Quand j'ai reçu cette lettre, à la fois étrange et totalement incroyable, j'ai d'abord cru à une blague de ma meilleure amie, Olga.
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Le pire, c'est que je ne l'ai pas vue tout de suite, cette fameuse lettre. Elle aurait pu finir au fond de ma poubelle, dans la cuisine de mon magnifique petit duplex, situé dans le dixième arrondissement de Paris avec vue sur le canal Saint-Martin. Ou avec les journaux dans la litière de Monsieur Kochka, mon persan quelque peu en surpoids et un brin hautain. Il faut dire que je connais très peu de notaires qui envoient des documents aussi importants dans une simple enveloppe kraft mal cachetée...
J’ai aimé, Charlie ! J’ai aimé et j’ai cru mourir quand cet amour est parti. Pas mourir au sens figuré, non, au sens propre ! Je ne fréquente que des hommes qui en veulent à mon cul ? Oui ! J’assume ! Je plaide coupable ! Mais si je le fais, j’ai mes raisons ! Je ne veux plus souffrir. Je ne veux plus…
Il faut toujours se méfier des apparences, ma Charlie. Il y a ce que les gens veulent bien montrer et il y a ce qu’ils sont vraiment.
Je n’aime pas me sentir faible, encore moins le dévoiler aux yeux des gens.
Je pensais avoir vu de grandes choses dans ma vie. La folie de Vegas, l’extravagance d’Abou Dabi, la puissance de mes mains sur le volant d’une Ferrari. Tout ça ce n’est que du vent. Toutes ces choses que j’ai faites, ces endroits que j’ai visités, ont si peu de sens comparé à ça. Au milieu de nulle part, ici, en France, un cygne a sauvé des œufs orphelins de par son seul instinct. La nature est bien plus forte. Elle le sera toujours.
Les programmes sont de pire en pire, et la télé-réalité a envahi les chaînes publiques. C’est un défilé d’individus vulgaires, violents et visiblement pas très intelligents.
Je finis par éteindre, me demandant si j’ai rêvé. Mon estomac qui s’est contenté d’un paquet de gaufres depuis ce matin commence à faire ressentir son mécontentement.
On pense souvent que je n’ai pas de cœur, que je suis sans limite, mais il y a un fossé entre l’image que je donne de moi et celle que je suis vraiment. Je me protège, c’est tout. J’ai encaissé assez pour savoir que c’est important, voire essentiel.
Les couleurs sont sublimes en ce mois de mai. Et l’air qui s’engouffre à travers nos fenêtres entrouvertes n’arrange rien. Il est pur. Frais. Léger. Incomparable à celui de Paris. Ici, pas de pots d’échappement, pas de périphérique bouché, pas de mégots ou crottes de chien, pas de musique assourdissante, pas de gens énervés qui klaxonnent. C’est le calme plat. Le silence total. Nous croisons quelques tracteurs et c’est tout. Même les voitures semblent d’une autre époque.
La compassion, c’est pour les faibles. Si tu veux réussir dans la vie, tu dois manger plutôt que de te faire manger. C’est la règle.