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Evelyne Grossman (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070427338
240 pages
Gallimard (01/07/2003)
4.06/5   75 notes
Résumé :
Pour en finir avec le jugement de dieu est sans doute le livre d'Antonin Artaud qui libère le plus violemment cette voix forcenée, cette voix de fureur et de fièvre qui apparaît comme l'ultime état, l'ultime éclat de sa parole de poète.
La poésie prend ici la forme d'une profération, d'une vaticination, mais loin de vouloir faire entendre le message inspiré ou imposé à un oracle par un dieu quelconque, Artaud entreprend de transcrire les mots, les balbutiemen... >Voir plus
Que lire après Pour en finir avec le jugement de Dieu - Le Théâtre de la cruautéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Rien à chercher dans cette poésie. Si tu cherches c'est que t'as rien compris. Faut arrêter de penser toujours à sa gueule. Artaud ne pensait pas à toi en écrivant ça, il ne pensait pas à lui non plus, il pensait à l'entité globale et c'est autrement plus fin et gerbant.


Artaud, voilà le mec qui est arrivé au plus haut point, dirait-on. Seulement qu'arrivé là, plus rien. Plus de culture, plus de réputation, plus d'émotion, plus d'empathie, mais l'outrecuidance, la liesse, l'injure, le plaisir, le profane et le sacré.


C'était trop pour lui, Antonin a crevé cinq mois plus tard. Paix à son âme.
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Pour en finir avec le jugement de dieu est la transcription sur papier d'une création radiophonique du poète français Antonin Artaud. Enregistrés en 1947 dans les studios de la radio française, les textes étaient lus par Maria Casarès, Roger Blin, Paule Thévenin et Artaud lui-même qui se chargea également de l'enregistrement des cris, des battements de tambours et de xylophone accompagnant le texte.

Il s'agit d'un essai sur l'homme, l'humain, ses aspirations, ses besoins, ses embûches. C'est notamment dans cette création qu'est introduite l'expression "corps sans organe" qui sera utilisée et popularisée plus tard par les philosophes G. Deleuze et F. Guattari. "L'homme est malade parce qu'il est mal construit. Il faut se décider à le mettre à nu pour lui gratter cet animalcule qui le démange mortellement, dieu, et avec dieu ses organes. Car liez-moi si vous voulez, mais il n'y a rien de plus inutile qu'un organe."

Ce texte est à la frontière entre la poésie, la prose et la musique, ou le théâtre. Pour cette raison, je conseillerai d'avantage d'écouter cette oeuvre.

Cependant, la mise en page qui cherche à retranscrire le plus sincèrement possible la lecture, tient du génie. Regarder une page de ce livre, sans la lire, est très agréable. On sort de la poésie classique où tout les vers se terminent au même endroit, ou tout est très droit. Ici, tout part dans tous les sens. Mais ce n'est qu'à travers ce "grand n'importe quoi" que l'on peut réellement comprendre le texte.

Quand au contenu, Antonin Artaud n'y va pas de main morte, et ça fait du bien. le langage est sincère et cru, cru mais vrai. "Là où ça sent la merde ça sent l'être."
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Antonin Artaud tenait pour primordial le principe d'incarnation de la poésie. Mais cette incarnation nécessitait également pour présenter un quelconque intérêt une relation à l'espace, au théâtre, à l'autre, au cosmos et non pas à soi-même. La poésie devait donc être politique, pousser à la communion des individus et à l'oubli de soi par des chants rythmiques et incantatoires. C'est dans ce sens qu'il composa Pour en finir avec le jugement de dieu pour la Radiodiffusion française en 1948, année de sa mort.
Toute l'élaboration de ce projet est présenté dans cette édition par de nombreuses notes, des lettres de l'auteur, des écrits préparatoires mais également par une belle préface d'Evelyne Grossman, permettant au lecteur de mieux comprendre d'une part la poésie vibrante et vivante d'Artaud et d'autre part le formidable malaise que suscita son oeuvre dans le petit monde respectable des notabilités parisiennes.
Peut-être aurait-il été judicieux de joindre au recueil un document audio de l'émission pour apprécier du mieux possible le génie rédempteur d'Antonin Artaud.
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Ce texte était à l'origine une émission radiophonique qui provoqua un petit scandale en son temps. Il y a chez Artaud à la fois du génie et de la folie, la preuve en est ce livre qui peut dérouter aux premiers abords.
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bien évidemment Artaud dans sa splendeur
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
LA RECHERCHE DE LA FECALITE

Là où ça sent la merde
ça sent l’être.
L’homme aurait très bien pu ne pas chier,
ne pas ouvrir la poche anale,
mais il a choisi de chier
comme il aurait choisi de vivre
au lieu de consentir à vivre mort.

C’est que pour ne pas faire caca,
il lui aurait fallu consentir
à ne pas être,
mais il n’a pas pu se résoudre à perdre
l’être,
c’est-à-dire à mourir vivant.

Il y a dans l’être
quelque chose de particulièrement tentant pour l’homme
et ce quelque chose est justement
LE CACA.
(Ici rugissements.)

Pour exister il suffit de se laisser aller à être,
mais pour vivre,
il faut être quelqu’un,
pour être quelqu’un,
il faut avoir un OS,
ne pas avoir peur de montrer l’os,
et de perdre la viande en passant.

L'homme a toujours mieux aimé la viande
que la terre des os
C'est qu'il n'y avait que de la terre et du bois
d'os,
et il lui a fallu gagner sa viande,
il n'y avait que du fer et du feu
et pas de merde,
et l'homme a eu peur de perdre la merde
et, pour cela, sacrifié le sang.

Pour avoir de la merde,
c'est-à-dire de la viande,
là où il n'y avait que du sang
et de la ferraille d'ossements
et où il n'y avait pas à gagner d'être
mais où il n'y avait qu'à perdre la vie.

o reche modo
to edire
di za
tau dari
do padera coco

Là, l'homme s'est retiré et il a fui.

Alors les bêtes l'ont mangé.

Ce ne fut pas un viol,
il s'est prêté à l'obscène repas.
Il y a trouvé du goût,
il a appris lui-même
à faire la bête
et à manger le rat
délicatement.

Et d'où vient cette abjection de la saleté ?

De ce que le monde n'est pas encore constitué,
ou de ce que l'homme n'a qu'une petite idée du monde
et qu'il veut éternellement la garder ?

Cela vient de ce que l'homme,
un beau jour,
a arrêté
l'idée du monde.

Deux routes s'offraient à lui :
celle de l'infini dehors,
celle de l'infini dedans.

Et il a choisi l'infime dedans.
Là où il n'y a qu'à presser
le rat,
la langue,
l'anus
ou le gland

Et dieu, dieu lui-même a pressé le mouvement,

Dieu est-il un être ?
s'il en est un c'est de la merde
s'il n'en est pas un
il n'est pas.
Or il n'est pas,
mais comme le vide qui avance avec toutes les formes
dont la représentation la plus parfaite
est la marche d'un groupe incalculable de morpions.

"Vous êtes fou, monsieur Artaud, et la messe?"

Je renie le baptême et la messe.
Il n'y a pas d'acte humain
qui, sur le plan érotique interne,
soit plus pernicieux que la descente
du soi-disant Jésus-christ
sur les autels.

On ne me croira pas
et je vois d'ici les haussements d'épaule du public
mais le nommé christ n'est autre que celui
qui en face du morpion dieu
a consenti à vivre sans corps,
alors qu'une armée d'hommes
descendue d'une croix,
où dieu croyait l'avoir depuis longtemps clouée,
s'est révolté,
et, bardée de fer,
de sang,
de feu, et d'ossements,
avance, invectivant l'Invisible
afin d'y finir le JUGEMENT DE DIEU.
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Ce qui est grave
est que nous savons
qu’après l’ordre
de ce monde
il y en a un autre.


Quel est-il?


Nous ne le savons pas.


Le nombre et l’ordre des suppositions possibles
dans ce domaine
est justement
l’infini!


Et qu’est-ce que l’infini?


Au juste nous ne le savons pas!


C’est un mot
dont nous nous servons
pour indiquer
l’ouverture
de notre conscience
vers la possibilité
démesurée,
inlassable et démesurée.


Et qu’est-ce au juste que la conscience?


Au juste nous ne le savons pas.


C’est le néant.


Un néant
dont nous nous servons
pour indiquer
quand nous ne savons pas quelque chose
de quel côté
nous ne le savons
et nous disons
alors
conscience,
du côté de la conscience,
mais il y a cent mille autres côtés.


Et alors?


Il semble que la conscience
soit en nous
liée
au désir sexuel
et à la faim;


mais elle pourrait
très bien
ne pas leur être
liée.


On dit,
on peut dire,
il y en a qui disent
que la conscience
est un appétit,
l’appétit de vivre;


et immédiatement
à côté de l’appétit de vivre,
c’est l’appétit de la nourriture
qui vient immédiatement à l’esprit;


comme s’il n’y avait pas des gens qui mangent
sans aucune espèce d’appétit;
et qui ont faim.


Car cela aussi
existe
d’avoir faim
sans appétit;


et alors?


Alors
l’espace de la possibilité
me fut un jour donné
comme un grand pet
que je ferai;
mais ni l’espace,
ni la possibilité,
je ne savais au juste ce que c’était,


et je n’éprouvais pas le besoin d’y penser,

c’étaient des mots
inventés pour définir des choses
qui existaient
ou n’existaient pas
en face de
l’urgence pressante
d’un besoin:
celui de supprimer l’idée,
l’idée et son mythe,
et de faire régner à la place
la manifestation tonnante
de cette explosive nécessité:
dilater le corps de ma nuit interne,


du néant interne
de mon moi


qui est nuit,
néant,
irréflexion,


mais qui est une explosive affirmation
qu’il y a
quelque chose
à quoi faire place:
mon corps.


Et vraiment
le réduire à ce gaz puant,
mon corps?
Dire que j’ai un corps
parce que j’ai un gaz puant
qui se forme
au dedans de moi?


Je ne sais pas
Mais
je sais que


l’espace,
le temps,
la dimension,
le devenir,
le futur,
l’avenir,
l’être,
le non-être,
le moi,
le pas moi,


ne sont rien pour moi;


mais il y a une chose
qui est quelque chose,
une seule chose
qui soit quelque chose,
et que je sens
à ce que ça veut
SORTIR:
la présence
de ma douleur
de corps,


la présence
menaçante,
jamais lassante
de mon
corps;


si fort qu’on me presse de questions
et que je nie toutes les questions,
il y a un point
où je me vois contraint
de dire non,


NON


alors
à la négation;


et ce point
c’est quand on me presse,


quand on me pressure
et qu’on me trait
jusqu’au départ
en moi
de la nourriture,
de ma nourriture
et de son lait,
et qu’est-ce qui reste?


Que je suis suffoqué;
et je ne sais pas si c’est une action
mais en me pressant ainsi de questions
jusqu’à l’absence
et au néant
de la question
on m’a pressé
jusqu’à la suffocation
en moi
de l’idée de corps
et d’être un corps,


et c’est alors que j’ai senti l’obscène


et que j’ai pété
de déraison
et d’excès
et de la révolte
de ma suffocation.


C’est qu’on me pressait
jusqu’à mon corps
et jusqu’au corps


et c’est alors
que j’ai tout fait éclater
parce qu’à mon corps
on ne touche jamais.
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Il y a dans l'être quelque chose de particulièrement
tentant pour l'homme et ce quelque chose est justement
le caca.
Là où il suffit d'être lâche,
vil,
veule,
c'est-à-dire d'être une tapette enculée
pour avoir le droit d'exister,
c'est là que l'homme va.
Dès qu'il faut y mettre une résistance ou une tenue,
il n'y a plus personne.
Dès qu'il faut être quelqu'un pour vivre,
l'homme se retire.
À y regarder de près,
il n'a su être que quelque chose
mais jamais quelqu'un,
pour être quelqu'un
il faut avoir un os,
ne pas avoir peur de montrer l'os,
et de perdre la viande en passant,
l'homme a toujours mieux aimé la viande
que la terre des os.
C'est qu'il n'y avait que de la terre et du bois d'os,
et il lui a fallu gagner sa viande,
il n'y avait que du fer et du feu
et pas de merde
et l'homme a eu peur de perdre la merde
ou plutôt il a désiré la merde
et pour cela sacrifié le sang.
(p. 143-144, in États préparatoires, II. La recherche de la fécalité)
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TUTUGURI
LE RITE DU SOLEIL NOIR


…Sur le déchirement d'un tambour et d'une trompette longue,
étrange,
les six hommes
qui étaient couchés,
roulés à ras de terre,
jaillissent successivement comme des tournesols,
non pas soleils
mais sols tournants,
des lotus d'eau,
et à chaque jaillissement
correspond le gong de plus en plus sombre
et rentré
du tambour
jusqu'à ce que tout à coup on voie arriver au grand galop,
avec une vitesse de vertige,
le dernier soleil,
le premier homme,
le cheval noir avec un
homme nu,
absolument nu
et vierge
sur lui.

Ayant bondi, ils avancent suivant des méandres
circulaires
et le cheval de viande saignante s'affole
et caracole sans arrêt
au faîte de son rocher
jusqu'à ce que les six hommes
aient achevé de cerner
complètement
les six croix.

Or, le ton majeur du Rite est justement
L'ABOLITION DE LA CROIX.

Ayant achevé de tourner
ils déplantent
les croix de terre
et l'homme nu
sur le cheval
arbore
un immense fer à cheval
qu'il a trempé dans une coupure de son sang.
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TUTUGURI
LE RITE DU SOLEIL NOIR


Et en bas, comme au bas de la pente amère,
cruellement désespérée du cœur,
s'ouvre le cercle des six croix,
très en bas,
comme encastré dans la terre mère,
désencastré de l'étreinte immonde de la mère
qui bave.

La terre de charbon noir
est le seul emplacement humide
dans cette fente de rocher.

Le Rite est que le nouveau soleil passe par sept points
avant d'éclater à l'orifice de la terre.

Et il y a six hommes,
un pour chaque soleil,
et un septième homme
qui est le soleil tout
cru
habillé de noir et de chair rouge.

Or, ce septième homme
est un cheval,
un cheval avec un homme qui le mène.
Mais c'est le cheval
qui est le soleil
et non l'homme.
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Vidéo de Antonin Artaud
Antonin ARTAUD – Témoignages (DOCUMENTAIRE with english subtitles, 1993) Les deux parties du documentaire "La Véritable Histoire d'Artaud le Mômo", par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, réalisées en 1993. Présences : Luciane Abiet, Jacqueline Adamov, André Berne-Joffroy, Annie Besnard-Faure, Gustav Bolin, Denise Colomb, Pierre Courtens, Alain Gheerbrant, Alfred Kern, Gervais Marchal, Domnine Milliex, Minouche Pastier, Henri Pichette, Marcel Piffret, Rolande Prevel, Marthe Robert, Jany Seiden de Ruy, Paule Thévenin et Henri Thomas.
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