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Critique de Saruoni


Madame Bovary, le Père Goriot, Phèdre, Chatterton, avez-vous remarqué que bon nombre d'oeuvres au héros éponyme sont des récits de destins qui se brisent ?

Zora un conte cruel de Philippe Arseneault est un roman qu'il conviendra désormais de hisser au rang des classiques tragiques de la littérature francophone. Zora, personnage central, cette jeune enfant conçue d'un viol qui naît sur le plancher sale de la taverne de l'Ours qui pète, espace interlope, au milieu des prostituées et des avorteurs est en effet l'archétype de l'héroïne de tragédie. Toutefois tout autre personnage qui apparaît dans cet oeuvre pourrait prétendre au titre. Les êtres infâmes qui hantent la forêt finlandaise des Fredouilles, où Zora vient à la vie à l'orée du XXème siècle, sont réduits à la plus simple acceptation de l'humain : un bloc de chair parcouru d'énergie. Ils naissent et meurent dans la douleur et la violence, mangent et se font manger, violent et se font violer, tuent et se font tuer. Car dans ces quelques kilomètres boisés aucune loi n'a cours, aucune morale n'entre en jeu. le seul mot d'ordre : la satisfaction immédiate des pulsions. On ne vit pas dans cette forêt, on y survit. On y fait la fête et on s'y saoule parce qu'il en est ainsi depuis la nuit des temps et que l'on ne connaît pas d'autre schéma d'existence. On s'y éteint en un éclair, comme s'il n'y avait aucune matière à consumer. Les personnages qui vivent en dehors de cet espace en marge sont moins creux, ont une vie intellectuelle intense mais souffrent d'autres tourments induits de facto. Il y a Tuomas le vieil alchimiste raffiné et philanthrope qui passe le plus clair de son temps à rechercher la formule de l'élixir de la vie éternelle et Tero un jeune homme obsédé de littérature poursuivi par une étrange mélodie. Zora, quant à elle, est une passerelle entre les deux mondes, née dans la fange elle s'épanouira dans l'or.

Car il serait réducteur de considérer le roman de Philippe Arseneault comme une simple oeuvre tragique. Il est impossible de la cantonner à un seul genre tant elle est foisonnante. La langue presque médiévale se prête au comique et au grotesque, certains épisodes sont bucoliques, certaines aventures proches de la fantasy, des créatures fantastiques peuplent les pages et la description des relations humaines est extrêmement réaliste.

Zora un conte cruel aurait pu s'intituler Une histoire de fange et d'or tant l'ambivalence de cette oeuvre est grande. Les descriptions les plus triviales baignant dans les fluides corporels les plus infâmes ont beau être légion, les aphorismes sur la beauté de la vie contrebalancent de la plus exquise et fine des façons le dégoût et le mépris que le lecteur ressent à l'encontre de certaines scènes d'une violence nauséenne ou de certains personnages antipathiques au plus haut point.

Je remercie les Editions des Equateurs de l'envoi de ce livre. le petit mot glissé dans le paquet me souhaitait d'être enchanté par ce roman. Je l'ai été. Enchanté par la richesse de la langue. Par l'humour du narrateur omniscient taquin. Emu de la plus belle des façons. La véritable émotion. Celle suscitée par l'émergence du rai de lumière dans l'obscurité.
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