A partir de la question habituelle de certains débuts de conversation : « Qu'est-ce que tu deviens ? », de la formule : « Connais-toi toi-même » inscrite sur le fronton du temple de Delphes, de la recommandation de Pindare : « Puisses-tu, ayant acquis des connaissances, devenir tel que tu es », et de l'aphorisme de
Nietzsche extrait du Gai Savoir : « Que dit ta conscience ? –‘'Tu dois devenir celui que tu es.'' », l'auteur déroule ses réflexions pour en tirer toutes les conséquences philosophiques et existentielles.
Le sommaire est le suivant :
Prologue : « Qu'est-ce que tu deviens ? »
1. Apparaître dans toute sa gloire
2. Tenir le milieu
3. Comment l'on devient ce que l'on est
4. le moi doit advenir
5. Prendre le pouvoir sur sa vie
6. Sujétion et subjectivation
7. L'individuation comme problème
Épilogue : Une vie
Dans le prologue, l'auteur part de la question de début de conversation "Qu'est-ce que tu deviens" pour montrer que c'est une question objectivante, coercitive, voire stupide sur le plan de la vérité, comme si un individu pouvait être enfermé dans quelques définitions trop succinctes et insuffisantes du style "je suis ça ou ça".
Dans le chapitre 1 il est question de la formule de Pindare « Puisses-tu, ayant acquis des connaissances, devenir tel que tu es ». La connaissance est une victoire sur soi, une élévation au-dessus de soi-même et en même temps une affirmation et une confirmation de ce que l'on est.
Le chapitre 2 est un survol historique des philosophies stoïciennes, épicuriennes, chrétiennes, humanistes. L'exigence initiale de perfection ou d'élévation de soi peut déboucher sur une forme de sagesse du juste milieu jusqu'à courir le risque de tomber dans la médiocrité en n'étant que soi-même. L'homme libéré du carcan religieux peut repartir à la conquête de lui-même comme l'illustre l'extrait suivant : "L'hybridité de l'homme restera pour le Zarathoustra de
Nietzsche la dangereuse condition sous laquelle un autodépassement est possible : « L'homme est une corde tendue entre l'animal et le surhumain – une corde par-dessus un abîme. »
Dans le chapitre 3 il est essentiellement question de
Nietzsche et du "Deviens ce que tu es". Critique à l'égard du christianisme, de l'idéalisme, des valeurs de renoncement de la société moderne qui incite les humains à pousser en troupeau,
Nietzsche souhaite l'apparition d'un homme nouveau, libre, anticonformiste, méfiant, sceptique, courageux, créateur :
"Sans cesse
Nietzsche répétera que ce n'est pas en nous qu'il faut chercher le moi, mais loin au-dessus de nous. Nous sommes à nous-mêmes notre propre tâche, notre propre oeuvre, notre propre création. Tel l'homme grec, tel encore l'homme renaissant, l'homme
nietzschéen est le sculpteur de lui-même."
Dans le chapitre 4 "Le moi doit advenir", l'auteur montre les affinités entre la pensée et la critique freudienne de la société et celles de
Nietzsche.
Freud guérit l'homme névrosé en renforçant le Moi contre le ça alors que
Nietzsche défend le Soi qui s'appuie justement sur les pulsions, les instincts, les forces qui nous poussent à nous affirmer.
Nietzsche invite à " danser dans ses chaînes ", à mettre de l'innocence dans la puissance du devenir. La psychanalyse croit au langage,
Nietzsche se méfie du langage qui risque d'enfermer.
Dans le chapitre 5 « Prendre le pouvoir sur sa vie » l'auteur nous dit que l'homme d'aujourd'hui vit dans une société sans tabous où la sublimation freudienne n'a presque plus court. L'individu est " condamné à participer au grand bal économique, c'est-à-dire au cercle éternellement mourant de la production et de la consommation qu'il fait tourner tel un hamster dans sa roue."
Rappel à
Nietzsche qui affirme en point d'orgue : « La haute culture ressemblera à une danse audacieuse : c'est pourquoi, comme je l'ai dit, beaucoup de force et d'agilité sont nécessaires ».
Dans le chapitre 6 "Sujétion et subjectivation", il est beaucoup question de
Michel Foucault et de ses réflexions sur le pouvoir de sujétion de la société sur l'homme et sur les conditions de réappropriation de sa liberté par l'individu., être de désir. Pouvoir et contre-pouvoir, autonomie contre hétéronomie, des courants de forces antagonistes traversent la société.
Dans le chapitre 7 "L'individuation comme problème", synthèse du livre, on s'oriente vers une sorte de morale existentielle pour surmonter les contradictions entre l'être stable et le devenir instable. Comment concilier le fait que l'individu cherche à la fois à "persévérer dans son être" pour reprendre la formule de
Spinoza et aspire à ce dépassement de soi porté pas cette énergie vitale, cette volonté de puissance ? L'individu est d'abord un acte. Il est constamment en devenir, il se crée à chaque instant, il n'est pas une essence figée une fois pour toutes. L'individu est à la fois la somme de tout ce qu'il a fait et pensé dans le passé mais aussi la somme de tout ce qu'il n'a pas fait, de tout ce à quoi qui il a renoncé, de tout ce qu'il a oublié. L'homme est engagé dans la vie; A la limite, ce n'est qu'au moment de notre mort que nous pourrons dire que nous sommes devenu ce que nous sommes. A cet instant, nous serons de façon définitive la somme définitive et stable de tout ce que nous avons incarné et, en creux, tout ce que nous n'avons pas incarné.