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Critique de Artelode


AETERNAM OPERA, L'Opéra des Errants de Laetitia Arnould
Les mondes parallèles dans la littérature, en particulier les univers souterrains tels qu'on peut les lire par exemple dans Neverwhere de Neil Gaiman, Les Indes noires de Jules Verne ou dans la trilogie Sublutetia d'Éric Senabre (littérature pour la jeunesse), m'enchantent autant qu'ils m'effraient car, mis en mots à travers une histoire passionnante, ils révèlent à coup sûr des secrets qui n'attendaient qu'une seule chose : refaire surface. Et lorsqu'ils refont surface, tout peut arriver…
Après avoir découvert Ronces Blanches et Roses Rouges, j'avais très envie de lire d'autres romans de Laetitia Arnould, véritable magicienne des mots. AETERNAM OPERA est un superbe texte fantastique en trois actes, dont les titres suscitent déjà la curiosité en laissant planer un délicieux mystère :
Acte I : La Ballerine et le Maraudeur
Acte II : La Valse des Sept Temps
Acte III : le Mont des Voeux
Divinement rythmées, les 450 pages qui le composent se lisent de façon très fluide. Quant à l'histoire, elle offre bien des surprises et des rebondissements, et nous emmène aux confins de ce qui ressemble, au premier abord, à une mécanique bien huilée…    
Que se passe-t-il donc sous Montmartre ?
Vous pensez connaître Montmartre, de près ou de loin ? Il n'en est rien, sachez-le. C'est en tout cas ce que réalise Gabriel Fossett, le soir du réveillon de Noël, alors que les derniers acheteurs terminent leurs emplettes. En proie à d'étranges sensations, complètement désorienté, il s'éloigne – malgré lui – du bruit de la foule et des lumières festives, et découvre une impasse au bout de laquelle une étrange porte le mène à l‘Opéra Éternel et Merveilleux de la Butte Montmartre ou l'Aeternam Opéra. 
Le personnage arrive au moment où, comme chaque année à la même époque, des dizaines d'artistes de tous horizons – danseurs, comédiens, cantatrices… – revêtent leurs plus beaux costumes, déploient et mêlent leurs talents au milieu de décors somptueux pour que le Dernier Ballet de l'année soit éblouissant.
Seulement voilà, cela semble trop beau pour être vrai… Une première question – pas des moindres – se pose. Pour quel public les artistes se produisent-ils ?
Est-ce un hasard si Gabriel, lui qui ne parvient pas à percer dans « le monde d'en haut » (j'emprunte le titre du roman jeunesse de Xavier-Laurent Petit) en tant que musicien, contraint de multiplier les petits boulots pour survivre, se retrouve projeté dans ce monde-là, précisément ? Serait-il doté de quelque Qualité ou Défaut inestimable (les majuscules ont leur importance, je vous assure…) ? Grâce à Romane – la Ballerine, Julien – le Maraudeur, Albane et Mathieu – les seuls enfants résidant à l'Opéra, mais aussi les autres Errants, il comprend que son rôle est décisif et qu'il n'est pas qu'un simple badaud qui se serait trompé de chemin…
Les coulisses de l'Opéra
Une foule de personnages se côtoient dans ce haut lieu artistique, étrange et poétique. Les Errants – tous différents mais qui aspirent ensemble à une forme de liberté individuelle retrouvée, mais aussi des pantins et des marionnettes, des animaux étranges… Il y a ceux que l'on voit et ceux que l'on ne voit pas. Parmi ces derniers, tout le monde parle du Sweeteldy Cat ou le Doux Chat Couronné. C'est un joli nom, n'est-ce pas ? Seulement, personne ne l'a – semble-t-il – jamais rencontré.  Pourtant, les Errants rêvent de son retour salvateur. Qui est-il et sous quelle forme se cache-t-il ? L'auteure entretient avec brio le mystère autour de ce personnage. Existe-t-il seulement ? Par qui, quand et pourquoi l'Opéra a-t-il été créé ? Pour répondre à ces questions, une seule solution : partez à la recherche du Sweeteldy Cat dans le roman, aux côtés de Gabriel et de ses précieux alliés… 
Les personnages sont magnifiques. L'écriture, les situations – parfois loufoques – permettent de saisir leur psychologie, leur façon de penser, de se mouvoir même et les rendent extrêmement attachants, qu'ils se situent du côté sombre ou du côté lumineux de l'intrigue. La grâce de Romane, l'élégance de Julien, l'innocence et la spontanéité de Mathieu et Albane, la belle relation que Gabriel construit avec eux, la solidarité dont font preuve les Errants dans les moments sombres, tranchent véritablement avec la terreur insufflée et entretenue par le Maître du Temps, siégeant sur son Trône Instable au-dessus du Maëlstrom des Horreurs et accompagné du dévoué Marius et de sa créature fantastique – le Keeperwulf. L'atmosphère mystérieuse, la magie qui planent sur le monde de l'Opéra ajoutent une force de caractère à chacun d'eux. Sans compter les références historiques qui parsèment le roman et éclairent les actions des uns et des autres. Étonnant pour un roman imaginaire ? Non, tout cela se marie à merveille.
L'Opéra m'a fait penser à une immense boîte à musique – un dôme peut-être – qui serait actionnée et remontée par des mains expertes dans l'art de faire reproduire indéfiniment aux personnages les mêmes gestes, pour les empêcher de créer des alliances, de penser, de réfléchir à l'avenir. Malheureusement, le pouvoir s'obtient aussi de cette horrible manière-là. Derrière les décors et les costumes, les prouesses des artistes, derrière les sourires, se dissimule une incroyable vérité : tous ont peur, peur d'être rayé de la fameuse liste de Marius… Lorsqu'il prend conscience de cela, Gabriel est loin de ressembler au personnage qu'il était au début du roman – initiatique.
Comme dans Ronces Blanches et Roses Rouges – c'est ce que j'avais beaucoup aimé – la plume de Laetitia Arnould dessine, sculpte, photographie les lieux en même temps qu'elle nous raconte une histoire. 
Lorsque peu à peu, les éléments du puzzle se mettent en place, la Grande Histoire de l'Opéra est enfin dévoilée – en partie tout du moins. Puisant dans la mythologie (je ne vous dis pas tout, hein ?…), Laetitia Arnould donne naissance à une oeuvre singulière. L'auteure crée une intrigue qui se suffit à elle-même, mais qui pourrait également faire partie d'un cycle, avec un avant et un après. Aeternam Opéra m'a rappelé le Cycle d'Avalon de Marion Zimmer Bradley. Non, non, je ne dirai pas pourquoi… mais nous pourrons en discuter quand vous l'aurez lu ! En ce sens, le roman possède une épaisseur (je ne parle pas seulement du nombre de pages) particulière, avec des lieux, une temporalité, des personnages réellement fouillés, et une véritable cohérence.
Vous l'aurez compris, Aeternam Opéra est un COUP DE COEUR que je recommande absolument. C'est un vrai plaisir de suivre le parcours de chacun des personnages, leurs doutes, leurs espoirs et leurs interrogations. La question de la liberté, qui nous concerne tous finalement (surtout dans le contexte actuel), y est admirablement mise en scène. Laetitia Arnould a le don choyer ses lecteurs, de trouver les mots ou expressions qui touchent et enchantent, qui ravissent et effraient.
Un dernier point… AETERNAM OPERA n'est pas dénué d'humour. Je ne dis plus rien… exceptés deux mots :
Une pépite !
Lien : http://lecalepindunelectrice..
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