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Critique de SeriallectriceSV


Lutetia, c'est la petite histoire dans la grande Histoire. le narrateur, Edouard Kiefer, personnage attachant, un Don Quichotte au coeur pur et chargé de sécurité, fait revivre l'histoire de ce grand palace parisien de la rive gauche, l'hôtel Lutetia, et plonge ainsi le lecteur dans l'Histoire de la France, celle de Paris particulièrement, du milieu des années trente à la libération en 1945. Les années douces céderont la place à l'Occupation et à la trahison « des Allemands bien nazis avaient réinventé cette criminelle ineptie qui consiste à faire d'une religion une race, et voilà que des Français bien français leur emboîtaient le pas ». En 1945, à la Libération, le Lutetia sera réquisitionné cette fois-ci pour accueillir déportés et rapatriés.
« Les prisonniers de guerre et les requis du travail obligatoire étaient des individus en pleine santé. Les déportés, des morts-vivants. Les premiers étaient des hommes. Les seconds des hommes, des femmes, des enfants. Pour ne rien dire de l'autre souffrance, celle qui ne frappe pas nécessairement les regards, celle qui ne provoque pas la gêne ni la honte, celle devant laquelle on ne baisse pas les yeux, la souffrance psychique. »

Ainsi, au Lutetia, dans les mêmes salons, entre les mêmes murs, sous le regard du même personnel, les pro Hitler vont succéder aux émigrés anti Hitler (les comités Lutetia). Ils céderont, in fine, leur place aux exilés revenus des camps (le Dienststelle Lutetia, le Service Lutetia)... et devant les portes, les chaussures moches mais précieuses succéderont, avec beaucoup de naturel et de spontanéité, aux Oxford noires et aux Brogues brunes d'avant guerre, et aux bottes de cavalerie de l'Occupation.

« Il était écrit que l'histoire d'un hôtel pouvait s'écrire à la simple vision de ses souliers, et à l'évocation de ses fantômes. »
Le nom de ce palace sera associé à son insu à une société secrète ou à une organisation subversive. « La presse ou le ministère de la propagande y évoquaient le travail de sape des émigrés parisiens, ils les nommaient les "comités Lutetia". le George V abritait quant à lui les réunions du très officiel comité France-Allemagne, lequel recevait von Ribbentrop à déjeuner. »

D'illustres clients franchirent les portes du Lutetia : Willy Brandt, Heinrich Mann « Ni l'un n'étaient communistes mais l'un croyait à la vérité des procès de Moscou quand l'autre voulait encore aider les forces saines de l'Union soviétique » , James Joyce « Ça va, monsieur Joyce ? - J'écoute mes cheveux blanchir...», ou encore le général De Gaulle « sanglé dans son uniforme de chef de guerre et non dans l'uniforme civil de sous-secrétaire d'Etat à la Guerre. Pas pour jouir du grade mais pour marquer la hiérarchie. [...] Inouïe, la présence de cet homme. Il occupait tant l'espace que, même immobile, il se l'appropriait. Il eut alors cette parole historique : « Ma note, je vous prie. » », ... et bien d'autres encore.

« À force de se fixer l'obéissance comme horizon moral, on en vient à abdiquer toute responsabilité. Reste à rencontrer la personne, à buter sur l'événement ou à glisser sur le grain de sable qui vous font envisager la désobéissance comme un devoir. Agir en conscience ? »

J'ai particulièrement apprécié vivre la période d'avant-guerre. Pierre Assouline manie les mots avec tellement de talent que c'est à un véritable voyage dans le passé auquel le lecteur est invité.
En fond sonore les airs de Jean Sablon, Charles Trenet, Cora Vaucaire, Berthe Sylva..., un cristal de champagne à la main et le doux voyage dans le temps d'avant-guerre se concrétise, sublime et enivrant pour notre plus grand plaisir !

Lutetia, c'est aussi une histoire d'amour entre ce passionnant narrateur, Edouard Kiefer, et N***, son amie d'enfance.

Dense, d'une grande richesse, non dénué d'humour, au ton souvent acerbe pour décrire l'humain...

Une lecture fascinante et très instructive qui occupe l'esprit bien longtemps après la dernière page tournée, et convie à approfondir certaines idées, sujets évoqués, et à quelles recherches sur la toile. J'adore !

Sigmarigen a ouvert le bal, Lutetia n'est pas prêt de fermer la marche.
Merci Monsieur Assouline.

« le 1er septembre 1939, je me souviens qu'il était 10h30 quand la TSF annonça la mobilisation générale et l'état de siège. A l'aube de ce même jour, les troupes de la Wehrmacht avaient envahi la Pologne. le surlendemain, à 17 heures, la France se déclara en guerre avec l'Allemagne. Curieux comme on se souvient pas toujours des dates, mais plus souvent des heures. Les dates sont bonnes pour les historiens, elles s'adressent à la mémoire et à l'intelligence, quand les heures font appel à notre sensibilité et à notre émotion. Seuls les instants demeurent inoubliables. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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