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Jean Bourdier (Traducteur)
EAN : 9782253144908
410 pages
Le Livre de Poche (01/09/1998)
3.89/5   482 notes
Résumé :
Dès l'instant précis de sa conception, une nuit de 1951, la petite Ruby Lennox a commencé à voir, à comprendre, à sentir. En particulier, elle sait qu'on se serait bien passé d'elle... Et la voilà qui entreprend de nous raconter, avec un humour et une lucidité féroces, dévastateurs, son histoire, celle de ses parents George et Bunty, petits boutiquiers d'York, de ses sœurs, de toute une famille anglaise moyenne - mais assurément pas ordinaire. Mieux encore : Ruby re... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (51) Voir plus Ajouter une critique
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"Comment se peut-il que la vie soit si douce et si triste à la fois ? Comment ?"

En vous plongeant dans "Les coulisses du musée", premier roman de Kate Atkinson, ne vous attendez pas à découvrir l'envers du décor de la Tate Gallery ou de la National Gallery. Vous en serez pour vos frais. Le musée que l'auteur vous propose d'explorer n'est ni plus ni moins que le passé, ce vaste domaine où errent les souvenirs, bons ou douloureux, les regrets et les morts.

Roman généalogique que je vois un peu comme l'homologue anglais des inégalables "Cent ans de solitude" de Garcia Marquez, "Dans les coulisses du musée" nous transporte à York, dans le nord de l'Angleterre, dans les années 50, au cœur du "home sweet home" de Bunty. Ledit foyer se situe au-dessus de la boutique d'animaux que tient George, le "homme sweet homme" de ladite Bunty qu'elle ne peut souffrir et qu'elle a épousé en désespoir de cause après avoir perdu deux fiancés à la guerre. De l'union de Bunty et de George naît successivement un certain nombre de filles dont Ruby, la narratrice, que nous suivons pas à pas depuis sa conception jusqu'à l'âge adulte, avec un focus tout particulier sur son enfance.

Dans un style très humoristique, Ruby déroule essentiellement la narration de sa vie et de celle de sa mère, deux existences faites d'opposition et d'incompréhension, de secrets et d'espoirs déchus. Et tout le talent de l'auteur est de nous livrer un roman terriblement humain et dramatique sur le ton léger des chroniques familiales, souvent ridicules, parfois touchantes.

A travers le récit de Ruby apparaissent de très nombreux autres personnages : soeurs, aïeules, tantes, oncles... des figures aux destins contrariés et banals. Il est très facile de s'identifier à tel ou tel personnage, les parcours des membres des familles Barker et Lennox se suivent avec plaisir.

Finalement, en seulement 400 pages, c'est à un incroyable voyage dans le temps que nous participons, nous attachant aux personnages ou les détestant, nous étonnant de moeurs si proches de nous dans le temps mais si éloignées par leur nature et leurs répercussions sur la vie d'êtres guère différents de nos parents et grands-parents.

"Dans les coulisses du musée" est depuis vingt ans un très grand succès de librairie outre-Manche et on ne peut s'en étonner.


Challenge MULTI-DÉFIS 2017
Pioche dans ma PAL février 2017
Challenge ATOUT PRIX 2016 - 2017
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Pas d'institution muséale dans ce roman, mais plutôt une incursion de « le placard du passé », celui qui cache les souvenirs et garde les secrets.

C'est l'histoire d'une famille anglaise tout au long du XXe siècle, une histoire tortueuse qui se répète de génération en génération… comme si en plus de leurs cheveux bouclés, les enfants héritaient aussi des malheurs de leurs ancêtres.

Ce sont des femmes qui disparaissent, des mères qui en ont assez de leur existence, des soeurs décédées, des moments racontés tantôt par les yeux de la fillette qui les subit, tantôt dans des « annexes » qui narrent des événements plus anciens.

Pas beaucoup d'affection et de tendresse dans ce milieu, mais parfois des émois amoureux et des élans du coeur, des espoirs et des déceptions.
Si les femmes y sont malmenées par le sort, les hommes y sont plutôt navrants, buveurs et trousseurs de jupons. Les seules figures masculines vraiment attirantes sont les héros de guerre, des héros morts, bien sûr…

Avec un humour en demi-teinte, un brin ironique ou cynique, un bon roman britannique…
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Je suis une fan de Kate Atkinson et je n'avais jamais lu son premier roman, Dans les coulisses du Musée... C'est maintenant chose faite, et je n'en reviens toujours pas qu'il s'agisse d'un premier roman ! Tout est déjà là, tout ce que j'aime chez cette auteure. Dans les treize chapitres, Ruby va nous raconter sa vie à la première personne, dès sa conception en 1951 jusqu'à peu de temps après la mort de sa mère, en 1992. En revanche, dans les douze annexes qui viennent s'intercaler entre les chapitres, un narrateur omniscient va nous entraîner sur une ligne temporelle brisée, nous présentant dans le désordre les trois générations qui précèdent celle de Ruby. On restera beaucoup en compagnie des femmes : Ruby et ses soeurs, Patricia et Gillian ; leur mère, Bunty ; leur grand-mère, Nell ; leur arrière-grand-mère, Alice. Comme toujours chez Kate Atkinson, le passé vient éclairer le présent ; les blessures, les peurs, les ratages s'expliquent et font sens, dans une sorte de continuité, un fatalisme dont il est bien difficile de s'extraire. Chaque génération s'épuise à devoir porter sur ses épaules le poids des secrets de la génération précédente. Dans ce roman, les hommes n'ont pas le beau rôle. Je devrais plutôt dire, les maris n'ont pas le beau rôle… parce que les frères, les cousins et certains des fiancés sont sympas. En fait, avant le mariage, les hommes ont plein de qualités, c'est après que ça se gâte… Comme toujours aussi, Kate Atkinson joue avec son lecteur : par exemple, elle lui annonce très rapidement (p. 20) que Gillian va mourir écrasée ; elle lui donne même la marque et l'année de la voiture, mais il faudra attendre la toute fin du livre pour avoir de fracassantes et gênantes révélations sur cette soeur de Ruby et sur son rôle dans les événements qui ont traumatisé toute la famille. Cette auteure balade son lecteur, l'induit en erreur, lui révèle certains éléments qu'elle lui présente comme très importants, mais lui en cache d'autres autrement cruciaux. Les romans de Kate Atkinson vont loin dans la psychologie des personnages, posent des questions importantes, font réfléchir aux priorités. Et comme un vrai cadeau, en plus, ils sont drôles ! J'ai ri aux éclats à la description de la mort de l'un des personnages, de ce rire qui fait un peu honte (oh, je n'aurais pas dû rire : il est mort !), mais que je suis incapable de réprimer… J'adore les romans de Kate Atkinson, et je ne les ai pas encore tous lus. Yes !
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Quelle réussite dans ce fourre-tout littéraire ou dans ce « placard aux souvenirs » comme dit l'auteure. On y trouve de tout, l'Histoire anglaise d'abord de 1888 à 1992, au prisme des heurs et (surtout) malheurs de la famille de Ruby, la narratrice. Vous pensez bien qu'une famille ordinaire ne traverse pas deux guerres mondiales sans chagrins. Des objets ensuite, de petits objets mémoriels, témoins lointains de l'histoire de cette famille : la pendule de l'arrière-grand-mère, un médaillon, une patte de lapin et trois photos : Alice en 1888, seule, alors qu'elle est enceinte de Nell son septième enfant, une autre avec ses enfants et une dernière qui concerne l'équipe de football dans laquelle opérait Albert un des frères de Nell, la grand-mère de Ruby au tournant de 1910.
Ces objets, sans valeur marchande comme il y en a tant dans presque toutes les familles, Kate Atkinson leur donne le pouvoir de réveiller sa mémoire en faisant revivre tous ses chers (et même moins chers) disparus et en dépoussiérant la mémoire familiale qui, pour être officielle, n'en est pas moins, parfois, amnésique, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas très convenable. Vous, je ne sais pas, mais moi les objets mémoriels ça me parle. Par exemple, je n'utilise qu'une seule marque de dentifrice. Je ne sais pas ce qu'elle vaut vraiment mais c'était celle qu'utilisait mon père disparu il y a quarante ans. C'est stupide mais c'est un lien qui fonctionne, trois fois par jour, et que je ne saurais rompre. Pardonnez cet aparté et repartons « Dans les coulisses du Musée » où Ruby, fine mouche, s'aperçoit que les deux photos d'Alice ne sont pas du tout ressemblantes, ce qui permet à Bunty de préciser que sur la deuxième photo, ce n'est pas Alice mais Rachel avec les enfants d'Alice. Qui est Rachel, pourquoi Rachel, comment ? Aurais-je piqué votre curiosité ?...dans toutes les bonnes librairies.
De nombreux drames familiaux, souvent décrits avec beaucoup de détachement par les yeux de l'enfant qu'était Ruby, émaillent un récit très émouvant, en particulier lors des deux guerres mondiales. Cela n'empêche pas les portraits de famille d'être souvent peints avec une ironie féroce, les deux principales victimes de l'esprit caustique de Ruby étant ses propres parents George et Berenice, surnommée « Bunty ». Parfois, la petite histoire familiale percute avec une furieuse drôlerie celle de l'Angleterre. le couronnement d'Elisabeth en 1953, suivi à la télévision acquise pour l'occasion, et la victoire en Coupe du Monde de football en 1966, le jour du mariage de l'oncle Ted, donnent lieu à deux scènes d'anthologie. On flirte avec les Monty Python car évidemment, c'était une très mauvaise idée de programmer un mariage le jour où Wembley accueillait la finale de la CDM. George l'avait bien senti comme le démontre cette conversation avec Bunty…
« _ le mariage ? fait George visiblement perdu. Quel mariage ?
_ Celui de Ted, bien sûr. de Ted et Sandra.
_ Ted ?
_ Oui, Ted, mon frère.
Le regard de George restant aussi vide, elle continue charitablement:
_ Ted et Sandra. Ils se marient samedi. Ne me dis pas que tu avais oublié ?
_ Ce samedi ? Mais…
George semble frappé du haut mal. Il bredouille un moment puis s'exclame:
Ils ne peuvent pas se marier samedi ! C'est la finale de la Coupe du Monde…»
… Une tellement mauvaise idée que trois jours plus tard, on célèbrera, en plus de la victoire anglaise, un enterrement… Pensez simplement à ce que peut faire un écrivain de talent avec un mariage où les femmes ne rêvent que de danser et les hommes de s'agglutiner devant un poste de télé ! Je n'en dis pas plus, sinon que ce chapitre, intitulé « un beau mariage », est un des plus drôles que j'ai jamais lus.
Quelle formidable chronique familiale chargée d'émotion et pleine d'humour ! J'ai vraiment hâte de partir à la découverte des autres romans de Kate Atkinson.
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Je ne prends pas le risque d'écrire longuement sur ma relecture de ce roman ..
Ouf, vont dire certains:):)
Mais c'est surtout parce que mon commentaire va s'évaporer , et partir, c'est normal, dans le placard des objets perdus, qui a une valeur hautement symbolique dans ce roman, puisque c'est là que l'on retrouve tous les objets égarés par plusieurs générations.
L'humour décapant de Kate Atkinson m'a encore réjouie..C'est le principal. Et je ne peux que conseiller , dans des moments de déprime, de lire Kate Atkinson.
Dans ce roman,la plupart des gens prennent de mauvaises décisions au moment d'orienter leurs existences, ceux que les circonstances ont séparés se retrouvent rarement et beaucoup sont obsédés par l'idée de s'être « trompés de vie ».Ben oui. That's life. Il y a des moments dramatiques, dans ce roman, la pauvre Ruby n'en finit pas d'y perdre ses soeurs, mais le talent de Kate Atkinson fait que tout de suite elle coupe court aux émotions qu'elle a elle-même créées, comme pour nous dire qu'on peut- et doit- rire de tout...

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Citations et extraits (44) Voir plus Ajouter une citation
Bunty semble s'être transformée en bagagiste. Elle transporte tant d'élégants sacs en papier qu'elle n'arrive plus à voir où elle va et manque tomber en passant la porte de la Boutique.
_" C'est de la vraie folie, là-bas, proclame-t-elle à la cantonade.
Ca va être de la folie, ici aussi, quand George va découvrir combien elle vient de dépenser.
_ Qu'est-ce que tu as bien pu acheter ? demande-t-il.
Elle pêche un chapeau dans un carton et se l'enfonce sur la tête. Il est en satin couleur petit pois et ressemble à s'y méprendre à un tambour. George le regarde, la bouche ouverte.
_ Pourquoi as-tu acheté ce truc ?
_ Tu ne l'aimes pas ?
Le seul ton de sa voix indique qu'elle se contrefiche de savoir si George aime ou non. D'un geste de prestidigitateur, elle fait surgir de nulle part une paire de chaussures.
_ Ravissantes, hein ?
Elles sont terriblement étroites, avec de longs talons aiguilles, dans la même teinte de vert que le chapeau. Il suffit de les regarder un instant pour savoir qu'elles ne seront portées qu'une seule fois. Bunty essaie d'introduire un pied dans l'une d'elle avec une horrible expression de détermination sur le visage.
_ Tu pourrais te faire couper quelques orteils, suggéré-je aimablement.
Le nombre de sacs encore inexplorés entourant Bunty tend à indiquer qu'elle a aussi acheté de quoi se vêtir entre le chapeau et les souliers.
_ Pourquoi ? demande George, le visage légèrement convulsé.
_ Pour le mariage, bien sûr.
Bunty plaque la robe contre elle sans quitter la position assise et se tourne vers moi :
_ Qu'en penses-tu ?
Je soupire et secoue la tête d'un air envieux et gourmand.
_ C'est ravissant.
(Extrait du bulletin scolaire de Ruby Lennox, troisième trimestre 1966 : "Ruby a de réels dons de comédienne...Elle a été la grande vedette de la représentation théâtrale de fin d'année.")
_ Le mariage ? fait George visiblement perdu. Quel mariage ?
_ Celui de Ted, bien sûr. De Ted et Sandra.
_ Ted ?
_ Oui, Ted, mon frère.
Le regard de George restant aussi vide, elle continue charitablement :
_ Ted et Sandra. Ils se marient samedi. Ne me dis pas que tu avais oublié ?
_ Ce samedi ? Mais…
George semble frappé du haut mal. Il bredouille un moment puis s’exclame:
Ils ne peuvent pas se marier samedi ! C’est la finale de la Coupe du Monde…»
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Cette fois, nous sommes partis ! Partis en vacances. Patricia est très occupée à tracer des croquis obscènes dans la buée recouvrant les vitres de la voiture. Il fait froid et humide, à l'intérieur comme à l'extérieur, ça ne semble pas d'excellent augure pour les vacances qui commencent. Mais les années de villégiature strictement régionale (Bridlington, Whitby) sont révolues et les destinations lointaines (comme le Pays de Galles) nous sont promises, en commençant par la plus exotique de toutes : l'Ecosse.
Qui plus est, nous voyageons en convoi, ou au moins en tandem. A la tête de notre caravane à deux chameaux, il y a la Ford Consul Classic de nos voisins et amis, les Roper. Bunty aurait pu faire une formidable joueuse de poker à en juger par le visage impassible qu'elle réussit à conserver quand George propose l'idée de vacances communes après avoir "taillé une bavette" avec Mr. Roper par dessus la haie. Bunty et moi sommes occupés à faire griller toasts et crumpets pour le thé lorsque George entre dans la cuisine, venant du jardin et mettant de la boue un peu partout.
_ Je viens de tailler une bavette avec Clive, annonce-t-il. Que dirais-tu d'aller en vacances avec les Roper cet été ?
Bunty affiche son sourire le plus faux et répète :
Les Roper ?
A ce moment, un déclic se fait entendre et un toast jaillit de façon spectaculaire du grille-pain.
_ Les Roper ? fais je d'un ton horrifié tout en attrapant au vol le toast.
_ Eh bien, pourquoi pas ? reprend Bunty, en s'emparant du toast, le beurrant et le proposant à George.
Il refuse et va se laver les mains dans l'évier. Bunty est, de toute évidence, en proie à quelque émotion violente, car elle ne fait même pas remarquer à son époux qu'il a laissé des traces boueuses sur son beau carrelage de vynile rouge et blanc. Un mari un peu plus lucide aurait pu immédiatement comprendre qu'il était cocu.
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_ Alors, chérie, qu'est-ce que je vous donne ?
La voix du boucher résonne dans toute la boutique.
_ Un joli petit bout de viande bien rouge, hein ?
Il fait un clin d'oeil salace à ma mère, qui feint de n'avoir rien entendu ni remarqué, alors que tous les autres clients se tordent de rire. Les clients de Walter l'aiment bien. Il se comporte comme un boucher de film comique, se singeant lui-même avec son tablier bleu et blanc taché de sang et son canotier. C'est un cockney de Londres, et cela seul suffit à lui donner un caractère particulier et un peu inquiétant pour nous, enfants du Yorkshire profond. Dans le bestiaire personnel de Bunty (tous les hommes sont des bêtes), Walter est un cochon, avec sa peau lisse et luisante, bien tendue sur sa chair grasse et compacte. Bunty demande un morceau de boeuf et un rognon de son ton le plus neutre, mais le boucher s'esclaffe comme si elle avait proféré la pire grivoiserie.
_ Quelque chose pour donner du coeur à l'ouvrage au mari, hein ? tonitrue-t-il.
Bunty se penche en faisant semblant de renouer l'un des lacets de souliers de Gillian pour que nul ne voit ses joues s'empourprer.
_ Pour vous, ma belle, tout ce que vous voudrez ! proclame Walter.
Elle reste penchée le plus longtemps possible sur Gillian, faisant mine de poursuivre une conversation en règle avec celle-ci; souriant et hochant la tête comme si Gillian avait des choses passionnantes à raconter. (Alors que, bien entendu, Bunty n'a jamais prêté la moindre attention à ce que nous pouvions dire sauf lorsque nous laissions échapper un mot grossier.)
Le boucher se met à siffler très fort l'air du Toréador de Carmen en soupesant très ostensiblement de la main un rognon rouge et luisant.
_ Tu devrais faire du théâtre, Walter, fait une voix au fond de la boutique.
Un murmure approbateur s'élève du reste de la clientèle.
Bunty qui a dû finir par se relever, est assaillie par une pensée troublante : le rognon que brandit Walter présente une étrange ressemblance avec une paire de testicules. (Non que "testicules" soit un mot très familier pour elle; elle appartient à une génération de femmes peu au fait de la terminologie anatomique véritable.)
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Elle se dirige vers la salle de bains où la cruelle lumière du plafonnier vient ricocher sur le carrelage blanc et noir et sur le porte-serviettes en chrome, renvoyant à Bunty dans la glace son visage matinal blafard et creusé d'ombres suspectes. Un instant elle ressemble à une tête de mort, et le suivant elle ressemble à sa mère. Elle se demande laquelle des deux images est la pire.
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Sandy qui servait dans la Marine marchande, se trouvait en congé à terre, et il s'était juré de posséder une femme avant de regagner son navire, le lendemain.
_ C'est le mariage de ma soeur, protesta Bunty avec indignation lorsqu'il introduisit sa langue dans son oreille.
_ C'est une salle paroissiale, rappela-t-elle lorsqu'il entreprit de lui explorer l'entrejambe avec son genou. Finalement, elle lui mordit une main de toutes ses forces...il la regarda avec une expression admirative et proclama :
_ Quelle tigresse !
Bunty regagna à toutes jambes la grande salle surchauffée. Etre qualifiée de tigresse était loin de lui déplaire. Un peu plus tard, les survivants de la réception se replièrent sur la maison de Lowther Street. Bunty avait subrepticement absorbé trois demi-pintes de bière forte afin de se mettre dans l'ambiance. Quand (Sandy) se mit à la chatouiller en l'appelant "Mon petit chou à la crème", elle ne put s'empêcher de pouffer et son fou rire redoubla quand il lui dit :
"Mais dis donc, Bunty, tu es complètement ronde !"
Il la fit tant rire qu'il finit par réussir à la pousser dehors et à l'adosser au mur extérieur de la maison. Il avait des mains partout et donnait à Bunty l'impression de se trouver aux prises avec une pieuvre. A bout de résistance, elle se bornait à répéter faiblement : "Ce n'est pas vrai !"
A court d'arguments, Sandy finit par lui affirmer :
_ Je t'aime, Bunty. Je t'ai toujours aimée. A ma prochaine permission, nous nous marierons.
Et Bunty, prenant sur le moment ses paroles au pied de la lettre et pensant avoir fait naître (cela arrive tout le temps) le grand amour, le laissa donner suite à ses honteux projets. Elle se disait que c'était peut-être là un ultime cadeau qu'elle lui offrait avant qu'il ne meure, et s'efforçait de s'abstraire en fixant son regard et ses pensées sur la clématite qui se mourait à petit feu de l'autre côté de la cour.
_ Quelle fille ! s'exclama Sandy en aboutissant à une conclusion rapide, et assez peu digne.
Bunty s'était sentie d'autant plus dégoûtée que, dans son excitation, Sandy lui cognait la tête contre la conduite d'écoulement des eaux, le long du mur. Mais elle avait au moins acquis une idée plus précise de la façon dont Maurice Tetley s'y prenait pour faire gémir les ressorts du lit ("Pas possible", fit Betty, les yeux écarquillés, quand Bunty lui raconta.)
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