce livre, et que je comprends qu'il puisse enthousiasmer des lecteurs.
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Nous sommes à Buenos Aires, à la fin des années vingt. La ville est comme un animal, un chaos de vices et de souffrances, dans lequel on plonge. Les coups pleuvent en sorte qu'on croit parfois assister à un match de boxe. La mort s'invite aussi bien la nuit suite à des défis stupides que dans une aube poisseuse. La ville est pleine d'illusions et de maléfices. Sous le son d'une guitare et d'un bandonéon, dans une étrange gargote, se croisent de petits escrocs, des joueurs, des invertis, des proxénètes (les cafishios), des intellectuels inadaptés et névrotiques, des illuminés et des mystiques. Erdosain est là errant dans ses rêves comme un fantôme se précipite dans un abîme. Il a volé la compagnie qui l'emploie et risque donc la prison. Il a été dénoncé par l'un de ses proches avec lequel il avait toujours eu une relation assez trouble, faite d'intimités et de haines réciproques. Sa femme, lasse de leur misère commune, le quitte pour un militaire. On le suit dès lors pas à pas, presque en somnambule; on entre dans sa conscience tortueuse et angoissée où dominent des idées de toute-puissance et de destruction. Il pense au suicide et au crime et dans les bas fonds de son âme, aux goûts d'hallucinations et de latrines, il s'analyse avec une minutie qui ajoute au macabre. Et s'il est parfois saisi par une grande pitié et des rêves de pureté, c'est encore à la manière d'un enfant ou d'un malade. Et sur sa route il va rencontrer d'autres fous. Il se laisse fasciner par l'Astrologue, un idéologue douteux, qui projette de monter une société secrète, suivant le modèle du Ku Klux klan, qui serait financée par un circuit de maisons closes et qui aurait une colonie dans des montagnes aurifères. Celui-ci s'entoure du Ruffian mélancolique, d'un chercheur d'or, d'un major... et rêve de dominer le monde avec toutes les armes du mensonge. Vous l'aurez donc compris, l'écriture de Roberto Arlt est souvent âpre, brutale, dérangeante, mais sans jamais relacher son étreinte.
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Quand un schizophrène suicidaire rencontre un sociopathe nihiliste et qu'ils envisagent de fomenter une révolution, financée par des bordels et alimentée par une foi fort peu orthodoxe, cela donne Les sept fous de Roberto Arlt. L'humanité qu'elle soit riche, orgueilleuse et esclavagiste ou bien misérable, noyée dans la culpabilité et honteuse de sa propre honte, cette humanité doit être éradiquée pour faire place à une nouvelle ère. Un roman à la fois puissant, foutraque et désespéré, comme si Dostoievski s'invitait à la table de Garcia Marquez. Tout bonnement génial.
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Dingue ! Halluciné ! Désespéré...Ce livre est inclassable. de la noirceur à l état brut. Écrit en 1929, " les sept fous" de Roberto Arlt, écrivain Argentin, narre les rencontres d un homme bouffé par l angoisse, la peur, les questions métaphysiques sans réponse, par son vol dans son entreprise, par sa femme, la ville, le monde, lui même....avec des personnages loufoques (ou non), un astrologue révolutionnaire qui veut refonder une société nouvelle en utilisant des moyens encore peu usités (!), le cousin de sa femme, mouchard, un Ruffian mélancolique...une plongée dans les pensées glauques et délirantes de cet Erdosain, anti héros perdu dans la ville, dans sa vie, dans sa tête.
Le style est effectivement très moderne pour l' époque. C'est parfois brut, parfois très (trop?)travaillé avec des métaphores surprenantes, des rapprochements " fous".
Roberto Arlt a écrit une suite, " les lance-flammes".

Ce dyptique est une hallucination.
En lisant, je me suis dis, " c'est un truc énorme !"

Apparemment dans l' ombre de Borges, chacun portant un courant littéraire different, Arlt a également écrit des pièces de théâtre.

Alors je crois qu'il faut (re) découvrir cet auteur oublié, un "Céline argentin totalement décalé".

Le monde d Arlt est noir.
Le huitième fou est sans doute le lecteur.

Il plaira.
Ou pas du tout.
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Arlt (1900-1942) écrivain argentin méconnu de son vivant, aujourd'hui reconnu comme une influence déterminante sur le modernisme argentin.
le protagoniste, Remo Erdosain, est un inventeur et un excentrique. Sa recherche de 600 pesos pour rembourser la société sucrière qu'il a escroquée conduit à l'enlèvement et au meurtre supposé du cousin de sa femme, Gregorio Barsut. le plus sinistre des amis d'Erdosain est l'Astrologue, un terroriste messianique. L'un des partisans de l'astrologue, un proxénète, donne à Erdosain l'argent pour rembourser ses employeurs, mais le détournement de fonds semble soudainement être un problème mineur par rapport à la détérioration spirituelle d'Erdosain. Lorsque la femme d'Erdosain s'enfuit avec un capitaine de l'armée, il complote avec l'astrologue pour kidnapper et tuer Barsut. Erdosain veut se venger et l'astrologue veut utiliser l'argent de Barsut pour acheter un bordel. Alors que les fantasmes d'Erdosian deviennent réalité, nous avons droit à un monde qui rappelle les peintures intenses de Georg Grosz sur les meurtriers sexuels.
L'astrologue, avec son enthousiasme à la fois pour le KKK et le bolchevisme, est peut-être la création la plus effrayante d'Arlt et une préfiguration choquante de Juan Peron, 15 ans avant que quiconque ait entendu parler du futur dictateur. L'opus magnum d'Arlt attirera de nouveaux lecteurs dans une dystopie parfaitement rendue où les faits officiels et les fictions psychiques ont tendance à changer de place.
Son imagination sombre a étrangement prédit le milieu politique imminent.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Erdosain , l'anti héros de ce roman vit sa vie minable dans une angoisse perpétuelle . Encore plus depuis qu'il a été accusé de vol,à juste titre, par son employeur. Pour éviter la prison il se rapproche de l'Astrologue , mythomane manipulateur dont le but suprême est d'organiser une société secrète . Avec ses acolytes aux noms improbables (le Ruffian mélancolique,Celui -qui-a-vu-l'accoucheuse…) il envisage de prendre le contrôle de la société argentine. Au-delà de l'intrigue (qui m'évoque « les démons » de Dostoïevski ) ce fascinant roman au style poétique et brutal à la fois , met en évidence le potentiel de violence ravageuse qui vit au coeur des humiliés et des offensés ,vies de cendres qui cachent un volcan .Ce roman de 1929 résonne puissamment avec notre actualité.
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Paru en 1929, les Sept fous n'a été édité pour la première fois en France qu'en 1981 chez Belfond. Un tel laps de temps pour une oeuvre qui fit pourtant date dans les lettres argentines pose question et semble résider, comme l'avance l'avant-propos des traducteurs dans son statut - des plus horrifiques, à l'instar d'un Finnegans Wake, de roman intraduisible... Ainsi la présente édition est une adaptation, ni traduction littérale servile, ni recréation bafouant l'esprit de l'oeuvre, une sorte de moyen terme donc. Rien de moins engageant pour le lecteur qui à l'orée d'une oeuvre culte apprend qu'il passera quelque part et fatalement à côté de l'oeuvre, à moins de maitriser à la fois l'espagnol de Cervantès et sa version vernaculaire Portègne, le lunfardo, argot de la capitale argentine. Ceci posé, un mot de l'intrigue, dont l'aspect baroque et fantasque parait épouser l'originalité de la prose du texte original (dont nous ignorons tout). Alors c'est l'histoire d'un pauvre type, inventeur contrarié, modeste receveur d'une compagnie sucrière, qui se fait pincer pour s'être servi dans la caisse. Sommé de réparer le préjudice pour le lendemain sous peine d'un tour à la case prison, le quidam angoissé, s'en va faire la tournée des popotes à la recherche de subsides. Ayant appris sur ces entrefaites qu'il a été dénoncé par le cousin de son épouse amoureux d'elle et jaloux, cette dernière l'ayant d'ailleurs plaqué pour un être galonné, sa quête hypothétique devient projet d'enlèvement du sinistre délateur pour lui soutirer une rançon. Les grands esprits se rencontrant, le voleur cocu criminel en puissance voit son projet secondé par un astrologue mégalomane qui considère toute l'affaire sur une plus vaste échelle : enlèvement, extorsion et assassinat, aux fins de se constituer une mise de départ, puis création d'une société occulte réunissant sept sommités (des frappadingues, oui) tirant ses subsistes de projets délirants pour l'élaboration d'une vaste conjuration nihiliste, crypto révolutionnaire et génocidaire.

Pas très clair? Remarquez ce n'est que le premier volet d'un diptyque... Mettons que c'est un-roman-résolument-moderne-tant-par-les-moyens-narratifs-mis-en-oeuvre-que-dans-le-bonheur-de-ses-trouvailles-analogiques-et-par-sa-vision-absurdo-tragique-de-la-condition-humaine. On en sort assez décoiffé sinon échaudé et le regard qui se pose sur les Lance-flammes (échaudé vous avez dit?) suite du présent roman est fait d'un mélange de crainte et de lassitude. Alors on se dit qu'il y avait tout de même de bons passages dans le roman, qui n'étaient pas sans rappeler le Dostoïevski de Crime et Châtiment et surtout des Démons. Allez, on s'y colle....
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Pas facile de résumer un tel livre. Visionnaire, il l'est, écrit en 1929, il me semble qu'il préfigure la Seconde Guerre mondiale. Un astrologue mégalomane-manipulateur et ses amis veulent détruire le monde existant qui ne croit plus en rien, ni en Dieu. Ces fous veulent créer une nouvelle société en mentant aux hommes pour mieux les anéantir. Et les hommes manquent tellement d'idéaux qu'il est facile de les tromper et leur faire croire n'importe quoi. Ils s'ennuient tellement et s'inventent des vies pour fuir leur médiocrité. Donnons-leur un idéal commun et ils suivront…

Erdosain est le héros de l'histoire, on le suit dans les méandres de son cerveau. L'auteur explore l'ambivalence humain, il met les hommes à nu, étale devant nos yeux, leurs désirs, leurs angoisses, leurs haines et affiche devant nous la profonde malhonnêteté de l'âme humaine. Il nous jette la psyché de l'homme à la figure et c'est assez écoeurant. Chaque être, après avoir rêvé sa vie comme dans un roman, s'aperçoit que tout n'est que désillusion et souffrance. Alors il devient mauvais.

J'ai moyennement apprécié ce roman, très certainement à cause de ma méconnaissance de l'histoire de l'Argentine, j'ai toujours des difficultés à pénétrer la culture sud-américaine. Mais j'ai aimé l'atmosphère, sa violence et la profonde connaissance de l'âme humaine.
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Les Sept Fous, de Roberto Arlt
Fiction - 24/11/2010 (970 mots)
La réédition des Sept Fous 1929 de Roberto Arlt et la publication des « Eaux-fortes portègnes » 1933, chroniques paraissant pour la première fois en français, permettent de redécouvrir deux facettes de cette figure hautement polémique des lettres argentines.

Au jeu de la filiation littéraire, il n'est pas rare que l'écrivain argentin contemporain se reconnaisse deux pères. En lui ouvrant les portes de l'infini, Borges lui a donné droit de cité dans la république mondiale des lettres. Roberto Arlt, c'est pour lui une langue la rencontre du castillan cervantin et du lunfardo, un style « un coup de poing dans la mâchoire », un nom « imprononçable » ; l'écrivain « à humeurs » à qui l'on voue un « attachement viscéral » Juan Carlos Onetti, sans doute parce qu'il permet d'être, autrement, un Argentin universel.

La réédition des Sept Fous 1929, roman central de l'oeuvre arltienne magistralement traduit par Isabelle et Antoine Berman, et la publication des « Eaux-fortes portègnes » 1933, chroniques paraissant pour la première fois en français, permettent de redécouvrir deux facettes de cette figure hautement polémique des lettres argentines.

Celle du journaliste, d'abord. Circonstance majeure à l'époque des gentlemen écrivains : c'est dans la salle de rédaction, au rythme des rotatives, que Roberto Arlt fait ses classes pour rapidement gagner la reconnaissance de ses lecteurs, publiant, de 1928 jusqu'à sa mort prématurée en 1942, une chronique restée célèbre, les « Eaux-fortes ». Flâneur infatigable, il y radiographie l'espace à la fois intime et partagé de sa ville, Buenos Aires. Au fil des portraits, situations cocasses, considérations politiques, littéraires ou urbanistiques, s'élabore le grand kaléidoscope portègne. À une époque où les intellectuels cherchent fiévreusement à définir une « essence » argentine devant les peurs que suscite une immigration massive, la collection arltienne projette au contraire une vision multiple et mouvante. Aux visiteurs illustres du Paris austral Keyserling, Le Corbusier, Ortega y Gasset en quête de diagnostics ontologiques, Arlt répond : « Nous ne sommes pas tristes, nous mourons d'ennui. Et pour tromper ce dernier nous disons du mal de tout ce qui nous passe sous les yeux et sous la langue. » La langue, railleuse, rageuse, voilà ce qui définit l'être portègne. Et arltien.

Les « Eaux-fortes portègnes » sont tenues par ce singulier alliage : souci de l'observation, garde-fou contre les abstractions trompeuses et acidité généreuse du verbe. Une vraie leçon de journalisme. Mais Arlt ne s'en satisfait pas, au contraire : la rubrique est chronophage, elle éloigne l'écrivain, tout entier happé par la servitude quotidienne, de plus nobles tâches. Car, en bon flaubertien, Arlt aspire à écrire « l'oeuvre », celle qui embrassera le rythme accéléré de cette modernité urbaine que le journaliste scrute depuis sa chronique, cernera la « salade russe » idéologique de ces troubles années 1930 et saura peindre les âmes des humbles et des torturés - et celle qui, incidemment, l'installera dans le temple de la littérature. Ce programme, c'est celui des Sept Fous bientôt suivi par Les Lance-flammes en 1931, épopée délirante dans une Argentine qui sombre alors dans sa première dictature du siècle. On y rencontre une « société secrète » menée par l'Astrologue - un leader charismatique, tantôt communiste, tantôt fasciste -, qui projette de prendre, grâce à un vaste et absurde complot, le contrôle de l'État mais aussi celui de la subjectivité des habitants de la planète entière. Au coeur du projet, Erdosain, « aliéné » par excellence, misérable petit employé d'une multinationale, doit produire le gaz qui sera employé pour la destruction planétaire. À ses côtés, un maquereau mélancolique, ancien professeur de mathématiques et trésorier de la société, un chercheur d'or, un officier corrompu, un pharmacien mystique.

Les vaines gesticulations de ces illuminés sont observées par un narrateur qui relance ses épisodes à grand renfort de ficelles narratives empruntées sans vergogne au feuilleton. Car, dans cet improbable roman, Arlt dynamite le genre, à l'instar des avant-gardes argentines et comme, d'ailleurs, toute une critique occidentale qui proclame son arrêt de mort. Mais sa révolution, il la mène à sa manière, sans procès verbeux, avec l'admiration d'un lecteur nostalgique des aventures abracadabrantes du super héros Rocambole. Poussant la logique du feuilleton à l'extrême, il fractionne l'action, et dans cette implosion, ce sont toutes les structures du roman - temps, espace et personnage - qui volent en éclats. C'est le sujet, pris au coeur de cette tourmente, qui subit la métamorphose la plus décisive. Les personnages d'Arlt sont des êtres sous influence, des superficies impressionnables figées dans leur angoisse métaphysique. L'aventure, que l'on espère religieusement dans cette confrérie du complot, est un horizon désormais hors d'atteinte. On se noie avant d'avoir pu être sauvé par l'action, celle que, quelques années plus tard, Borges préconisera pour le salut du roman. Opus saturnien, Les Sept Fous reflètent, dans leurs feux crépusculaires, l'humeur mélancolique de cet écrivain-journaliste trop lucide quant aux contradictions de la modernité pour ne pas vouloir halluciner sa sublime et dérisoire apocalypse.

Perspicacité acide du trait journalistique, implosion et refondation du roman, perception aiguë du malaise de la conscience moderne, langue métissée, portée en étendard : l'héritage d'Arlt est riche. Trop riche ? Sans doute pas, car la « machine Arlt » Alan Pauls est une des plus performantes de la littérature argentine, de celles qui ont le plus engendré de désirs d'écrire. À ceux qui lui ont rendu hommage Onetti, Cortázar, Bolaño..., il a sans doute légué le droit d'«écrire mal», à la fois pour et contre la tradition, et celui d'admirer, tel un « jouet enragé » titre de son premier roman, pour mieux trahir.
Lien : http://www.magazine-litterai..
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