Comment survivre dans un monde absurde et pourtant si réel? C'est possible.
Nulle amertume dans ce récit, malgré les violences subies. de la vie. Des vivants. Personnages marginaux souvent, mais pas que... assurément bienveillants, inconditionnels, solidaires malgré les tragédies personnelles qui se confondent. L'écriture, la création, la poésie sauvent.
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L’enfance, troublée par l’incursion de l’adulte égaré, laisse place aux autres temps de la vie : une empreinte ici, une trace là, des douleurs tenaces, du désir enfin. Le partage de la réalité, crue sous tous les angles, apaise les tourments d’un silence imposé.
L’histoire de Zélie est somme toute banale. C’est celle de l’enfant pris dans l’univers qu’il va lui falloir conquérir, avant même de naître. Premières respirations hors du ventre maternel, premiers pas hors du giron familial, l’enfant se nourrit du tout près et, fort heureusement, du plus lointain. Les sensations s’enchaînent au gré des bruits, des mots, des gestes qui l’entourent au quotidien. Les filtres familiaux opèrent. Le sens n’a rien d’anecdotique, il se transmet inconsciemment puis se construit méticuleusement, tant bien que mal. La violence symbolique, peu perceptible d’emblée, se camoufle derrière l’humour, l’ironie, les non-dits. Elle se nie, elle imprègne, elle agit, elle entrave. Zélie témoigne des effets délétères de cette violence-là. Dans son monde, on se mélange, on se confond ; l’enfant est support, l’enfant est objet.
Lila avait vingt ans, elle se glissait dans sa vie d'adulte avec tourments et grâce. Elle aimait les histoires et en ferait son métier.
Son père, Théo, était un professeur réputé. Lila le craignait. Sa mère, Jeanne était insignifiante. Lila l'ignorait.
Lila avait quitté le foyer familial dès ses seize ans.
Elle avait obtenu non sans mal l'accord de ses parents pour aller vivre chez une tante à quelque deux cents kilomètres de là. C'était sa mère, qui, finalement, était parvenue à convaincre son père. Il est vrai qu'ayant surpris Théo prenant sa fille dans le lit conjugal, Jeanne se sentait menacée. L'évidence dévoilée, l'éloignement de la charmeuse devenait urgent.
Lila avait ainsi fait son trou chez Rillette, soeur de Théo, elle-même amante, dans son adolescence, de ce frère-monstre.
Zélie se saisit de l'absurde, par des élans bizarres et désespérés. Elle se promet désormais de décrypter les hiéroglyphes. Ceci fait, le reste devrait suivre. La solution est là, tenace croyance. Le père de sa meilleure amie lui confie ses cahiers d'enfant qui contiennent de précieux cours sur l'Egypte. Elle prend des notes, elle lit, elle s'essaie aux traductions. Elle se raccroche aux mythes.
Lila était une jeune fille charmante. Physiquement attractive, son seul défaut tenait à la longueur de ses pieds qui, bien souvent, la faisait chuter. Ils étaient beaux pourtant ses pieds. Fins, délicatement ourlés, deux pirogues malhabiles en territoire terrien.
La quête commence. Zélie développe une sensibilité à l'absurde qui lui permet de réaliser, douloureusement, à quel point l'existence est folle, à commencer par le discours des adultes.