L'homme de l'art : D.H. Kahnweiler 1884-1979

C'est en lisant le dernier ouvrage d'Anne Sinclair, qui retrace la carrière de son grand-père Paul Rosenberg, que je mesure aujourd'hui combien j'avais apprécié le vrai talent de biographe de Pierre Assouline, avec cette histoire de marchand d'art éclairé et qui fut pour moi éclairante.
Alors qu'admirer de plus : le talent de l'auteur ou la fulgurance du personnage? En tous cas, ce livre est un incontournable pour quiconque se targue d'apprécier la peinture française à sa plus grande époque.

Si j'ai aimé cette biographie d'un homme qui a traversé l'ensemble du 20ème siècle par tout ce qu'elle m'a permis d'apprendre sur l'histoire de l'Art, et du cubisme en particulier, j'ai eu beaucoup de mal avec le style de l'auteur: des faits, des dates... rien que des faits et des dates et, hormis quelques allusions à l'épouse vénérée de ce marchand d'art, aucune anecdote personnelle pouvant alléger le propos.

Une mine d'informations passionnantes donc, que j'aimerais retenir pour être incollable sur le Cubisme et ses peintres (Picasso, Braque, Léger et Gris, en particulier), mais dont j'ai peiné à atteindre la fin, tant l'écriture (sans parler des innombrables coquilles qui jalonnent la première partie de l'édition Folio) et le style m'ont semblé trop purement informatifs.

Il faut bien 500 pages pour retracer l'histoire de celui qui a révélé au grand public le cubisme et qui s'est fait le défenseur de la peinture moderne au début du XXe siècle.
Issu de la petite bourgeoisie allemande, Kahnweiler arrive à Paris en 1907. Il y ouvre une modeste galerie de peinture. Son regard sûr et sa curiosité l'amènent à exposer les toiles de jeune gens qui vont bouleverser l'histoire de l'art. Peu de monde les connaît alors, ils s'appellent Picasso, Vlaminck, Braque, Léger, Gris ou Derain.
En dépit des deux guerres qui ne l'épargneront guère (il s'exile pendant la 1ère et sera spolié lors de la 2nde), des crises économiques et d'une concurrence farouche, sa vie durant, Kahnweiler portera avec constance une certaine idée et éthique de la peinture : un dégout de l'ornementation et du décorum, des contrats d'exclusivité avec « ses » peintres, un rejet des soi-disant experts du milieu de l'art.
Basée sur l'exploitation des archives du galeriste, cette biographie retrace non seulement le parcours d'un homme unique en son genre, mais elle saisit également plusieurs moments clés de l'art contemporain tout en gardant une grande rigueur intellectuelle et une certaine distance avec son objet d'étude.

Peu à dire sur ce livre que j'ai abandonné par ennui à la 2ème partie. C'est pourtant avec grand intérêt et plaisir que j'ai déjà lu nombre de livres tant historiques que biographiques d'Assouline. Pourtant, là, son livre sur Kahnweiler m'est tombé des mains !
Comme le dit sans doute très justement Assouline dans sa préface, il n'est pas un spécialiste de l'art, il a basé sa biographie sur l'impressionnante correspondance de Kahnweiler qu'il entretenait chaque matin avec ses nombreux correspondants. La biographie d'Assouline est donc une suite d'événements de la vie du marchand, de brefs avis sur les artistes et autres marchands ou acheteurs qu'il rencontrait. Kahnweiler ne développant dans sa correspondance pas de théorie sur les choix d'artistes qu'il aura soutenus - si ce n'est son intuition et son goût personnel. Cette suite de faits quotidiens est vite sans intérêt - en tous cas pour moi.
Par ailleurs, Assouline ne se risque pas non plus à présenter et développer les diverses écoles artistiques de cette époque foisonnante, les peintres avec leurs caractéristiques et personnalité, les motifs pour lesquelles Kahnweiler aura défendu tels mouvements d'art et tels artistes dans sa galerie : fauvisme, cubisme, Picasso. Et en quoi les autres marchands d'art auraient été moins "purs" que lui qui se présentait comme très élitiste, comme le seul qui savait où était l'art et le vrai.
Une biographie plus courte et surtout moins détaillée aurait sans doute été tout aussi informative. Je reste sur ma faim, j'aurais bien aimé connaître la suite de la vie de Kahnweiler mais ...

Il y a quelques années j'ai eu un véritable coup de coeur pour cette biographie consacrée à Daniel-Henri Kahnweiler et je tenais à en faire part sur Babelio. L'ouvrage de Pierre Assouline est captivant et se lit comme un roman. Pour ceux qui se passionnent pour l'histoire de l'art moderne cette lecture est indispensable: grâce au talent de l'auteur on revit l'époque mythique du Bateau Lavoir d'un Montmartre avant 1914 où se côtoyèrent les pères du cubisme George Braque, Juan Gris et Pablo Picasso. La vie de Kahnweiler ressemble elle-même à un roman. A cause de origine allemande et bien qu'il ait désobéi à l'ordre de mobilisation de l'armée allemande, le célèbre marchand d'art subit une avanie en 1914 (ses tableaux sont saisis) mais il sut rebondir. En effet, dès 1921 il s'installe à Boulogne-sur-Seine avec sa femme Louise où tous les dimanches, dans une sorte de salon mondain, se côtoient le peintre Juan Gris mais aussi quantité d'écrivains comme Antonin Artaud, le poète comme Max Jacob qui lui présente André Malraux et sa femme Clara, le compositeur Erick Satie ou encore bien d'autres. Cette biographie nous retrace avec une foule de détails l'aventure que fut la vie de ce célèbre marchand d'art et nous incite à revoir les tableaux des artistes que Kahnweiler a largement contribué à rendre célèbre.