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Critique de Fortuna


Cette biographie de Maurice G Dantec retrace son parcours, qu'on avait déjà en partie découvert dans « Périphériques » et les trois tomes de son journal. de sa jeunesse à Grenoble puis dans la banlieue parisienne des années 70, il reste marqué par cet univers urbain déshumanisé, ainsi que par l'engagement politique à gauche de sa famille communiste à laquelle il s'oppose par la suite. Il crée un groupe de punk-rock, découvre la science-fiction et la série noire, donc se positionne dès la jeunesse dans une culture de la subversion. Autodidacte, il se nourrit de manière pantagruélique de littérature, de philosophie, sciences pures, théologie et va jusqu'à la conversion religieuse au catholicisme.

Ses premiers romans ont beaucoup de succès, La Sirène rouge, Les Racines du mal, Babylon Babies, mais les problèmes, en particulier avec les éditeurs, vont commencer avec la parution de son journal métaphysique et polémique le Théâtre des opérations. Il y prend des positions qui ne sont pas appréciées par tout le monde en rupture avec la culture de gauche dont il est issu et dénonçant le système médiatico-culturel français. C'est à ce moment qu'il choisit de s'exiler au Québec avec femme et enfant et de devenir selon sa volonté « un écrivain américain de langue française ».

Hubert Artus nous propose quelques analyses enthousiastes et intéressantes d'une partie de l'oeuvre touffue de Dantec, celle qu'il considère comme lisible et géniale tout en renvoyant l'autre partie aux conséquences de l'abus de la drogue et aux excès médicamenteux. Or cette oeuvre forme bien une totalité, elle est le reflet d'une vision du monde qui a sa cohérence et surtout qui apporte des éléments de réflexion réels sur notre avenir malgré ses excès et ses inexactitudes. Même si parfois on a du mal à le suivre. Mais c'est sa liberté d'artiste, un artiste qui a brûlé toute son énergie dans sa création et qui a fini par en mourir. Pour lui, écrire avec son sang n'est pas un vain mot et c'est cette supériorité qu'on peut lui reconnaître.

Ses problèmes de santé aussi bien physiques que psychiques peuvent d'ailleurs bien expliquer certains aspects de son caractère. le livre de Artus manque de recul sur ces aspects, à la fois à cause de la mort très récente de l'auteur et sa personnalité qui a marqué les esprits par sa conversion au catholicisme, son anti islamisme, sa condamnation de l'Europe décadente, ses rapprochements supposés avec certains membres de l'extrême droite…Enfin si Hubert Artus a le bon goût de ne pas s'étendre sur la vie intime de Dantec – certainement pas le choix – toute la saga avec les éditeurs aurait pu être allégée. Ce qui importe c'est l'oeuvre qui est restée. Et cette oeuvre puissante, inclassable, aux frontières de la science-fiction, du roman d'aventure, du roman noir, de la quête spirituelle, marquée par la culture rock, les mutations urbaines du 20e siècle, les révolutions scientifiques, l'état de guerre permanent, hantée par le problème du Mal, parcourue de tableaux visionnaires de notre futur et d'un profond pessimisme à propos de l'humanité actuelle mais qui porte en elle son devenir, restera celle d'un grand écrivain. Un homme habité. Et je conclurais par le conseil que nous donne Hubert Artus dans son introduction : « Lisons et relisons ses livres. Lisons aussi sa vie. »Mais si on lit ses livres, on lit forcément sa vie. Et laissons-nous embarquer.

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