Sur Staline

Voilà un homme qui meurt, adoré de millions d'hommes, craint et haï de millions d'autres. Les uns allaient au combat se faire tuer avec son image sur la poitrine, les autres dans des camps ou des logements n'osaient même plus évoquer son nom et sa puissance qui pouvait à chaque instant les priver de vie ou de liberté. Il meurt, idole vénérée ou blasphémée. Et le sentiment qui prévaut est la consternation, l'égarement, parce que disparait une clef de voûte qui tient un monde en place. Natacha l'émigrée balte monte chez moi ce jour-là, à Paris. Elle n'a eu pour lui depuis dix ans que des paroles de haine. Elle se jette sur mon lit et pleure. Comme je m'étonne elle dit : "Que va devenír ma Russie ?..."

Staline a eu trois enfants. Son fils Jacob -le fils de Catherine- était très beau, aimé de chacun. A peine sorti de l'adolescence, il tente de se suicider. Son père ne le lui pardonne pas, refuse de le voir : un fils de Staline ne fait pas cela. En juillet I941, Jacob est parti colonel son régiment est emporté en Biélorussie par la vague allemande. Il est prisonnier. En I943, Hitler fait proposer d'échanger Jacob Staline contre Von Paulus, le maréchal vaincu. Staline refuse. Les uns y voit la grandeur romaine, les autres le comportement d'un père sans pitié. Jacob disparaît, on ne retrouvera ni le corps, ni la trace.