Les éditions Terre vivante nous proposent là non seulement un beau livre, abondamment illustré, mais de surcroit un livre très intéressant parce que très complet. Je reconnais ne pas être très objectif dans mes propos car
Claude Aubert est pour moi un personnage important. Ses premiers ouvrages, « l'agriculture biologique » ou « le jardinage biologique » ont guidé mes premiers pas de jardinier amateur dans les années 70. J'ai suivi ses travaux avec intérêt, ne partageant pas tous ses points de vue, mais toujours très admiratif de sa constance et de sa perspicacité. Dès le début de ses publications, il dénonçait les dangers que présentait « l'industrialisation de l'agriculture » comme il le disait. Disposant d'une grande quantité d'informations, il a prévu les crises de la vache folle et de la tremblante du mouton ; l'herbivore n'est pas fait pour consommer de l'animal, rappelait-il. le temps a passé et ses affirmations ont été vérifiées. La qualité et la fertilité des sols ont baissé de façon impressionnante ; les pays tropicaux, l'Inde entre autres (lire
Vandana Shiva) ont été parmi les premières victimes des recettes miraculeuses préconisées par les « Révolutions vertes » successives.
Maintenant c'est l'élevage (bovin, ovin, caprin…) qui est mis en cause. On l'accuse de tous les maux, sans aucun discernement, ainsi que le fait remarquer l'auteur ; nos braves ruminants sont responsables de l'émission de quantités impressionnantes de méthane ou de gaz carbonique, participant activement au réchauffement climatique et à tous ses effets secondaires néfastes. Les spécialistes de la santé se joignent aux climatologues pour dénoncer les effets négatifs de la surconsommation de viande pour la santé des consommateurs. La plupart des analyses offertes aux consommateurs ne font aucune différence entre l'élevage industriel (fermes regroupant des milliers d'animaux qui n'ont plus accès à l'herbe et sont gavés de farines, d'ensilage et d'ingrédients plus ou moins douteux) et l'élevage fermier traditionnel (mais pas tant que ça puisque de nombreuses recherches ont été effectuées pour améliorer les pratiques anciennes). Il ne s'agit en aucun cas d'un retour en arrière, mais d'une avancée s'appuyant sur des techniques qui ont déjà fait leurs preuves.
Claude Aubert ne nie pas les vérités énoncées par une large fraction du monde scientifique. Il regrette simplement que le travail d'analyse effectué ne soit pas un peu plus subtil. A l'appui de ses thèses il fournit de nombreux résultats de recherche démontrant que l'on ne peut pas assimiler les données concernant des vaches nourries essentiellement à l'herbe sur prairie permanente, en élevage extensif, et celles se rapportant aux animaux parqués dans des stabulations et recevant principalement des aliments transformés. Ses arguments, que je ne détaillerai pas ici, sont totalement convaincants. Certaines pratiques d'élevage n'ont que peu d'impact négatif pour la planète. Elles supposent une réduction conséquente de notre consommation. Il ne s'agit pas de supprimer la consommation de viande rouge et de laitage, mais de la réduire de moitié, pour permettre la production d'aliments de meilleure qualité, présentant de moindre risques pour la santé et permettant surtout la réduction des émissions de méthane et de CO2.
Rassurez-vous, cet ouvrage de
Claude Aubert n'est en rien rébarbatif. Il y a bien des passages techniques, indispensables pour valider les thèses énoncées dans ce livre, mais ils sont accompagnés de belles illustrations, de récits et de témoignages bien vivants d'éleveurs et d'amis des animaux. L'auteur ne cherche pas la polémique et traite au contraire avec intelligence et bienveillance les arguments souvent employés par d'autres adversaires des éleveurs, notamment par celles et ceux qui se sont convertis au véganisme. Beaucoup d'entre eux ont un discours qui ne tient pas compte, ou peu, des réalités du monde agricole.
Claude Aubert rappelle entre autres que les vaches, les brebis, les chèvres consomment normalement un aliment dont l'homme ne peut tirer partie, l'herbe, et qu'ils participent aussi à l'entretien d'un paysage de prairies indispensable au maintien d'une importante biodiversité. Dans beaucoup de régions, notamment en montagne, les terres utilisées comme pâturage, ne sont en aucun cas (pour des raisons climatiques ou des problèmes de fertilité) utilisables pour d'autres cultures.
En complément à cet ouvrage, si vous êtes intéressés par la question, je vous incite à découvrir un autre ouvrage de
Claude Aubert, un bilan de l'utilisation délirante que l'agriculture fait des engrais azotés. Il s'intitule « Les apprentis sorciers de l'azote » et il est disponible aussi aux éditions Terre vivante. L'ouvrage de
Noémie Calais, « Plutôt nourrir », est un complément indispensable pour avoir une vue d'ensemble sur le sujet.
Cette fiche de lecture est réalisée dans le cadre d'une opération « Masse critique ». Merci à Babélio et à
Terre Vivante.