Commencer une carrière littéraire avec du premier coup un chef-d'oeuvre, comme
Georges Arnaud en 1950 à 33 ans, avec "
Le salaire de la peur" pose, je présume, des problèmes à l'écrivain, qui est supposé de faire néanmoins mieux avec un nouvel ouvrage et au lecteur, qui craint d'être déçu par ce nouvel ouvrage.
Lorsque 4 ans après avoir lu ce best-seller, je me suis procuré "
Les aveux les plus doux" de lui, je n'étais pas trop rassuré et craignais en effet une déception. J'ai eu tort, car le livre est bien conçu et fait. Mais cette réaction de ma part est à la fois typique et injuste d'un simple lecteur envers un esprit créateur.
Il est incontestable que le roman de
Georges Arnaud était exceptionnellement captivant et le splendide film réalisé par
Henri-Georges Clouzot de 1953 avec un
Yves Montand dans une de ses meilleures apparitions à l'écran, n'a que contribué à rendre "
Le salaire de la peur" totalement inoubliable. Un des rares films à avoir gagné la Palme d'or à Cannes et l'Ours d'or à Berlin, la même année.
Dans "
Le voyage du mauvais larron", qui aurait pu avoir au lieu de "voyage" aussi bien "vagabondage" dans son titre, nous retrouvons des éléments qui nous sont familiers du "Le salaire", comme la plaine au pétrole, les routes sans fin à bord d'un camion, l'Amérique latine, la désolation etc.
Le héros de l'histoire, André Plessis, qui a horreur du travail régulier, estimant que "le travail fait à lui seul plus de victimes que guerres, pestes, véroles et clergés réunis..." décide, un 2 mai de partir pour 2 ans. Il s'embarque pour l'Amérique du Sud, mais sans nous offrir un itinéraire précis et se limite à mentionner des noms de sites de passage : Portsmouth en Angleterre, Pointe-à-Pitre à la Guadeloupe, Bogotá en Colombie, Caracas au Venezuela...
Ce qu'André aime, c'est le mouvement. le mouvement pour le mouvement, un peu comme l'art pour l'art. Ou s'agit-il, en somme d'une fuite ?
Il y a un élément autobiographique, puisque l'auteur est effectivement parti pour l'Amérique latine, le 2 mai 1947, après avoir fait 19 mois de prison à Périgueux (1941-1943) pour une sombre histoire de triple meurtre, dont son père et une tante ont été victimes, et après avoir dilapidé la fortune de la famille. Par ailleurs,
Georges Arnaud, qui a été un élève brillant, avait envisagé de se présenter au concours d'entrée du Conseil d'État, mais a écarté cette option parce qu'il ne tenait pas à prêter serment à Pétain.
Le récit commence et se termine par un André Plessis comme passager clandestin, caché dans une cale d'un cargo, qu'il espère va lui ramener vers la douce France. Or, le "Relámpago" ou éclair est un vieux croiseur, horriblement lent, utilisé pour le cabotage local dans le Pacifique sud ! En 18 jours ils n'ont même pas dépassé Panama. Dix minutes y durent deux jours, ce qui permet à notre héros d'arriver à la conclusion que "l'argument le plus solide contre la profession d'aventurier, c'est la longueur des temps morts". (page 252).
Et c'est cependant une vie d'aventurier qu'il a menée tout ce temps depuis son arrivée au nouveau monde. Comme chauffeur de taxi de nuit à Caracas et chauffeur de camion avec remorque sur la route de Maracaibo, il a rencontré la fine fleur des habitants de ce coin du globe : trafiquants, réfugiés, policiers véreux, gonzesses de bordel etc. Il a fait un bout de taule à Caracas, mais les prisons là-bas sont comme des paradis comparés à celles en France. Tout entre librement et tout s'y achète : livres, aliments, vêtements, putains. Pour 100 bolivars on passe 24 heures en ville, seul et pour le double... on est libre ! En tout cas, notre André y passe du temps à traduire des textes officiels d'Espagnol en Français et la variante d'Espagnol parlé par les Français d'Amérique latine.
La langue et parfois le style assez confus m'ont un peu déplu et j'ai l'impression que l'auteur a voulu terminer son roman à la hâte, un an après "
Le salaire de la peur" en 1951. Les trouvailles et les descriptions de son Amérique du Sud de ce grand voyageur qu'il a été, compensent, à mon avis, les négligences stylistiques.
Dans un tout autre genre, en collaboration avec le réalisateur et scénariste
Roger Kahane,
Georges Arnaud a écrit, en 1978, "L'affaire Peiper" une biographie du lieutenant-colonel nazi, Joachim Peiper (1915-1976), responsable entre autres du massacre de Malmedy, dans les Ardennes belges, le 17 décembre 1944. Et dans un registre encore tout différent une préface au "
Le Meurtre de Roger Ackroyd" un des best-sellers d'
Agatha Christie.