Roman époustouflant et qui vous tient en haleine jusqu'au bout, «
Aussi riche que le roi » vous plonge dans la brutalité de la société marocaine des années 90.
On est tout de suite happé par la vitalité qui émane de Sarah, cette jeune française si pauvre qu'elle doit vivre à l'orée d'un bidonville de Casablanca avec sa mère qui se vend aux français du Cercle pour survivre. Mais sa pauvreté, elle la cache par fierté, plutôt marcher à pied que prendre le bus comme une fille du peuple. Ses efforts ne dupent personne sauf elle-même qui poursuit de grands rêves. Elle est sûre que sa beauté lui permettra d'accéder au mariage avec un homme riche, et elle vivra dans le quartier d'Anfa où s'élèvent les villas cossues des riches.
Parce qu'elle est française, Sarah fréquente le lycée français et côtoie cette jeunesse dorée. Sa beauté et sa débrouillardise lui ouvrent des portes jusque-là interdites.
Sarah s'est construite deux vies, celle de la fille cool et riche qui s'immisce parmi les gosses de riches et la Sarah des bidons villes où les gamins survivent en mendiant et en vendant de la drogue ou des cigarettes et où la violence est le quotidien des habitants. Cette vie de débrouillardise au jour le jour aurait pu continuer longtemps qu'il n'y avait eu Driss que les autres disent «
aussi riche que le roi ». C'est donc lui que Sarah doit séduire pour se faire épouser. « Je suis amoureuse de toi », c'est avec cette phrase qu'elle apprivoise le garçon riche mais timoré et décalé dans son monde. Il est aussi très laid avec une démarche de canard et ne s'intéresse qu'à sa moto et aux mécanismes de ses montres, mais Sarah ne retient que le vert de thym de ses yeux. Leur solitude va les rapprocher, et « le petit mari » comme l'appelle Monique la mère de Sarah, sera le seul à entrer dans le cercle de pauvreté de Sarah. Faisant fi des codes de la société et de la ségrégation qui fait loi entre les riches, les pauvres et les appartenances religieuses dans un régime autoritaire et policier, Driss et Sarah vont se mettre à rêver d'une autre vie, une vie libre comme une course en moto, et pourquoi pas une vie en Amérique.
Cette histoire est un contre moderne et cruel, le récit initiatique de deux enfants décalés qui n'auraient jamais dû se rencontrer et qui aspirent à une liberté dans une société codifiée et surveillée.
L'écriture, fluide, précise, restitue parfaitement l'agitation de la rue, ses odeurs, la saleté, en contraste avec le jardin de la villa de la famille de Driss, monde luxueux et fermé. On s'attache à Sarah et Driss et leurs amis et on se laisse bousculer par ce monde de contrastes aux parfums de merguez, de kif et de Giorgio Armani ou l'injustice sociale n'a jamais été aussi poignante.
Une lecture addictive pour un premier roman maitrisé.