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EAN : 9782330182250
384 pages
Actes Sud (23/08/2023)
4.14/5   555 notes
Résumé :
Au cours d'une saison d'estive, les attaques répétées d'une ourse ravivent les tensions dans une vallée pyrénéenne. Tentant de s'abstraire des débats, Alma, une éthologue, et Gaspard, un berger, communient avec la montagne, mêlent leur existence à celles des bêtes. Sur ces terres où l'homme et l'animal sont intimement liés, l'histoire d'un jeune montreur d'ours parti faire fortune à New York, un siècle plus tôt, résonne tragiquement avec le présent.
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Critiques, Analyses et Avis (157) Voir plus Ajouter une critique
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En lisant ce roman, j'ai eu l'impression de décrire un tableau proche de une oeuvre d'art, je me suis fondue directement et sans difficulté dans ce paysage, nous sommes en plein centre de la nature, la montagne et ces senteurs, nous sommes loin du monde urbain, et cela fait un bien fou
Chose exceptionnelle le rôle numéro un est un animal , et oui une ourse,
Dans un premier temps nous faisons la connaissance de Jules en 1885, ce denier kidnappe un ourson, il veut l'apprivoiser , devenir un animal obéissant , proche d'un animal de cirque, mais sommes loin de la réalité au fur et à mesure de la lecture, nous découvrons que Jules dégage une verticale empathie il part à travers le mode avec son âme soeur, Peut on vraiment domestiquer un tel animal dans ses conditions, aucun moyens de protection je reste dans un questionnement, Nous faisons la connaisseuse de Gaspard et Alma. Gaspard veut prouver qu'il peut sermonner sa tristesse, en reprenant son rôle berge, Il a vécu le décès d'une amie, une période difficile à panser
Alma est une chercheuse, elle traque l'ours, mais pour mieux les connaître, les comprendre. Alma et Gaspard sont dans leur territoire . Il faut protéger les brebis, les chiens sont une grande aide, berger n'est pas un métier de tout repos, loin de là, ils dorment très peu et sont a l'affût de moindre bruit.
Un respect vis avis de la faune et la flore, garder ce milieu sain,
A travers son roman , l'autrice fait passer de le message des changements climatiques, le réchauffement de la terre, Gaspard doit monter toujours plus haut pour pouvoir nourrir ses brebis,
Alma, toujours à trouver l'ours ou l'ours elle met des cameras dans la nature avec un espoir de les trouver. Les hommes d pays sont pour la mise à mort et non de la protection de l'animal,
Gaspard et Alma arriveront -ils à assouvir leurs rêves,
Un roman très intéressante et extrêmement documentés, je suis encore dans les montagnes et aucune envie dans descendre,
La plume de l'auteure est fluide, sensible, subtile, extrêmement poétique , Un roman touchant et passionnant, un hymne à la vie,
Une pepite que je vous conseille à découvrir de toute urgence,
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°°° Rentrée littéraire 2023 # 28 °°°

Direction le Couserans ariégeois, dans les Pyrénées centrales, territoire où la relation à l'ours est inscrite depuis des siècles, et qui concentre aujourd'hui la plus grande population française d'ursidés depuis leur réintroduction dans les années 1990.

J'ai été immédiatement charmée par le voyage immersif proposé par la prose claire et enveloppante de Clara Arnaud. Les paysages ariégeois nourrissent organiquement le texte. La montagne est LE personnage de ce très beau roman, la matière travaillée par l'autrice dans toute ses dimensions : les pentes, la roche, air, la faune, la flore, sa mysticité, son intimité, un organisme complet, ensorcelant et âpre, dans lequel le destin des hommes est enchâssé dans celui de la nature, ici plus particulièrement celui d'une ourse surnommé la Negra du fait de la teinte de son pelage.

" Tout ici n'était qu'engendrement  et dévoration, putréfaction et floraison, joie et douleur. Parfois, il se sentait si intégré à ce magma organique qu'il lui semblait participer de ces transformations en cascade, par lesquelles les plantes, les corps, les minéraux, étaient également décomposés , rendus à la terre, dans un même mouvement dont seules les échelles de temps variaient."

Trois chapitres, trois saisons, du printemps à l'hiver. Deux personnages humains sont nos guides, le temps d'une estive. Gaspard, le néo-berger, vit avec la menace de l'ourse, ses chiens, ses brebis à protéger, ses peurs et angoisses depuis un terrible incident qui le hante depuis sa survenue l'année précédente.

« Il songea au mot de Maëlle ( sa fille ) . N'aie pas peur. La montagne rêve. Mais à quoi rêvait-elle, effacée dans la nuit ? Elle appartenait à d'autres échelles que les vies qui s'y jouaient, les surfaces lisses et celles abrasées résultaient du temps qui passe et érode ; elle était le temps même, matérialisé dans la roche, divaguait Gaspard. Il regarda Jean, dont le torse nu, noueux et bruni par le soleil se soulevait au rythme lent de sa respiration. le vieux n'avait jamais froid, il pouvait endurer des vents glacials et des trombes d'eau et, dans la fraîcheur des nuits d'altitude, persévérait à dormir torse nu, sa peau-cuir exhibée, dont les tries, la patine disaient le grand âge. (...) Les nuages avaient de nouveau formé une nasse, le ciel était outrenoir, comme dans les toiles de Soulages, d'un noir plein de relief, qui révélait les contours, la matière même des choses. N'aie pas peur, la, montagne rêve, se répéta-t-il encore comme une formule magique venue de cette civilisation perdue qu'est l'enfance. »

Alma, éthologue, travaille au Centre national de la Biodiversité, prône une « science qui tache », un engagement physique constant et une confiance en ses intuitions plutôt que de réfuter toute part de subjectivité à l'observation protocolaire. Persuadée qu'une meilleure connaissance du comportement de l'ours et de l'usage de son territoire est nécessaire à une cohabitation sereine avec les hommes.

Clara Arnaud aura pu faire le choix d'une confrontation brutale entre Alma et Gaspard. Elle se fait au contraire apaisée, malgré les enjeux et les brebis tuées par l'ourse. Leurs regards différents sur le vivant se croisent en une belle complexité qui nourrit une réflexion riche et une interrogation profonde sur notre rapport au sauvage, à ce qui échappe au contrôle des hommes. Sans angélisme, sans pour autant transformer son roman en tribune politique ( bien qu'on sente aisément de quel côté penche le coeur de l'autrice ), sans jamais que le texte ne sonne comme « donneur de leçons ».

Je ne suis pas totalement convaincue que l'arc narratif parallèle racontant l'histoire d'un montreur d'ours ariégeois parti chercher la gloire à New-York avec son ourse capturée toute petite sans sa tanière, apporte réellement au roman, l'histoire d'Alma, Gaspard et de la Negra se suffisamment en elle-même. Mais j'ai aimé lire ces pages-là qui soulignent l'intrication ancestrale entre les ours et les hommes.

Un roman subtil et authentique, parfaitement incarné, rempli d'émotions, de souffle, de poésie, de vie.
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Transhumez vers ce roman !
Gaspard, pas le roi mage, est un berger Pyrénéen qui accompagne les brebis en estive dans le Couserans et rencontre des problèmes de voisinage avec un plantigrade lassé des légumes, ce que je peux tout à fait comprendre. Mort aux brocolis ! Tapage nocturne, tartare sauvage, déchets dans les parties communes, autant vous dire que le règlement de copropriété à haute altitude a du plomb dans l'aile.
Alma fréquente aussi ce territoire enclavé. Elle est éthologue, métier qui consiste à être payé pour observer le comportement d'animaux sauvages dans leurs milieux naturels. Il y a pire comme besogne. Certains comptent les oiseaux migrateurs ou enregistrent le brame du cerf sans s'endormir avec des tenues de camouflage dignes des forces spéciales. Elle a choisi l'option ours car c'est quand même plus sympa que de s'intéresser à la sexualité des punaises de lit et qu'elle adore les grosses bestioles sauvages qui concurrencent l'homme dans son statut de prédateur.
Le troisième personnage du roman est un montreur d'ours, Jules, qui quitta l'Ariège au début du siècle dernier pour aller chercher gloire et fortune en Amérique. Les chapitres consacrés à cette remontée dans le temps ressemblent à ces cartes postales anciennes et jaunies qui montraient ces dresseurs en sabot exposer fièrement leurs ours muselés devant des populations fascinées.
Clara Arnaud aime les territoires âpres, sauvages où la nature fixe les règles et ce roman restitue à merveille cette soumission des hommes aux caprices de la montagne. Elle ne décrit ni les dévoreurs de sommets à piolet qui veulent dominer le monde ni les sentiers de randonnées bien balisés pour citadins venus sniffer un peu d'air frais. Elle décrit la montagne de ceux qui y vivent et travaillent dans des conditions difficiles mais qui sont incapables d'en partir, comme ensauvagés par ces territoires qui résistent au haut-débit. Des femmes et des hommes à l'opposé des animaux nés en captivité et qu'il est impossible de relâcher dans la nature.
Même si le coeur de l'auteure balance du côté de nounours, le récit n'est pas manichéen et ne se limite pas à une confrontation binaire entre les pro et les anti Winnie. On sent que Clara Arnaud a dormi dans des refuges qui puent les pieds, qu'elle a partagé du saucisson tranché avec un coutelas rouillé et tartiné du fromage de chèvre sur du pain de la veille. On l'imagine remplir des carnets au bord d'un torrent. Ses pages sont patinées de rosée. La vie en estive, l'isolement, l'attachement aux bêtes et la crainte des attaques nocturnes sont parfaitement restitués. Patou-che au troupeau !
Le récit n'a pourtant rien de contemplatif. L'isolement des personnages est une invitation aux introspections mais le lecteur ne passe pas des heures à jumeler des animaux invisibles et à admirer des rochers en répétant « que c'est beau, qu'on est bien » pour se convaincre que le spectacle méritait de se lever en pleine nuit et de revenir avec des ampoules aux pieds, le dos meurtri par un sac à dos chargé comme un cartable de collégien.
L'été précédent, un drame a endeuillé le Couserans et une partie du troupeau de Gaspard avait fait le grand saut sans parapente ce qui a porté à ébullition les opposants et les partisans de l'ours. C'est cette tension, associée à la présence de l'ours, qui anime le roman, éveille les consciences, bonnes ou mauvaises et provoque des outrances.
Ce roman, outre son sujet, présente quelques ressemblances avec « La Grande Ourse » de Maylis Adhémar, mais je trouve le livre de Clara Arnaud plus immersif car il ne quitte pas la Montagne et s'intéresse peu aux opinions citadines.
Comme cette lecture m'a donné envie de partir aux champignons avant l'hibernation, je ne vais pas faire plus long.
Le lecteur qui a vu l'ours.


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Une première de couverture éblouissante, un titre magnifique, deux accroches irrésistibles pour pénétrer dans ce beau roman et se laisser envahir par la poésie, la mélancolie, la nostalgie, l'amour de la terre et des bêtes qui en émanent. Et tout cet ensemble au coeur des montagnes ariégeoises, sans doute pas les plus prestigieuses des Pyrénées mais qui portent, comme tant d'autres, toute cette féerie de la montagne et de ceux qui la parcourent, ici bergers et brebis, ours et loups, randonneurs, ailleurs alpinistes conquérants de l'inutile.

Trois personnages bien différents structurent parfaitement cette histoire.

D'abord, le berger, Gaspard, en proie aux doutes permanents devant son avenir, qu'il s'agisse du court terme de l'estive annuelle, ou du plus long terme incertain. Gaspard est très bien dépeint par Clara Arnaud, elle extrait de sa personnalité tout ce qui en fait un véritable homme de la nature, aimant passionnément ses bêtes, prévenant leurs souffrances, les abrégeant si nécessaire en une douleur partagée, aimant aussi sa famille et l'humain en général même lorsque ceui-ci peut l'irriter, l'assaillir, lui faire entrevoir le mal qu'il veut nier à tout prix.

Ensuite, Alma, fille beaucoup plus complexe que Gaspard, elle étudie le mode de vie de l'ours, veut concilier sa présence avec l'activité des bergers et la protection des brebis. Elle est une résistante, peut-être le plus beau trait de sa personnalité, capable de dire non, de n'en faire qu'à sa tête, au prix des souffrances de son corps et de son âme.

Enfin, Jules, moins présent dans le roman, son histoire qui se déroule à la fin du XIXe siècle, alternant avec celles de Gaspard et Alma. Il a soif de conquête, Jules, de célébrité, d'une autre vie au-delà de l'océan et pour cela, à cette époque, pourquoi ne pas devenir un montreur d'ours?

Tout l'ensemble donne un roman prenant malgré quelques longueurs supportables, avec surtout des descriptions élaborées de la montagne, des ours, peut-être un peu trop vus sous l'aspect scientifique. Clara Arnaud traduit également très bien les méfiances diverses des humains, de ces lieux reculés d'Ariège qui ne connaissent pas la fibre, elle dresse des tableaux très réalistes des différents protagonistes imaginés dans son roman.

Un bémol pour moi : le fait qu'elle ait choisi de modifier le nom des lieux, le pic Montcalm devenant le mont Calme, Les Trois Rois transformés en Trois Reines et le lac de Bethmale affublé d'un autre nom proche dans sa sonorité.

Enfin, l'approche de l'ours reste très romancée bien que correctement documentée. Pour lire de la belle littérature sur les ours, il faut aller vers Doug Peacock et les grizzlies des Rocheuses et on va bien sûr parvenir bien au-delà de ces vents fous qui ont quand même forgé un très beau roman de montagne et d'humanité.
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Ce sont le passage de Clara Arnaud à La Grande Librairie et cette magnifique couverture qui m'ont convaincu d'ouvrir ce roman qui nous plonge dans les Pyrénées ariégeoises en compagnie de trois personnages qui y côtoient les ours.

Le récit s'ouvre à la fin du 19ème siècle en compagnie de Jules, qui se glisse dans la tanière d'une ourse afin d'y dérober une oursonne de quelques semaines. Rêvant de gloire aux Etats-Unis en tant que montreur d'ours, il domestique son ourson et lui apprend des numéros de cirque.

Puis, de nos jours, nous suivons alternativement Gaspard et Alma. Lui est un jeune berger qui garde les troupeaux de brebis durant l'estive, mais qui s'avère hanté par un terrible drame survenu l'année précédente. Elle est une éthologue, spécialiste des ours, travaillant pour le Centre national de la Biodiversité, qui étudie le comportement des ursidés afin de faciliter leur réintroduction et leur cohabitation avec les hommes.

Ces trois protagonistes permettent à l'autrice d'offrir des regards différents sur ce milieu montagnard et son habitant le plus impressionnant : l'ours ! La présence de ce dernier insuffle une tension constante à ce roman particulièrement immersif, qui ravira sans aucun doute tous les amoureux de la montagne. le drame qui a frappé le troupeau de Gaspard l'été dernier n'a d'ailleurs fait qu'accentuer l'opposition entre ceux qui cherchent à réintroduire l'ours dans son habitat naturel et les locaux qui en ont ras-le-bol de retrouver leurs brebis déchiquetées. de plus, Clara Arnaud profite de ce séjour en montagne pour nous confronter aux conséquences du réchauffement climatique, tout en nous invitant à réfléchir sur la préservation des espèces.

N'ayant pas trop aimé « Les huit montagnes » de Paolo Cognetti (oui, c'est moi), je ne suis probablement pas le public cible de ce roman. Cependant, malgré quelques descriptions parfois un peu longues pour le citadin que je suis et certains passages un peu redondants, j'ai beaucoup apprécié ce petit séjour particulièrement instructif en montagne. Ce qui m'a finalement le plus « dérangé », c'est que les fils des différentes intrigues ne se rejoignent finalement pas. du coup, je m'interroge un peu sur l'utilité de cette double temporalité car l'arc narratif parallèle consacré à Jules n'apporte pas grand-chose aux récits de Gaspard et d'Alma…qui ne se croisent pas non plus énormément. Je lis probablement trop de polars !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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critiques presse (3)
LeMonde
15 décembre 2023
Roman sur l’enchevêtrement des expériences dans une région sauvage des Pyrénées ariégeoises, "Et vous passerez comme des vents fous" évoque par sa forme celle d’une montagne vue en plan de coupe.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaLibreBelgique
09 octobre 2023
Clara Arnaud nous emmène dans les Pyrénées, où la cohabitation avec l’ours sème l’émoi.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
SudOuestPresse
11 septembre 2023
L’écrivaine voyageuse scrute les montagnes ariégeoises où elle pose ses sacs entre deux périples. Elle observe l’ours et les éleveurs dans leur confrontation terrible.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (232) Voir plus Ajouter une citation
Dans le creux des journées, il retrouvait le temps élastique du voyage, les heures qui s'étalent dans un ennui tiède, les jours qui coulent et le ciel pour seule boussole et horloge. Il devait ici s'en remettre à la trajectoire du soleil, aux nuages pour définir le biais à donner, l'heure du lever comme du coucher. L'estive, c'était retrouver l'instinct, redevenir bête [...]
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Le jour de leur rencontre, Alma s'était assise contre un arbre, elle avait ôté ses chaussures de marche, posé les jumelles ; elle grignotait un morceau de chocolat, s'apprêtant à repartir bredouille – il fallait savoir renoncer –, quand elle avait entendu une pierre tomber. Un isard ? Elle avait levé les yeux et, juste au-dessus d'elle, à quelques centaines de mètres, l'ourse jouait les équilibristes dans les éboulis. Indifférente à sa présence, l'animale retournait d'énormes pierres pour trouver insectes et charognes. Derrière elle, deux oursons duveteux, encore frêles, cavalaient, au risque de dévaler la pente à tout moment, entraînés par l'un des blocs que leur mère balançait sans ménagement. Le souffle court, Alma avait saisi sa paire de jumelles, incroyable de les voir comme ça. Son pouls s'était emballé, rester calme surtout, mais le bang bang se répercutait dans sa cage thoracique, et il lui semblait qu'on pouvait entendre son cœur battre dans toute la vallée, alors qu'elle braquait son attention sur l'ourse. Stature exceptionnelle, fourrure noire et ce collier de poils argent, c'était bien la doyenne, celle que l'on appelait parfois la Negra dans l'équipe. L'ourse avait jeté encore quelques pierres qui, dévalant, l'avaient fait sursauter. Puis l'animale l'avait fixée, et c'est comme si, à ce moment précis, Alma prenait la mesure de sa puissance, les cent kilos de muscles et de fourrure de l'ourse affamée par la diète hivernale, de la largeur de ses paumes, t'inquiète ma belle, je sais que je suis chez toi. L'ourse l'avait toisée de son promontoire, se dressant sur ses pattes arrière pour jauger une éventuelle menace grâce à son flair, avant de s'éloigner, sans hâte, escortée des deux petits, son corps épais se mouvant avec une exceptionnelle dextérité.
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Les montagnes baignaient dans la brume dont les mouvements, la variation de la densité agissaient sur son âme, la coloraient. En ce jour gris, elle était diffuse et homogène, elle sculptait les cimes, faisant douter de la réalité même des reliefs, qu'elle avalait, puis recrachait, passant et repassant dans le champ de vision que ménageait la fenêtre de la cabane. Et c'était chaque fois un nouveau tableau qui s'offrait, d'une minute à l'autre. Au creux d'une vague de brume, il crut distinguer le vol du percnoptère. Un retardataire ? Ils étaient déjà partis vers l'Afrique à cette époque de l'année. Un vieux vautour qui n'avait plus la force du grand voyage ? Son intuition du début de saison avait été juste, cette montagne était un tombeau, un tombeau superbe pour les esprits d'altitude, mais aussi une matrice qui engendrait la vie. La nuit ne tarderait pas à tomber, les jours raccourciraient. Il s'apprêta à sortir voir les bêtes rassemblées dans le parc. Les derniers jours, il les y contraignait la nuit, afin d'éviter d'avoir à courir la montagne en long et en travers. Le soleil déclinait derrière l'opacité nuageuse, tout était brun alentour. L'automne avait commencé à déshabiller les arbres, annonçant la fin du temps de l'estive.
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Elle s’éloigne lentement, de ce pas suspendu, quelque peu léthargique de la sortie d’hibernation. Malgré les restrictions alimentaires et la perte de poids qu’impose le demi-sommeil hivernal, elle lui semble toujours aussi grande, aussi puissante que la première fois qu’il l’a vue, un an plus tôt, sa grosse tête balançant au rythme de ses pas, du mouvement de ses épaules ourlées de fourrure. Les premières semaines de printemps, ils sont encore faibles, peu réactifs, lui a expliqué Marcel, c’est le bon moment pour s’en approcher sans risque – et des ours, il en a chassé, il a l’habitude, le vieux. Elle dégage pourtant déjà une impression de grande force.
Et maintenant, Jules retient sa respiration, se concentre pour rester immobile, et il prie avec ardeur pour que son odeur soit suffisamment camouflée par celle de la terre, l’humus dans lequel il baigne, qu’elle ne le sente pas, il prie pour que tout se déroule comme dans ses plans, ses rêves. Il suffirait d’un souffle de vent mal orienté. Elle a disparu de son champ de vision, soudain. Il attend quelques minutes, seuls les oiseaux et une brise dans les feuilles, le craquement des branches sous son torse, à chacune de ses respirations, perturbent le silence.
Il attend, attend encore un peu, imaginant l’ourse s’éloigner nonchalamment, gratter le tronc d’un arbre mort, se plonger dans la dégustation de larves d’insectes avec délectation.
Puis vient le moment, il le sent. Il se redresse doucement, déplie son corps centimètre par centimètre, regarde de droite à gauche, et s’avance vers l’entrée de la tanière, comme si une force extérieure, un instinct l’y guidaient plus qu’une décision raisonnée.
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La montagne n'était jamais aussi belle qu'à la toute fin de l'estive, ce moment étrange où coexistait en lui l'envie de quitter cet océan d'altitude, de gagner la terre ferme – comme ces navigateurs au terme de longues traversées océaniques – et la nostalgie d'un monde auquel il fallait s'arracher, le spleen du retour que partageaient bergers, marins et voyageurs. Et même après avoir affronté les pires tempêtes, manqué la mort de peu, songé mille fois à abandonner, tous ceux qui avaient connu le grand large, océanique ou montagnard, fréquenté les déserts ou les abysses, n'avaient de cesse d'y retourner, de s'y enfoncer, et les autres ne les comprendraient jamais tout à fait, et ils diraient encore, mais pourquoi tu t'infliges ça ? À quoi bon ? Et les marins, les errants, les bergers répondraient toujours à côté, parce qu'on n'explique pas avec les mots à quel point la montagne peut suffire à un homme, remplir toute son existence, la déborder, même, envahissant ses rêves.
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