AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de christianebrody


Composée de deux tomes, LE MANDAT DU CIEL suivi de LE DRAGON A DEUX TÊTES, cette fresque historique est essentiellement axée sur la fameuse REFORME DES CENT JOURS et s'étend jusqu'à l'arrivée de Mao Zedong.

Nous sommes en 1886, l'empire du milieu souffre de mille maux. Incapable de s'affranchir d'une bureaucratie gangrénée par une corruption galopante, de mater les invasions répétées, les rebellions des différentes tribus, de faire face aux épidémies, à la pauvreté, à une explosion démographique, à une dégradation économique et sociale, Jiro Asada retrace les dernières années d'un empire et d'une dynastie aux abois.
Kouang-siu, neveu de Tseu-hi nommée régente jusqu'à sa majorité, comprend que ce vaste pays a besoin de réformes drastiques pour le sortir de l'inertie qui l'étrangle, jouer à armes égales face aux étrangers, le sauver de l'anarchie ou d'un soulèvement général. Il est à la tête d'une Chine littéralement coupée en deux, une Chine à deux vitesses.
L'intérieur des terres, toujours soumis aux règles édifiées trois siècles auparavant, peine à s'en sortir. Sa principale ressource économique, l'agriculture, ne peut plus supporter les lourds impôts que la capitale lui inflige. Sans support industriel, elle repose sur une paysannerie exsangue, malade, arriérée, engluée dans la servitude et une tradition séculaire certes très riche mais qui mène le pays à la ruine. Vivant en autarcie complète, elle souffre, s'essouffle et fait pale figure face aux terres du littoral.
Véritable état dans l'état, la région bénéficie des apports et échanges commerciaux, culturels, industriels, diplomatiques avec l'occident. Dotée d'une administration autonome, d'une armée forte, de moyens de transports et communications modernes, portée par le courant de l'époque, elle n'en reporte pas moins au palais. Comment un pays si riche, fort de 400.000.000 d'âmes a pu se figer ainsi?

Les règles établies trois cents ans auparavant l'ont sclérosé.
- Les terres appartiennent à de riches familles qui ne pratiquent pas forcément la redistribution des richesses avec la paysannerie. Réduite à des saignées de plus en plus violentes, à une terrible misère, ce petit monde qui compose le gros de la population active commence à gronder.
- La complexité des rouages gouvernementaux, la malhonnêteté des fonctionnaires, le recrutement basé sur la connaissance des Livres Classiques exempte de science, de technologies nouvelles, d'arts, momifient le pays entier.
- Les différentes guerres qu'elle a eu à livrer et qu'elle a perdu, l'ont mise à genoux. Ne possédant pas une armée ou une flotte puissante pour contre-carrer les puissances étrangères, l'occident lui impose des traités commerciaux humiliants, lui arrache des concessions portuaires assorties d'amendes colossales.
- La fermeture d'esprit talonnée par l'hostilité que la classe dirigeante ressent envers le reste du monde, le besoin viscéral de n'apporter aucune réforme qui pourrait un tant soit peu bouleverser l'ordre des choses, l'aliénation aux coutumes ancestrales, tout cela précipite un pays vers un chaos annoncé.

Le pays est à l'image des deux courants de pensée qui s'affronteront réglant leurs comptes dans le sang, la répression totale.
Kouang-siu attendra une bonne décennie avant de mettre en oeuvre sa réforme. Aidé par de jeunes lettrés conscients de l'urgence d'une telle entreprise, ils tenteront ensemble de modifier l'avenir de la Chine. Inspirés par le petit frère honni, le Japon, ils rêvent de connaitre leur ère Meiji, en faisant mieux, plus vite. Dans leur précipitation ils oublient que l'arrière garde, les ultra conservateurs menés par Tseu-hi, ne se séparera pas d'un pouvoir absolu hérité des dieux.

Jiro Asada met en scène deux personnages qui illustreront ce moment historique, Wen-sieou et Tchouen-yun. le premier, cadet d'une riche famille, dérangera l'ordre établi en réussissant à devenir un lettré; le second, petit ramasseur de crottin, soutien d'une famille trop pauvre, se résoudra à la mutilation pour échapper à un destin cruel. Grâce à eux et à la cohorte de personnages, pour la plupart historiques, nous découvrons une Chine dans son intimité. Entre les couloirs du pouvoir, le quotidien du petit peuple, splendeur et misère se côtoient. Il revient sur certains faits; la présence d'européens dés le XVII siècle, la naissance de ce pays, les rivalités entre les Han et les Mandchous, l'univers des eunuques et leurs fragiles existences, les croyances populaires, la notion de famille, les liens liants le peuple et l'empereur… Il dissèque pour notre plus grand bonheur tout un mode de vie. Récit minutieux mené tambour battant qui mélange allègrement réalité politique et sociale et légendes avec une galerie de portraits hauts en couleurs. LE ROMAN DE LA CITÉ INTERDITE tient beaucoup de la fresque cinématographique, il est très visuel. Très dense, bien documenté, son seul point faible est la cadence infernale que l'auteur a choisi. C'est un action pack book qu'aucun dialogue, précision historique ne parvient à ralentir. Tenue en haleine pendant plus de mille pages, j'en suis ressortie crevée.
Lien : http://www.immobiletrips.com..
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}