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Critiques filtrées sur 4 étoiles  

Le titre questionne : A qui le narrateur a-t-il souri ? A quelle occasion ?
Le sourire comme arme de séduction à double tranchant.

La réponse n'est pas donnée au début de ce roman à la veine autobiographique.
Daniel Arsand commence par revisiter les lieux de son enfance, en particulier la rue Emile Poirot dont il décrit l'architecture .
Il radiographie les jardins ou ce qu'il en entrevoit.
Dans cette rue habitait une aïeule qui aimait converser avec lui, ce qui n'était pas du goût de sa mère qui « miaulait » être pressée !

Il réorganise ses souvenirs , constate des blancs, s'étonne de sa mémoire défaillante.l se pose une foultitude de questions dans sa tentative de décrypter son moi.Il aime la solitude déjà à 4 ans, se sent marginal quand il grandit.Ado, il est fan de Sylvie Vartan, s'ennuie dans les réunions familiales.Etre différent c'est se cacher pour éviter le harcèlement. Pourtant le voilà «  fils et fiotte ».
Dans ce récit intime, il fait défiler trois expériences amoureuses initiatiques, traumatisantes qui ont laissé leurs empreintes, traces indélébiles.

C'est au lycée , en classe de seconde qu'il repère un étudiant, Marc, à la voix d'adulte. Quand celui -ci l'aborde dans la rue, il est chaviré, tourneboulé, étonné qu'il connaisse son nom Daniel. Encore plus stupéfait d'entendre un éloge de son père, qui est en fait le tailleur du père de Marc.
Son émotion, sa sidération devant ce garçon rappelle les premiers émois que Philippe Besson relate dans Arrête avec tes mensonges.
Lui, encore puceau ignore tout des codes., mais les garçons l'excitent.
Voici le narrateur envoûté par les savoureuses odeurs émanant du corps de Marc , mêlant «  savon de Marseille et eau de Cologne à la lavande ».
Il attend beaucoup de la rencontre que lui propose Marc dans son immeuble bourgeois. Il fantasme sur leur tête-à-tête. Angoisse, fébrilité. Pour lui, les mots posséder, être possédé ne représentent rien.

Cette première expérience racontée dans les moindres détails, depuis la mise en scène théâtrale, les effleurements, les attouchements, sa soumission, la violence subie ( gifles) aura un impact traumatisant sur le narrateur.
Le voici comme un chat échaudé qui craint l'eau froide. Fréquentant une piscine municipale, à quinze ans, il teste une façon de drague. Assis sur le bord du bassin, ce poste de vigie lui permet ainsi d'observer les nageurs. C'est un trentenaire, Julien, qui l'aborde et le chavire par « l'appétit de tendresse » qu'il diffuse. Les rencontres se multiplient, le comblent. Julien devient son amant.Quel désespoir quand il constate que celui-ci s'est évanoui! Sentiment de perte, d'abandon, voire de trahison. Il ne lui avait pas laissé son numéro de téléphone.

La violence du dernier récit convoque tous les faits divers de harcèlement qui existent toujours, souvent aux dramatiques conséquences.
Comment va-t-il rebondir après ces épreuves subies à l'adolescence? Comment s'engager dans la vie au moment de l'entrée dans le monde adulte ?

C'est ce qu'il explique dans la dernière partie. Il a « épousé sa solitude », a renoncé à l'amour, pas aux aventures passagères ( pour lesquelles il faut sortir couvert pour se protéger de la maladie fatale, causant de multiples pertes, parmi ses amis). Il reconnaît avoir vécu «  en marge du sentiment amoureux ». Il s'est forgé de « robustes et scintillantes amitiés ».
Un réconfort salutaire : «  enfouir son visage dans la fourrure d'un félin et ronronner à l'unisson avec lui ». Cette évocation convoque «  Que Tal », roman dédié à son amour de chat.
L'écriture lui a permis de grandir, de prendre du recul avec son passé cabossé, «  écrire, assombrit, puis régénère ce qui semblait acquis ». Il fait confiance aux mots, les mots envahissent son être entier. Il montre le pouvoir des mots : «  un mot suffisait pour qu'une scène ancienne lui arrive en boomerang ».
Sa vocation de libraire est née de son engouement pour les mots.
Il glisse des confidences quant à sa relation avec ses parents, eux qui n'ont jamais su son penchant pour les hommes. Il leur témoigne toute sa gratitude.

Ce court récit au style haché , est constitué de phrases courtes, d'un flot de mots ( comme dans l'épilogue), en réaction à la parole empêchée.
Le corps en est un personnage central. Un corps qui a souffert, subi des humiliations, un lynchage à vomir, dans les «  chiottes » d'un établissement scolaire ou , au contraire, a vécu « des nuits d'un flamboyant bonheur ». Des évènements occultés ont resurgi dans la mémoire de l'auteur et lui ont permis de raconter l'innocence saccagée.
Ce manuscrit longtemps en sommeil, très intime, aura certainement eu un effet cathartique et réparateur pour Daniel Arsand. Sincère, charnel, touchant.Un opus qui incite à lire ou relire ses romans précédents.

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J'avais découvert Daniel Arsand il y a plusieurs années avec "Des amants" puis avec le très beau roman "Je suis en vie et tu ne m'entends pas". J'avais été séduit par sa plume délicate au service de récits forts et passionnants. Je me suis donc laissé tenter par son dernier roman, d'autant que j'en avais lu une critique très élogieuse ici ou là.

Dans "Moi qui ai souri le premier", l'auteur nous raconte trois épisodes de son adolescence, trois garçons qu'il a aimés ou désirés, trois événements qui ont accompagné l'éveil de sa sexualité et ont ensuite façonné son rapport aux hommes.

Je lisais dans une autre critique que ce roman est en quelque sorte le "marking-of" de la vie et de l'oeuvre littéraire de Daniel Arsand et je trouve très juste cette image. Cela m'a d'ailleurs fait penser au roman "Arrête avec tes mensonges" de Philippe Besson, qui raconte également un épisode de son adolescence et apparaissait comme une explication de ses oeuvres précédentes, ou à venir à l'époque du récit.

Vous l'aurez compris, le fond m'a beaucoup plu. Sur la forme, Daniel Arsand nous offre un roman très court, que j'ai lu d'une seule traite, son format et son rythme invitant à lire sans s'arrêter. La plume est toujours aussi délicate et efficace. Un beau roman.
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Dans le flot de la rentrée littéraire 2022, il y a eu bien évidemment les têtes d'affiche comme Michel Houellebecq, Pierre Lemaitre, Nicolas Mathieu, Virginie Despentes, Eric Vuillard, Haruki Murakami, Emmanuel Carrère, Jón Kalman Stefansson... mais il y a eu aussi les auteurs plus discrets qui auraient pourtant mérité une reconnaissance du plus grand nombre. C'est indéniablement le cas de ce magnifique texte de Daniel Arsand, « Moi qui ai souri le premier » qui est passé un peu inaperçu en librairie.

Avec « Moi qui ai souri le premier », Daniel Arsand renoue avec le récit autobiographique. Il y raconte trois épisodes de sa jeunesse, trois rencontres qu'il avait imaginées belles et qui vont s'avérer être des fiascos amoureux, qui vont certes forger durablement l'identité du cinquantenaire qu'il est devenu, mais qui sont aussi des tâches traumatiques dans sa vie.

Elles sont même allées jusqu'à influencer définitivement sa vision de l'amour : si aujourd'hui il considère l'amour comme un simple supplément agréable à sa vie, s'en méfiant et le traitant comme une chose peu importante, c'est à cause de ces trois garçons qui l'ont déçu à l'heure où se forgeait son apprentissage sexuel. Un viol alors qu'il voulait une "première fois" romantique ; un abandon alors que ses sentiments étaient à la confiance ; un passage à tabac alors qu'il semblait avoir trouvé un partenaire sexuel viable : trois échecs amoureux se terminant dans la violence, trois façons de voir les relations amoureuses chez un jeune homme déjà en butte avec son identité homosexuelle encore mal assumée, en pleine construction de lui-même. Autant dire que ce récit n'est pas parmi les plus gais qui soient…

Daniel Arsand livre trois faits marquants et traumatisants survenus pendant son adolescence. Il les explore, les analyse dans un style froid avec une économie de mots, en choisissant l'angle littéraire plutôt que le sensationnalisme.

S'il restitue avec une grande précision le contexte sensoriel en décrivant les ambiances, les odeurs, les couleurs et les sons, on peine pourtant à cerner la personnalité de l'auteur-narrateur, qui restera une énigme une fois le livre refermé.

La brièveté du récit (79 pages), qui va droit au but, et ce style d'écriture clinique n'interdisent absolument pas à la prose d'être hyper maîtrisée, calme et ample : il y a les trois épisodes traumatiques, il y a l'avant (très belles pages sur la découverte du monde extérieur, de "l'Autre"), il y a l'après (passages cruels sur l'homme qu'il est devenu, méfiant et détaché), et toutes ces parties ont leur beauté, leur intelligence, leur façon d'envisager le monde et la littérature comme introspection.

C'est évidemment un récit hautement personnel car l'auteur analyse avec le lecteur ses premiers expériences amoureuses marquées par l'abus, l'abandon et l'humiliation, mais c'est tout de même universel car chacun s'y retrouvera à un moment ou un autre. Nos propres souvenirs d'adolescent et de jeune adulte ressurgissent avec cette lecture.

Un texte très personnel et abouti, servi par un style qui oscille entre une écriture tantôt crue, tantôt poétique ou bien froide et détachée. Chacun y trouvera des échos à son histoire personnelle, sans pour autant forcément réussir à s'identifier ou s'attacher au narrateur.
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L'écriture de Daniel Arsand a de quoi surprendre de prime abord. Un peu alambiquée, désuète peut-être, mais toujours élégante, même lorsque le propos est dur, c'est elle qui, par sa puissance, structure et porte le récit. Dans un texte intime, l'auteur confesse trois moments-clés de sa vie : un viol, une disparition ressentie comme un abandon, et une opération commando destinée à l'humilier. Ces trois épisodes signent la fin de son innocence et participent à la construction du jeune homme. L'auteur se dévoile : son homosexualité assumée, une sexualité vécue dans la peur du sida, et une relation aux hommes marquée par un refus viscéral de s'engager, conséquence précisément de ces trois épisodes. Un texte qui éclaire le parcours de Daniel Arsand et son oeuvre littéraire.
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Une écriture fastueuse et ornée pour revenir sur les premières amours fondatrices. Marquées par l'abus, l'abandon et l'humiliation. Court et ciselé, très beau.
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