Les contrats ont la plupart du temps avantage à être appuyés par ce qu’on peut appeler des garde-fous.
Il est important de se rendre compte que l’être humain est un être fragile et faible, dont les intentions sont souvent de meilleure qualité que la détermination à agir. La plupart d’entre nous trouvons beaucoup plus facile de décider de poser telle action ou de nous abstenir de telle autre que de réaliser en fait telle action ou telle abstention. Chacun sait qu’il est plus facile de dire: «Je demanderai une augmentation au patron» que de la demander en fait, et qu’il est plus aisé de dire: «Je ne boirai plus de bière» que d’abandonner en fait la consommation de la bière.
L’usage des garde-fous se base donc sur cette constatation de la fragilité du vouloir humain.
Vous êtes en train de vous étiqueter vous-même comme idiot parce que vous constatez la présence en vous d’un certain nombre d’idées idiotes. Or, il n’est absolument pas nécessaire d’être idiot pour produire des idées idiotes: il suffit d’être un être humain, doué de la capacité de penser. Il n’est pas nécessaire de détenir de diplôme de sottise pour faire des choses sottes et penser des bêtises! Vous ne serez jamais qu’un être humain imparfait, c’est-à-dire possédant une capacité relative de poser les gestes qui conviennent, de produire des pensées conformes au réel et doté, en contrepartie, de la capacité relative d’agir sottement et de penser de travers.
Je sais toutefois que le système du permis et de l’interdit a été expérimenté par l’humanité depuis des millénaires et vous êtes comme moi en mesure de constater que les résultats ne sont pas exactement réjouissants. Moralistes et législateurs s’époumonent depuis l’aube de la civilisation à défendre le mal et à recommander le bien, sans résultats notables, si ce n’est des techniques employées. Nous sommes maintenant techniquement capables de détruire des êtres à distance et en grands groupes, ce qui présente un sérieux progrès sur les techniques primitives utilisant le casse-tête, la lance, la flèche ou l’arquebuse.
Il cessa de conduire sa vie comme un maître d’armes, ses fils purent souffler un peu et sa femme retrouva le goût de vivre avec lui. Le bonheur, qu’il cherchait comme chacun de nous, lui apparut plus accessible, maintenant qu’il n’était plus alourdi par la masse de ses croyances absurdes.
La passivité de beaucoup de personnes face aux actes mentaux et physiques qui pourraient leur permettre d’atteindre une plus grande part de bonheur trouve aussi un appui dans un certain snobisme de l’anxiété. Pour certaines personnes, c’est presque une marque de noblesse d’être désespérées et anxieuses, et celui qui affirme l’être rarement passe facilement à leurs yeux pour un être superficiel, un benêt qui ne comprend pas le tragique de l’existence, un sot auquel les vrais problèmes échappent et qui se complaît dans une bienheureuse ignorance.
Nous sommes des sang-mêlés, François Crouzet et Lucien Fevre