AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782204090735
125 pages
Le Cerf (09/04/2010)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Dans ce texte déroutant à bien des égards, Juan Asensio évoque l'une des figures les plus connues de l'imaginaire occidental : Judas. Cependant, ce livre n'est point une froide étude littéraire ou théologique qui se proposerait de relever quelques-unes des occurrences les plus marquantes du personnage de Judas dans les œuvres de Perutz, Claudel, Cadenne et de tant d'autres. En effet, la légende médiévale (et ses prolongements littéraires jusqu'à l'époque contemporai... >Voir plus
Que lire après La Chanson d'amour de Judas IscarioteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il vous faudra investir du temps et de la réflexion si vous ouvrez ce livre remarquable. En effet, vous prendrez du plaisir et de l'intérêt à le lire au moins deux fois : la première fois pour décrypter, la seconde pour vous étonner et apprécier cette curieuse prose, ce long cheminement, cette érudition aussi, qualités qui placent Juan Asensio au rang des écrivains qualifiés parfois d'hermétiques, souvent critiqués et jalousés, car bien peu d'auteurs (et de lecteurs) peuvent prétendre à d'aussi profondes connaissances variées, servies par une écriture baroque, tourmentée, riche en métaphores, parfois ahurissante tant les descriptions prennent l'allure d'hypotyposes (images vives qui semblent prendre vie sous vos yeux). Bref, vous tremblez, hésitez et palpitez avec l'auteur, au gré de son entreprise.

De quoi s'agit-il ? de Judas, a priori. Si le lecteur lambda connaissait peu ou prou Judas, il découvrira pratiquement tous les exégètes et romanciers qui ont tenté de dresser un portrait et une reconstitution historique du traître ; or Juan Asensio n'a pas économisé ses recherches ni ses critiques, en fournissant des explications et un éclairage nouveau fort pertinent. Mais le traître qui livra le Verbe, en dénonçant le fils de Dieu et de l'homme par sa parole délatrice, est le prétexte d'une longue réflexion sur l'exigence du véritable métier d'écrivain, sur le verbe, sur le mot qui est toujours mensonge en littérature, sur le langage qui trahit depuis toujours la Vérité intrinsèque et empêche d'atteindre l'Absolu. Cet absolu, c'est la réussite d'un chef-d'oeuvre, délivré du Dieu Argent et de toute cacophonie ou vanité personnelle, qui ne pourra aboutir qu'à la seule condition d'être trahi par celui qui s'exprime. Aussi le narrateur (qui apparaît protéiforme, en se glissant à la fois dans la peau de Judas et d'un "écrivain de la nuit") devra-t-il abandonner toute volonté d'être lui-même, au risque de se perdre, pour se dépouiller, se distinguer de tous les autres écrivains, qui le dénonceront probablement à leur tour, car eux n'ont pas trahi leur parole et ne peuvent donc point sauver la littérature décadente, menacée à tort ou à raison de mort certaine.

Judas pendu ou suicidé ? L'écrivain mettrait-il sa vie en danger, fixant comme Rimbaud des vertiges pour aller au-delà des mots et du langage ? Saura-t-il trahir sa parole, pour annoncer enfin "la bonne nouvelle", la bouche et le ventre gonflés de mensonges, fera-t-il le long voyage du bout de la Nuit - cette Nuit qu'il décrit de manière ineffable en lui dédiant une sorte d'hymne splendide (p. 117) - pour se retrouver dans le froid noir de la décomposition, sans amour et abandonné de tous ? le Christ sera-t-il à ses côtés pour l'aider à marcher et survivre ?

Un voyage initiatique, où l'auteur affronte le Bien comme le Mal pour sauver la Parole au péril de sa vie, où le croyant comme l'agnostique l'accompagnent et se reconnaissent parfois, au détour d'une phrase, un livre curieux dont on ressort, après lecture, plus grand et moins sot.

Juan Asensio étonne, intéresse, passionne.
Commenter  J’apprécie          32
Juan Asensio, l'écrivain de la nuit

L'écriture de Juan Asensio a une rare faculté d'ébranlement.
On ressort de la lecture de "La Chanson d'amour de Judas Iscariote" comme changé ; chargé de beauté et dépositaire d'un terrible témoignage.

Et l'on avance sous ce faix, aveuglé par une lumière crue, par ces mots comme autant de tessons de feu.

C'est une oeuvre peu commune : on ne sait par quel endroit la saisir et c'est ce qui en fait toute la richesse.

Ce livre ne s'explique pas, il se vit. Entre "livre" et "vivre", il n'y a qu'un pas ; seule une lettre de différence.

Il se peut que vous vous sentiez parfois tituber comme un homme saoul, grisé par le vin noir de ce verbe.

Toutes proportions gardées, ce livre m'a procuré des sensations analogues à celles éprouvées lors de mon entrée fébrile dans "La maison un dimanche" de Pierre Boutang ; livre d'ailleurs cher à l'auteur et auquel j'ai pu accéder grâce à la Zone.

Il y a de la colère dans ces pages, une colère qui gronde avec la voix de Job face à un ciel blanc comme une stèle de marbre.

"La Chanson d'amour de Judas Iscariote" ne nous donne aucune clef. Il n'en est d'ailleurs nul besoin : la porte peut s'ouvrir si nous le désirons.

Derrière ce seuil de nuit, se trouve un incendie : pour "comprendre" cette oeuvre, il faut accepter de s'y plonger corps et âme, quitte à roussir.

Il est des rencontres littéraires que l'on n'osait plus espérer.

Et voilà qu'au matin ou à la tombée du soir, on entrouvre la lumière contenue au sein des pages. On ne sait pas où l'on va mais on se laisse guider par la voix.

Ce livre déboussole l'âme. C'est un chant d'amour fiévreux, emmêlé comme des cheveux noyés de larmes.

L'amour, ce n'est pas que la pure bonté gratuite : c'est aussi la croix et le glaive.

Cet "écrivain de la nuit" a beaucoup à nous dire si nous nous donnons la peine de le lire.

Le monologue de Judas est proprement vertigineux et n'est pas sans m'évoquer celui proféré par Caïn dans "La plage de Scheveningen" de Paul Gadenne.

On pourrait réitérer la formule de Barbey d'Aurevilly dite à Huysmans : « Il ne vous reste plus logiquement que la bouche d'un pistolet ou les pieds de la croix. »

Mais l'auteur a déjà choisi, en faisant acte de parole.

Puissions-nous avoir la force d'écouter jusqu'au bout cette voix si singulière, cette parole de foudre et de nuit.

Car la parole éclaire tout autant qu'elle obscurcit.

© Thibault Marconnet
le 31 janvier 2013
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
Commenter  J’apprécie          90

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Écoutez-moi, voulez-vous que je les redise pour vous seuls, ces mots qui trottent dans mon crâne comme des bêtes de la nuit, tendez donc l'oreille dans ce cas, plus près voyons, plus près, de quoi avez-vous peur, regardez-moi, approchez-vous de moi, et regardez maintenant ces femmes et ces hommes qui n'en sont point, qui se taisent, qui ferment leurs yeux, leur bouche et leurs oreilles, regardez ces femmes et ces hommes qui en me jugeant, refusent de se juger, comme c'est facile n'est-ce pas ? Mon procès, mon jugement disent-ils en roulant des yeux, l'honneur retrouvé, le sang lavé et tant d'autres mensonges, la vérité qui sortira de mes entrailles éclatées et les tirera, croient-ils, vers la lumière la plus pure, c'est bien évidemment faux et, se trompant, sachant qu'ils se trompent, ils n'ont qu'une seule hâte, en finir avec l'accusation bien vivante que je représente à leurs yeux, cacher le scandale, arracher de ma bouche cette maudite langue qui n'en finit pas de remuer, c'est pourquoi ils me regardent, ils ne me voient pas car, s'ils me regardaient, ils me verraient et se verraient immédiatement, eux, ils m'entendent mais ne m'écoutent pas car, s'ils m'écoutaient, ils me verraient et écouteraient les mots qui ne demandent qu'à couler dans leurs veines vides, la foi est affaire d'oreille n'est-ce pas, c'est pour cela qu'ils refusent de m'écouter car, s'ils m'écoutaient, ils auraient la foi.
Commenter  J’apprécie          160

Videos de Juan Asensio (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Juan Asensio
Juan Asensio - Critique et mort de la littérature
Les plus populaires : Littérature française Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (10) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1219 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}