****
Née au milieu de la forêt, au pied d'un arbre, tirée du ventre de sa mère, Fille-Rousse est élevée par la tribu des Yeux-Rouges. Son histoire est entourée de mystère, sa vie est une légende... Homme dans un corps de femme, c'est une Peau-Mêlée. Mais elle va devoir lutter pour trouver sa place, pour la garder et la légitimer. Elle devra faire des choix, parfois difficiles, mais son envie de liberté la guidera tout au long du chemin...
Ce qui frappe dans le premier roman de Guillaume Aubin, c'est ce rapport au corps, cette lecture toute en sensation. Tout au long des pages, on perçoit le souffle du vent, la chaleur du feu, le froid de l'eau vive ou la grandeur des arbres de la forêt. On vit pleinement aux côtés de ces tribus semi-nomades des Premières Nations canadiennes.
C'est un langage particulier qu'a choisi l'auteur pour nous emmener sur les pas de cette jeune fille. C'est une héroïne à la fois impressionnante par son courage et sa force, touchante par sa grande solitude et imposante par sa volonté sans faille.
C'est un récit qui nous éclaire sur un monde de légendes, de croyances et où tout à son origine, son explication. C'est un environnement qui peut être aussi chaleureux que brutal. Y évoluer n'est pas chose facile, y trouver sa place encore moins.
Fille-Rousse restera longtemps dans ma mémoire. Elle sera l'image de l'affranchissement, la possibilité d'être soi dans toutes ces contradictions et ces dissonances. Elle sera le souvenir de la liberté gagnée...
Les prémisses de ce roman étaient prometteuses. Centième nouveauté publiée par les éditions Contre-Allée, les choses n'avaient pas été laissées au hasard. Un roman se passant dans les tribus du Grand Nord Canadien, basé sur une tradition méconnue, celle qui permet à un homme d'assumer le rôle social d'une femme ou à une femme d'assumer le rôle d'un homme. Réflexion sur le genre et l'identité sexuelle vue par le prisme d'une autre culture, tout cela était bien alléchant.
Et pourtant, je n'ai pas réussi à adhérer. La première scène est particulièrement violente, mais soit, on sait que ces populations n'étaient pas tendres, donc j'ai accepté l'idée. La seconde scène, elle, inclut un élément de fantastique, c'est étrange mais encore une fois, pourquoi pas. Si l'on considère que l'on essaie de voir les choses par les yeux des hommes et des femmes de ce lieu et de ce temps, certains événements peuvent rester inexpliqués ou paraître surnaturels.
L'enfance de cette petite fille est plutôt agréable à lire. Racontée à la première personne, on découvre le fonctionnement de la communauté en même temps qu'elle s'y fait sa place, on la voit faire des choix qui ne sont pas ceux que l'on aurait attendus d'elle. Puis vient l'adolescence, et on retombe dans les scènes crues. Pourquoi pas si c'est pour dépeindre la découverte de l'amour physique, mais là, cela tourne vite à une certaine complaisance, et tout dégénère.
De scène crue en scène crue j'ai eu l'impression que l'on s'éloignait du sujet. La distinction entre sexe biologique, rôle social et préférences sexuelles est une vraie question, un sujet de roman passionnant ; ce que coûte socialement la différence, le prix de l'acceptation, voilà un autre sujet passionnant. Et s'il y a quelques réflexions intéressantes sur le sujet, cela n'est que fugace, pour laisser la place à une histoire qui tient plus du fantasme personnel que du roman. le côté fantastique et atemporel du livre, qui me semblait une trouvaille intéressante pour donner plus de poids au propos finit par le discréditer, et c'est finalement un regard occidental et fantasmé qui nous est proposé plutôt qu'une vision autre ou nouvelle de cette question du genre.
J'ai fini ce livre avec une certaine répugnance et je suis finalement déçue car j'en attendais beaucoup plus. Dommage, l'objet livre est beau, avec sa couverture sobre au grain mat et rugueux, la maison d'édition a apporté beaucoup de soin à cette publication, mais le contenant ne peut à mes yeux racheter le contenu et cette rencontre a été pour moi une immense déception.
Merci aux éditions La Contre Allée de m'avoir permis de lire ce livre, dans le cadre de l'opération masse critique de Babelio.
Revenir à l'origine des maux de la terre. Là où le commerce devient domination
Là où les hommes venus d'ailleurs écrasent et génèrent de futurs génocides.
La souveraineté des peaux puise loin dans l'absurde, rejaillit sur les décennies qui coulent sages et attentives mais prête à l'attaque.
Nous sommes une résultante de tout ce qui se joue là. Latence et prémisse d'un appel sociétal qui écrase.
Un texte et une série de documentaires pour apprivoiser ce que l'on pense connaître.
De la fiction et pour l'accompagner une réalité brute et cinglante qui boit les larmes.
L'arbre de colère de Guillaume Aubin se mêle à la nature avec virtuosité, il crache la violence des corps. Il panse les silenciés de n'avoir pas été assez entendu. Un petit moins pour ce grand roman: parmi une poétique indéniable du texte, un choix de certains mots parfois étonnant (moderne/licencieux ?). Un premier roman qui donne le ton de langue et d'humanité.
Raoul peck (que je connaissais déjà avec I'm not your negro, très juste et engagé) traduit pour nous l'histoire avec cette série de documentaires : Exterminez toutes ces brutes (en ce moment sur Arte) qui s'emboite parfaitement avec cette lecture. Un complément. Il enjoint le souvenir à ne pas s'écarter pour plus d'exactitude. Abrupt, parfois insoutenable. Pas plus que la réalité. Les oeillères ne créent pas plus d'humanité.
Il serait judicieux que l'on apprenne à taire l'orgueil. La vérité d'une civilisation sourd les peuples et n'as pas valeur d'universalité. S'astreindre à la déconstruction des récits dominants.
« La connaissance est le pouvoir et l'histoire est le fruit du pouvoir. Celui qui gagne à la fin décide du récit. » Michel-Rolph Trouillot
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-022134/exterminez-toutes-ces-brutes/
NaN; voiceless 😶NaN;
.
.
Parmi la vingtaine de livres sorties en ce premier mois de l'an 2022 que j'ai eu l'immense privilège de lire ,
sans aucun doute l'un de ceux qui restera,
dans le temps long,
dans le "fond",
Un véritable coup au/de coeur ❤
Chaque jour je ressentirai le besoin d'en parler, de le faire circuler.
Là, alors que je l'ai tout juste refermé, c'est le silence qui vibre en moi, reconnaissant et humble de la lectrice un peu trop boulimique comblée d'être remplie par un texte aussi beau, désireuse de le laisser infuser, un peu.
Après le silence viendra le bavardage incessant et le besoin d'en causer.
L'unanimité de la belle équipe de la librairie Terre des livres, ce n'est pas rien
Haaaa j'ai aimé ce livre. Vraiment, je l'ai aimé très fort.
Le truc, c'est qu'il y a aussi un truc qui m'a vraiment gênée dedans.
Du coup, c'est tout bizarre dans ma tête, je ne sais pas quoi faire.
Bon, je l'ai aimé d'amour pour tout un tas de raisons.
D'abord parce qu'on est propulsé dans la vie de tribus amérindiennes d'une manière efficace, et surtout, avec une poésie dans l'écriture, et une façon d'entrer dans la tête de la protagoniste que j'adore. Ça m'a fait penser à "Née contente à Oraibi" de Bérengère Cournut. J'ai ressenti la même joie et la même liberté à me fondre dans ce roman, parce que j'avais l'impression d'y être. Et que lorsque Fille-Rousse parle de la Nature, je la ressens au plus profond de moi-même. Ce côté chamanique, presque mystique, c'est un vrai bonheur de le sentir à travers les pages.
Et puis il y a cette quête identitaire qui anime toute l'histoire. Fille-Rousse, Peau-mêlée, est à moitié homme et à moitié femme, ce qui la mène à toujours être en train de chercher sa place ; voire se battre pour en avoir une. D'un côté haïe, rejetée, de l'autre presque déifiée. J'ai trouvé ce paradoxe vraiment bien traité, nous faisant voyager à travers les tribus elles-mêmes, poussant Fille-Rousse à s'affirmer. Et elle ne fait pas semblant.
Le problème, c'est qu'il y a énormément de sexualité dans ce roman. Et bon, en soit, why not, ça fait aussi partie de l'histoire qui entoure Fille-Rousse, c'est assumé très vite (même si perso, voir du cul tout le temps, je m'en passe). MAIS pas de TW en début alors qu'il y a une scène très violente qui m'a retournée l'estomac (et que j'ai trouvée complètement inutile, ce qui m'a beaucoup énervée. Elle ne sert à rien à part intégrer une scène visuelle horrible et détruire totalement l'estime que l'on a pour un personnage - qui de toute façon est détruite peu après via une simple phrase prononcée). Ce n'est d'ailleurs pas la seule scène violente, autant vous le dire direct, et ça ne passe pas que par la sexualité, d'ailleurs. Mais bref, tout ça pour dire que cette sur-sexualité aurait pu passer sans souci, mais après cette scène en particulier, c'était too much pour moi. Donc vous voilà prévenus.
Du coup, ça m'embête, voyez-vous. Parce que vraiment, j'ai adoré ce bouquin... mais j'ai détesté cette scène, au point que mon estime générale pour l'histoire est retombée... du coup c'est triste. Mais je vous le conseille quand même, parce qu'il y a des passages magnifiques, et des phrases très fortes, des réflexions très puissantes et que pendant 90% de ma lecture, j'étais juste complètement à fond, incapable de lâcher ce fichu bouquin.
(PS : je précise qu'ayant lu quand même quelques trucs sur les amérindiens, je doute fort du réalisme du bouquin. Donc à prendre pour ce que c'est : de la fiction)
Les femmes écrivains ont souvent rencontré l'hostilité de leurs confrères. Mais il y a une exception parmi eux, un homme qui les a défendues, lequel?