Dangereuse Callisto est la première partie du recueil des premières nouvelles d'Isaac
Asimov (Early
Asimov). Découpé au départ en quatre livres chez Présence du Futur, Folio en a repris deux puis a réédité l'ensemble en un seul volume :
Période d'essai.
Voilà pour l'histoire éditoriale française (pas forcément la meilleure accroche pour une critique, lol).
Si les diverses nouvelles m'ont amusées, ce qui fait le vrai sel de ce volume c'est
Isaac Asimov lui-même racontant ses péripéties de jeune homme de 19-20 ans, entre 1937 et 1940, écrivant et tentant de publier ses nouvelles par goût, mais surtout pour pouvoir payer ses études.
Asimov a clairement ramé pour être publié. Sa chance a probablement été de taper dans l'oeil de John W.
Campbell qui était une sorte d'éditeur Graal en science-fiction. Une chance, car
Campbell n'a pas ménagé son poulain, lui refusant de nombreuses nouvelles et lui demandant de retravailler plusieurs fois celles qu'il acceptait. Il y avait des concurrents, bien sûr, moins exigeants, et
Asimov parvint à leur fourguer des écrits de moindre qualité, quoique cela peut se discuter.
J'ai appris à l'occasion de Clifford D.
Simak était un modèle pour
Asimov et que
Frederik Pohl était un de ses amis qui avait aussi été son agent.
Au détour de ses huit nouvelles on trouve que l'auteur a d'abord écrit selon la mode du temps, développant des vies foisonnantes voire intelligentes sur les planètes et satellites du système solaire (
Dangereuse Callisto, Une arme trop effroyable, le sens secret) alors qu'il savait déjà comment ces corps célestes étaient constitués. Il a aussi pas mal pratiqué l'humour (ça lui est toujours resté dans certaines nouvelles, ici Dans l'orbite du soleil et surtout L'inestimable trésor qui m'a carrément fait penser à Achille Talon).
Toutes ses nouvelles comportent, de façon centrale, un élément scientifique consistant ; je veux dire pas de désintégrateurs à protons mais du concret. D'où l'intérêt de
Campbell sans doute.
Asimov s'est même révélé un incroyable prophète en envisageant un premier vol circumlunaire vers 1973 (lui écrit qu'il s'est planté, moi je trouve ça très fortiche) et une deuxième guerre mondiale en 1940. Autre audace : imaginer dans son futur proche des États-Unis devenus obscurantistes religieux pourchassant les adeptes de la science comme des parias (On n'arrête pas le progrès). A 19 ans c'est ambitieux.
A cette époque, l'auteur fait intervenir des
civilisations extraterrestres dans ses récits. Cela m'a presque surpris, étant habitué à la galaxie de Trantor seulement peuplée d'humains. Ces extraterrestres sont cependant décevants sur le plan de la distanciation, dans la mesure où ils s'expriment et réagissent comme nous. Tout au plus
Asimov tente-t-il de les différencier sur le plan des sens (Le sens secret).
Et j'ai enfin eu l'explication de la raison de ces univers peuplés uniquement d'humains. C'est volontaire. Tout est venu de la nouvelle Homo Sol – qui montre une esquisse de la psychohistoire d'ailleurs – très appréciée par
Campbell dans la mesure où elle montre une humanité potentiellement supérieure aux autres espèces même si technologiquement inférieure, qu'
Asimov rapproche du sentiment de
Campbell que l'américain blanc est supérieur à tous autre humain.
Asimov ne partage pas cette vue et s'est dès lors refusé de montrer des extraterrestres en état obligatoire d'infériorité, simplement pour éviter les frictions avec son ami éditeur.
Un recueil riche en anecdotes.