Si aujourd'hui Danièle Obono préfère se mordre la langue plutôt que de dire "Vive la France", excusé du peu députée de la République, il fut un temps où l'on pouvait en faire un titre de livre sans passer pour un dangereux réactionnaire ou un illuminé.
Il fut un temps...car en l'an 2019 aucun auteur ne pourrait publier ce livre sans que la grêle ne lui tombe dessus.
Il est plus facile d'écrire "Nique la France" comme l'a fait Houria Boutelja.
Ah ! Monsieur Audiard vous êtes parti au bon moment. Quelle veine vous avez eu de vivre ces temps anciens où vous pouviez publier vos livres sans craindre de vous voir assigné devant la 17ème chambre.
Le CCIF, le CRAN, le CRIF, le Parti des Indigènes de la République et d'autres associations philanthropiques se seraient fait un plaisir de vous alléger de quelques milliers d'euros sans toutefois au préalable vous avoir traîné dans la boue sur les plateaux de télévision ou les réseaux sociaux.
Ils vous auraient donné tous les noms d'oiseaux et persister dans votre ironie était le meilleur chemin pour le bannissement.
Vous auriez dû venir demander pardon, vous couvrir de cendres, implorer la mansuétude, renier vos amis forcements mal pensants et même en dernier recours cracher sur vos ancêtres.
Ah ! Monsieur Audiard, vous avez vécu, sans le savoir, une époque bénie des dieux où l'on pouvait écrire au fil de la plume sans être obligé de consulter les oracles.
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J'entends encore Bébert m'affranchir de sa voix cassée par le perniflard :
- Des résistants, personne en a jamais vu. Y en a peut-être eu dix mille en tout. Je parle d'avant 45, naturlich, parce qu'après y en a eu vingt millions ! A la vérité, tout le monde pensait qu'à becter, qu'à trouver du perlo, un poêle à sciure ou de la margarine. Londres et Vichy on s'en tapait l'œil totalement ! On écoutait les radios, mais pas pour reluire aux Appels, juste pour savoir si les tickets de matière grasse étaient débloqués. On était plus que des tubes. On aurait balanstiqué tout le Vercors pour une portion de salsifis !
- C'est pas possible ? T'inventes ?
- Officiel ! A part quelques hypnotisés par la Ligne Bleue, quelques lecteurs d'Erckmann-Chatrian et les amateurs de choucroute, de résistants il n'y a eu en tout et pour tout que les schmoutz et les cocos. Par patriotisme ? Tu parles !...Simplement parce qu'ils avaient la Gestap' au derche !...Faut se souvenir de la fraternité régnante. Y avait intérêt à être au mieux avec sa bignole si on voulait pas déhoter à Ravensbruck !...
A l'entendre, il n'y aurait pas eu, à travers toute l'Histoire, de citoyens plus lopards que les französischs sous l'Occup'. Combinards, délateurs, lèches-train, anonymographes, faisant la queue dès potron-minet aux kommandaturs pour ranimer la vigilance fridoline sur les tapeurs de tickets de pain, sur les étoiles jaunes, sur les franchisseurs de zone nono, des fois même simplement sur le voisin de palier qui recevait du jambon de la cambrousse, ou sur la voisine, d'en face qui voulait pas se faire calcer.
En quelques années, cinquante-six rois noirs nous ont rendu visite, salués par la double haie de gardes républicains...à la stupéfaction des anciens tirailleurs sénégalais.
Peut-être se donne-t-on l'illusion d'être encore en Afrique parce que les Africains sont à Paris ? Illusion ou pas, l'Elysée devient une succursale du Musée d'Outre-Mer et du bal nègre de la rue Blomet !
Je l'ai connu à la petite école de la rue du Moulin-Vert, mon pote, dans les années 30. Il était pas souvent en classe. Moi non plus. On se croisait juste des fois dans la cour, pendant les tours de piquet, sous les tilleuls. Il nous arrivait aussi de nous palucher dans les gogues à claire-voie, mais chacun son tour, en relais. L'américaine de la pogne. Entre-temps, on préparait doucement le certif.
Mon confesseur met ça sur le compte des mauvaises lectures, mon psychiatre sur le compte du surmenage, ma femme sur le compte du beaujolais.
Portrait de Michel Audiard - Spécial Cinéma (1976)