Je remercie Wil Asbo qui m'a sollicitée pour un service de presse sur son roman
Les Rêveries de Fayel…
Le héros éponyme, Bruno Fayel, est professeur de philosophie dans un lycée de banlieue au sein de l'académie de Créteil ; parmi ses auteurs préférés
Jean-Jacques Rousseau figure en bonne place à tel point que non content de l'enseigner à ses élèves avec enthousiasme et parfois des méthodes pédagogiques qui détonnent, il en arrive à partager avec cet auteur des Lumières de nombreuses postures comme l'attrait pour la nature et des relations parfois complexes avec ses contemporains…
Très tentée au départ par la promesse de ce bel univers référentiel rousseauiste, je dois avouer avoir eu finalement beaucoup de mal à entrer dans ce livre et dans le quotidien TRÉS (trop ?) détaillé des personnages.
Tout est matière à longues descriptions et analyses : la vie professionnelle, le quotidien du couple, les histoires de famille, les lieux, la sexualité, les menus, etc…. et même l'entrainement de rugby. J'ai donc préféré étaler ma lecture dans le temps, faire des pauses pour ne pas être tentée de sauter des pages.
De plus, l'écriture m'a paru un peu inégale avec un mélange d'expressions familières et de langage plus soutenu dans la narration omnisciente.
Quelques points positifs cependant…
J'ai apprécié le fil rouge des premières fois et de leurs significations profondes.
J'ai retrouvé des références, musicales notamment, que je partage même si elles sont peut-être un peu trop nombreuses dans le récit.
Naturellement, à un peu plus de la moitié du livre, le retournement de situation a été le bienvenu pour relancer mon intérêt. En effet, la situation amoureuse de ce cher Bruno Fayel commençait à me peser et ses questionnements, annoncés par la quatrième de couverture, malgré leur pertinence, s'avéraient un peu fastidieux tout de même : l'amour est-il plus fort que tout ? Mérite-t-il d'être vécu au-delà de tous les obstacles du quotidien ? La passion amoureuse peut-elle régir nos vies ? Comment hiérarchiser nos aspirations ?
Entre la vie rêvée et la vie réelle, les choix du personnage, que chaque lecteur ou lectrice interprètera selon son propre vécu, me paraissaient à la fois source d'agacement et d'ennui.
Enfin, je n'ai jamais perdu de vue l'ombre de
Jean-Jacques Rousseau, ombre planante, ombre pesante, ombre revendiquée et mise en avant par l'auteur…
Mes souvenirs de lecture oscillent entre grand intérêt et ennui ; en effet j'avoue, par exemple, ne jamais avoir lu en entier La nouvelle Héloïse, préférant souvent me référer aux résumés des lettres pour choisir celles que je devais étudier de près et me contentant de ce canevas pour l'ensemble de ce roman épistolaire… En fait, ma vision de Rousseau est uniquement scolaire ou universitaire ; ce n'est pas un écrivain que j'ai lu pour le plaisir. Je dois au Contrat social une excellente note de philosophie au
Bac (en 1976) et n'ai plus aujourd'hui qu'un vague souvenir des Confessions…
Des Rêveries d'un promeneur solitaire, j'ai retenu une écriture introspective et une grande sincérité à un moment crucial de la vie de leur auteur qui se sentait rejeté par ses contemporains et totalement incompris. Les rêveries de Rousseau sont un vrai examen de conscience
Dans
Les Rêveries de Fayel, le héros est certes en butte avec sa hiérarchie et l'inspection académique mais je n'y ai pas lu de commune mesure avec la retraite et l'oubli des hommes vécus par son modèle. de même, ses rapports avec les femmes ne sont pas toujours empreints de sincérité et, globalement, je l'ai plutôt perçu comme un personnage égocentré et égoïste, voulant sans cesse améliorer sa vie tout en rêvant de suivre ses impulsions. Rousseau était loin d'être parfait, mais sa philosophie du bonheur était empreinte de la mélancolie et du culte des souvenirs propres à son époque.
Le rapport à la nature est bien là, mais plus comme un décor où les protagonistes évoluent à plusieurs que comme cadre à des promenades solitaires.
Enfin l'écriture est loin de la prose poétique et lyrique de Rousseau…
Voilà une lecture dont je sors à la fois perplexe, me disant que je n'ai peut-être pas tout saisi, prisonnière d'un horizon d'attente présomptueux, et soulagée d'en être venue à bout.
D'une manière générale, j'ai souvent un ressenti mitigé devant les réécritures « à la manière de », surtout si je connais un peu l'oeuvre d'origine. Je préfère, de loin, les revisites originales.
Lien :
https://www.facebook.com/pir..