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Critique de Jcequejelis


Dans les années 1900, Arseniev est chargé de faire des relevés cartographiques de la région de l'Oussouri, dans l'extrême-orient sibérien. Pour cela, des expéditions, formées de soldats (souvent cosaques) sont montées. Il embauche pour quelques jours des éclaireurs sur place.

Une nuit surgit dans son bivouac, un Gold, venu se réchauffer au bûcher. Arseniev discute avec lui jusqu'au matin et l'enrôle comme guide. C'est ainsi que commence une amitié ou plutôt selon moi la rencontre de l'élève et du maître.

Dersou chasse, toute l'année dans la taïga, depuis que sa femme et ses enfants sont morts de maladie. Il a abandonné sa maison. Plus Arseniev et ses hommes le côtoient plus ils découvrent les connaissances qu'il a des animaux, du climat et du milieu dans lequel il vit et plus ils l'apprécient.

Mais surtout, Dersou a un sens de l'observation hors du commun et une vive intelligence qui lui permettent de tirer des conclusions très justes et d'éviter bien des pièges.

Dersou est généreux et solidaire : il ne tue que pour manger, pense aux autres, bêtes ou hommes... Il est courageux, débrouillard, et foncièrement humains.

Arseniev est officier-topographe. Sans le vouloir il dresse son propre portrait dans ce livre. Il est juste, ouvert aux autres cultures et coutumes, curieux de tout, tenace dans sa mission.. Arseniev connaîtra inondations, feux de forêt, tempête de neige, froid intense, faim, fatigue extrême... et même la météorite de 1908. Mais rien ne l'arrête et chaque soir il s'attelle à la rédaction de son journal de marche.

Arseniev écrit plusieurs fois qu'il questionne Dersou pour apprendre à suivre une piste, pour arriver à prévoir les changements de temps, par exemple. Dersou a bien deviné que cet homme est sans préjugés, sans arrogance.. le professeur c'est lui.

Arseniev a tiré ce livre, qui n'est pas un roman, à mon avis, de ses journaux, les redites en donnent l'impression. Mais cela rend la lecture encore plus intéressante. En faisant le portrait d'un « homme des bois » dont il ne resterait même pas le nom dans un registre quelconque aujourd'hui, il rend hommage aux peuples de Sibérie, aux inconnus de l'histoire, et surtout, à une culture appelée a disparaître (même la tombe de Dersou reste introuvable après le défrichage de la région). C'est la fin d'une époque. Arseniev veut laisser un hommage à son ami et le sortir de l'anonymat.

Arseniev est un héro positif, de ceux qui construisent le monde. Il doit sa renommée à son travail, à son amour des autres. Bien sur il va s'en dire que cela lui attira les persécutions des bureaucrates staliniens : on détruisit ses archives, on tua sa femme...

Lors de ma première lecture ma conscience écologique était beaucoup moins développée. Elle m'a fait voir aujourd'hui une autre facette de ce texte. «  Dersou Ouzala » est aussi un contre-portrait d'une époque où tuer un animal était banal voir un exploit. Arseniev va à la chasse à l'ours pour savoir ce que c'est et peut-être même voir s'il en a le courage.

Dersou arrête plusieurs fois un cosaque qui s'apprête à tirer, par exemple sur des otaries dont on aurait même pas pu récupérer la viande. Page 87, Arseniev cite des « chasseurs » qui ont tué plus de 140 ours à eux deux !!! Maintenant les russes doivent se battre pour sauver certaines espèces !!!

La traduction est loin d'être parfaite. Il est en effet peu probable que les russes utilisent le mot kilomètre dans ces années-là mais plutôt verstes qui n'apparaît qu'une fois à l'avant-dernier chapitre.

« Dersou Ouzala » est un livre dépaysant, d'aventure, d'amitié, et aussi de géographie et d'histoire. Un vrai plaisir de retrouver ces personnages et la taïga pour la seconde fois.
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