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EAN : 9782330082031
320 pages
Actes Sud (13/09/2017)
3.92/5   62 notes
Résumé :
De l’ardeur reconstitue le portrait de Razan Zaitouneh, figure de la dissidence syrienne enlevée en décembre 2013 avec trois de ses compagnons de lutte – et à travers elle, le puzzle éclaté de la révolution en Syrie, et du crime permanent qu’est devenu ce pays. C’est le récit d’une enquête et d’une obsession intime, le partage d’un vertige. Une porte d’entrée sur une réalité que l’immédiateté de la tragédie tient paradoxalement à distance. Un questionnemen... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
3,92

sur 62 notes
".......elle ne me quitte pas, son nom revient, trouve en moi les points de résonance pour m'empêcher de me détourner, se loge dans une zone d'intranquillité, au douloureux point de frottement où regrets et hontes sont à l'oeuvre. En partie parce que fut une longue période de ma vie où j'aurais voulu être –ou j'ai même cru pouvoir devenir –comme Razan. Et le sentiment de honte d'avoir osé penser que je le pouvais, d'avoir abandonné et trahi la jeune femme idéaliste et confiante que j'ai été, ne passe pas, reste vif, et j'ai peur d'avoir à rester en sa compagnie, de me retrouver à ses côtés, petite et timorée."
"Elle" c'est Razan Zaitouneh, avocate, dissidente syrienne disparue sans laisser de traces dans la nuit du 9 au 10 décembre 2013 à Douma, ville de la banlieue de Damas où elle pensait avoir trouvé refuge. La narratrice est l'écrivaine elle-même. Donc nous sommes en pleine dans la terrible actualité syrienne et Justine Augier essaie dans ce livre de restituer l'histoire de cette avocate, activiste des droits humains, dans la Syrie des années 80 à nos jours. Qu'une occidentale raconte l'histoire d'une syrienne n'est pas évident du tout, même si elle y a vécu et connaît bien le Moyen Orient. Augier l'accepte et joue sur ce regard d'étranger sur une dissidente du Moyen Orient, en la plaçant dans un contexte universel ,"mettre le doigt sur son universalité."
Elle ne la connaît qu'à travers les médias. À travers des bribes transmises par la famille et ceux qui ont pu la connaître et les propres écrits de Razan, elle va relier les différents éléments pour faire apparaître une image de cette femme à la personnalité exceptionnelle, qui à 14 ans décide d'être financièrement indépendante, vendant des montres à domicile et faisant du porte à porte, une chose impensable dans le Damas des années 80, ni d'ailleurs plus tard. Elle qui grandit au sein d'une famille conservatrice et religieuse, devient une jeune femme libre et laïque, "Razan sortie de nulle part".....
Certaines choses qu' Augier écrit comme "L'absence de confiance est une question centrale en Syrie ", l'état d'urgence en permanence, (contre des ennemis plutôt imaginaires, pour justifier à la face du monde, toutes les horreurs commises), le déroulement des procès des prisonniers politiques, des espèces de miliciens qui sortent de nul part aux premiers soulèvements,......en faites sont présents dans tous les pays aux régimes totalitaires, rien qu'à voir ce qui se passe chez le voisin.....la peur annihile tout, des deux côtés, le burlesque de la situation. Un burlesque qui déteint aussi sur la ressemblance du régime syrien alaouite avec le groupe salafiste d'opposition,qui l'ironie du sort fera disparaître celle (Razan)qui les défend.

La prose a le mérite d'être simple et clair, comme les idées et réflexions d'Augier, exprimées avec une grande sincérité. Partant de là, son témoignage sans prétention, fouillé et précis sur un sujet brûlant d'actualité, sur une personne représentative de tous les dissidents du monde, disparus,tout pays confondus, Amérique du Sud, Moyen Orient.....est poignante et excellente. Elle y insère aussi ses propres réflexions, ses expériences et vécus au sein de l'ONU et des ONG, comme quoi elle a aussi du vécu dans cet enfer de cette partie du monde, même si c'est indirectement.J'ai beaucoup apprécié l'intelligence de ses jugements personnels, sur les différentes informations recueillies sur la personnalité de Razan, ses goûts musicaux, sa sexualité....., ou sur d'autres circonstances, comme l'ambiguïté que sème un journaliste irlandais au sujet de l'attaque chimique que Razan affirme être réalisée par le gouvernement , plus de 1400 morts dont la plupart des civils, femmes et enfants.....
Vraiment un grand Bravo à Justine Augier pour ce livre bouleversant qui nous fait connaître les enjeux et les détails terribles du dessous du régime de terreur d'Assad, en même temps qu'une femme courageuse, hors norme, qui j'espère est encore en vie, ce dont je doute. Razan a reçu en octobre 2011" le prix Anna-Politkovskaïa, décerné chaque année depuis 2007 à une femme qui défend les droits de l'homme dans une zone de conflit et qui, comme Anna, prend le parti des victimes dans ce conflit, s'exposant ainsi personnellement à de grands risques. (Le même mois elle reçoit aussi le prix Sakharov.)".
Si le sujet vous intéresse, je vous recommande fortement ce témoignage bouleversant, car ce qui se passe en Syrie implique malheureusement l'Europe et nos vies beaucoup plus qu'on ne le pense. Inutile de lire les atrocités de la Shoah pour que l'histoire ne se répète pas, quand presque encore pire se passe au présent, à quatre-cinq heures d'avion de chez nous et qu'on ne peut rien y faire ?....................
(" "N'a rien pu faire” n'est pas la bonne expression ; “n'a pas voulu” ou “n'a pas trouvé d'intérêt à” est sans doute plus juste ".....une des dernières paroles de Razan , concernant la communauté internationale.)

"Au bout de la route, il y aurait du lait et des oeufs pour les enfants affamés, des vêtements chauds, du blé doré que les mains habiles des femmes transformeraient en pain. Il y aurait des médicaments pour soulager les souffrances des malades et sauver des vies. Au bout de la route se trouvait un paradis perdu, la promesse d'un semblant de vie, la promesse de la chaleur, de la satiété et de la guérison."
"I will never leave my country –never."
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"De l'ardeur", comme l'indique son sous-titre "Histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne", reconstitue le portrait de cette juriste militante des droits humains et opposante au régime de Bachar el-Assad.
Issue d'une famille conservatrice mais dotée d'un tempérament de feu, Razan ne s'est jamais pliée à aucune contrainte : patriarcat, religion, voile, elle n'a cure des traditions et ne jure que par la liberté, les libertés, civiles et politiques, s'insurgeant contre toute forme d'oppression. Très tôt elle se consacre à la défense des prisonniers politiques opposants à Hafez el-Assad, puis de ceux de son "illustre" successeur Bachar, parmi lesquels de nombreux salafistes. A ce titre, le destin, incommensurable cynique, lui jouera un tour terrible, puisque dans la nuit du 9 au 10 décembre 2013, alors que la Révolution agonise, Razan est enlevée avec son mari et deux de leurs amis, très probablement par un groupe salafiste opposant au régime de Damas: dans son obstination à lutter contre les oppressions, Razan dénonçait aussi les exactions des milices rebelles.
Depuis cette nuit d'hiver sans lumière, on est sans nouvelles d'eux.

Justine Augier, qui a roulé sa bosse à l'ONU et dans les ONG, notamment au Proche-Orient, n'a jamais mis les pieds en Syrie ni rencontré Razan. C'est au hasard de lectures et de recherches sur la Syrie qu'elle la croise. Interpellée, bientôt fascinée, elle décide d'écrire sur cette femme ardente, hors normes, attirée par son éclat, son courage, son intransigeance. Justine Augier a lu les écrits de Razan, interrogé ses proches et ceux qui l'ont côtoyée, visionné photos et vidéos. Elle mène une enquête et une quête, obsessionnelle, fusionnelle, qui retrace non seulement le parcours et le combat acharné de la militante (qui vaudra à celle-ci les prix Anna Politkovskaïa et Sakharov en 2007), mais aussi toute la tragédie de l'histoire syrienne récente. Elle décrit parfaitement les débuts de la Révolution en 2011, marqués par l'incrédulité puis la joie à l'état pur de redécouvrir la liberté, jusqu'au désespoir le plus absolu; elle met en lumière avec clarté et simplicité les enjeux du conflit et la lâcheté de la communauté internationale qui n'a rien pu, ou plutôt rien voulu faire, les intérêts en jeu ne valant pas les bouts de chandelle que Razan utilise la nuit pour continuer à écrire malgré les coupures de courant. Elle explique aussi sa propre démarche, ses motivations, hésite sur sa légitimité d'Occidentale à écrire sur une Orientale, sur une personne et un pays qu'elle ne connaît pas.

Chronique d'une tragédie interminable, "De l'ardeur", à la fois essai et biographie, est un livre poignant, bouleversant, écrit avec une grande sensibilité. On sent toute l'admiration sans bornes que l'auteure éprouve pour l'engagement (l'entêtement) de Razan, qui représente peut-être son idéal, celle qu'elle aurait voulu être.
Quant à moi, j'admire sans réserve le courage et l'intégrité de Razan, le travail minutieux, la sincérité et l'humilité de la démarche de Justine Augier.
Je réalise que Razan, Justine et moi sommes toutes trois nées en 1977 ou 78. Une même génération, des vies radicalement différentes. A quoi tient un destin ? Je n'aurais pas voulu être à la place de Razan, ni été capable de m'immerger dans sa vie comme Justine Augier, même si j'aurais aimé avoir le courage de l'une ou le talent d'écriture de l'autre. Mon destin était de lire ce livre et de découvrir ces deux femmes, et malgré la tristesse infinie qui transpire de ces pages, cela en valait largement la peine : "Se retourner sur Razan et la façon dont elle a choisi de mener sa vie, sur sa trajectoire libre parce que là se trouve, au creux même du tragique, la possibilité d'une consolation. Regarder Razan et mille fois faire le choix d'écrire [ndlr : de lire] sur elle plutôt que sur un salaud. Quand je ferme les yeux et pense à elle, que son visage m'apparaît, souriant ou non, je me sens soulagée d'appartenir au même monde qu'elle."
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« Se retourner sur Razan et la façon dont elle a choisi de mener sa vie, sur sa trajectoire libre parce que là se trouve, au creux même du tragique, la possibilité d'une consolation. Regarder Razan et mille fois faire le choix d'écrire sur elle plutôt que sur un salaud. Quand je ferme les yeux et pense à elle, que son visage m'apparaît, souriant ou non, je me sens soulagée d'appartenir au même monde qu'elle. »

Ainsi se termine le livre de Justine Augier qui pendant 315 pages va, sous nos yeux, nous restituer l'histoire de Razan Zaitouneh, avocate et dissidente syrienne, disparue à Douma dans la nuit du 9 au 10 décembre 2013. Razan représente une certaine opposition syrienne, celle qui souhaite en finir avec toute forme d'oppression, religieuse comprise. Elle est co-fondatrice du Centre de Documentation des Violations en Syrie des Droits de l'Homme.

Justine ne connait pas Razan. Au début, elle a croisé l'écriture de Razan simplement en effectuant ses recherches sur l'histoire de la Syrie. Elle a commencé par interroger des personnes qui connaissaient Razan, puis lu ses écrits, ceux dont elle était le sujet, visionné des vidéos et des photographies. C'est ainsi que des liens fusionnels se sont tissés entre Razan et Justine et qu'ils ont donné naissance à cette enquête qui nous plonge dans la révolution syrienne jusqu'à l'enlèvement de Razan accompagnée de Samira, de Wael, son mari, et de Nazem.

Le récit démontre parfaitement comment les syriens, débutent la révolution remplis d'espoir et ce dans un mouvement démocratique. Comment des millions de gens sont arrachés à la léthargie générale, descendent dans la rue, remplis de joies, bravant la peur, porteurs d'une grande énergie, criant des slogans : Il parait que les manifestations provoquent un sérieux phénomène d'addiction.
Et à travers l'histoire de Razan, nous suivons cette révolution syrienne jusqu'à son agonie, la réalité du terrain y est très bien décrite, nous assistons au déclin des perspectives enthousiasmantes, aux sentiments d'impuissance ressentis par les activistes jusqu'à la mise en place des groupes armés, tous animés par des visions différentes, beaucoup plus préoccupés par un projet individuel que par un projet national, et en proie à tous ces groupuscules obscurantistes et tout ceci sur fond de répression.

Aujourd'hui, pour moi, Razan, Samira, Wael, Hazem, Yassin, Ziad, ne sont plus des étrangers. J'admire leur courage. Ils sont allés jusqu'au bout de leur engagement et de leurs convictions. Ils étaient tous portés par un idéal c'est ce qui a fait leur force, leur détermination.
L'enquête de Justine m'a entraînée sur leurs pas. Je suis allée regarder sur internet des vidéos de Razan, visionner quelques passages du film « Our Terrible Country » : film dans lequel on suit l'écrivain syrien Yassin al-Haj, époux de Samira, et un jeune photographe, Ziad al-Homsi.
C'est terrible cette dichotomie qui existe entre les voir se mouvoir sur un écran, lire ce livre, en faire un commentaire, et se demander ce qu'ils sont devenus, où ils sont, dans quelles conditions sont-ils détenus voire dans quelles conditions sont ils décédés.

C'est le deuxième livre que je lis sur la Syrie, deux livres excellents, que ce soit celui de Samar Yazbek ou de Justine Augier. le premier donnait la parole aux syriens, le second trace le portrait d'une icône de la résistance, Razan Zaitouneh avec toujours en arrière plan, un personnage : la révolution syrienne.

« Après le siège, après la révolution, après la guerre, voilà le rêve qui nous lie tous (…) Gloire à celui qui marchera jusqu'au bout » écrivait-elle peu de temps avant son enlèvement.
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Pourquoi lire l'histoire d'une activiste et dissidente syrienne, Razan Zaitouneh, enlevée, sans doute par les Islamistes, en décembre 2013, si ce n'est pour essayer d'y voir un peu plus clair dans le marigot syrien, pour mettre un peu de clarté dans les nombreuses factions à l'oeuvre contre un régime honni et couvert de sang - et néanmoins soutenu du bout des dents par les puissances occidentales qui y voient à tort ou à raison l'unique rempart contre l'islamisme radical ?

Tel était bien mon désir en lisant "De l'ardeur"...

Force est pourtant de constater que malgré des efforts louables et soutenus, je n'y suis pas arrivée, tant ce recit oscille entre l'enquête et le projet littéraire, entre la recherche objective des faits et l'hagiographie, entre le récit personnel et le recueil des témoignages.

J'ai été plus d'une fois tentée d'abandonner ma lecture, excédée par les innombrables passages en italique permettant à une "voix" jamais identifiée clairement d'interrompre le récit déjà largement zigzaguant de la narratrice, tandis que des didascalies- type: (il rit)- faisaient mine d'" authentifier" cette parole anonyme...

Le cours des événements est lui aussi noyé dans des parenthèses, des retours en arrière, des parallélismes - avec les récits du regretté Michel Seurat, par exemple.

Quant à Razan elle-même, j'ai mieux compris son personnage en faisant quelques recherches sur internet qu'en lisant Justine Augier...

Il aurait fallu choisir: écrire, en ayant "digéré " son information, un roman historique avec le portrait de Razan, femme de courage et de conviction, en motif central et iconique, - ou faire, modestement et clairement, une enquête journalistique circonstanciée sur la disparition d'une grande figure de la dissidence syrienne. Florence Aubenas est un modèle du genre, qui écrit si bien que son enquête se lit aussi avec plaisir...

A force de faire l'un et l'autre, Justine Augier, elle, se perd et nous perd.

C'est dommage pour Razan Zaitouneh qui méritait qu'on la découvre-ou qu'on la rêve- mieux.

C'est dommage pour les néophytes comme moi qui sortent de cette lecture pas plus savants et même nettement plus embrouillés qu'avant!
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A cheval entre biographie et essai, Justine Augier nous plonge dans la destinée assez folle de l'avocate syrienne militante des droits de l'homme .

Elle livre par ceci un vibrant hommage à une une femme que l'auteur jamais rencontrée mais de qui elle se
sent vraiment proche par son combat et les valeurs qu'elle défend.

En décembre2013, en compagnie de son époux et deux amis, Razan Zaitouneh est enlevée dans la banlieue
de Damas.
Depuis, nul ne sait où elle setrouve.

« de l'ardeur » reconstitue son portraitet, à travers elle, le puzzle éclaté de la révolution en Syrie.

En suivant à la trace le parcours l'avocate, comme un puzzle parsemé dont on reconstitue peu à peu les pièces, nous découvrons les horreursde la guerre ainsi que le parcours d'une femme aux convictions forcément formidables .
On salue le travail d'enquête particulièrement minutieux de l'auteur, qui interroge le lecteur sur la notion d'engagement et sonde les idéaux de tout un chacun et qui ne peut laisser indifférent ...
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critiques presse (2)
LeFigaro
03 novembre 2017
Un portrait de Razan Zaitouneh, avocate syrienne défenseur des droits de l'homme enlevée en 2013 et portée disparue.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LePoint
30 octobre 2017
Qu'est devenue Razan Zaitouneh, avocate syrienne ivre de liberté ? Justine Augier recueille des témoignages et en fait un récit intense.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Au début d’un article sur Yahya, Razan met son lecteur en garde, admet que cette histoire de révolutionnaires qui offrent des roses aux soldats peut sembler d’un idéalisme forcené et candide. Mais le geste est partout repris et imité, partout commenté, sans ironie ni commisération. Le régime ne supporte pas ce geste, ne supporte pas ces jeunes hommes qui avancent vers les forces de l’ordre, désarmés, torse exposé, tentant de capter le regard des soldats d’Al-Assad qu’ils considèrent comme des victimes –ils expriment leur empathie à l’égard de ces jeunes des classes populaires qui n’ont pas vingt ans, font leur service, gagnent une misère, vivent sous le regard inquisiteur des officiers et loin de leurs familles depuis des mois parce qu’il vaut mieux déraciner les soldats quand on veut qu’ils puissent tirer sur la foule, qu’ils n’aient pas besoin de s’en prendre au fils du voisin.
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La répression à Deraa trouve son incarnation en avril, quand Hamza al-Khatib est arrêté pendant une manifestation. Hamza a treize ans et il est accusé par les forces de l'ordre d'être un terroriste (on lui aurait reproché d'avoir essayé de violer les femmes de plusieurs soldats). Deux photos de Hamza ont été vues partout en Syrie. La première est une photo scolaire.

Sur la seconde on découvre le corps de Hamza tel qu'il a été rendu à ses parents. Ce que l'on voit et ce que l'on sait se mêle : visage noir d'ecchymoses, brûlures aux pieds, coudes, genoux et visage - probablement causés par coups de fouet et décharges électriques - poitrine percée de deux impacts de balles, cou brisé, ongles bleus, sexe tranché. De cette image, Riyad al-Turck avoue qu'elle l'a fait pleurer et il ajoute : c'est la pire chose que j'aie jamais vue.

(Riyad al-Turck, figure mythique de l'opposition, a connu la torture et l'isolement pendant 18 ans ).
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Dans les jours qui ont précédé la chute d'Alep, le nombre décuple de ceux qui, dans le monde occidental, choisissent de se mettre à crier que tout cela est insupportable, qu'ils ont honte. J'éprouve une certaine difficulté à m'expliquer pourquoi soudain le seuil du supportable a été franchi. L'horreur est à l'oeuvre depuis cinq ans, ce n'est pas ce qui a changé, c'est une illusion de penser qu'un "cran" a été franchi, l'horreur est toujours l'horreur. Ce qui a changé c'est que nous nous sommes mis à regarder et que nous avons trouvé tout cela insupportable. Probablement parce que nous avons compris que ce qui devait advenir à Alep adviendrait, que tout cela était joué depuis longtemps et qu'il est difficile de se retrouver impuissant face à la tragédie. Probablement aussi parce que la chute d'Alep ouvre sur la possibilité d'en finir avec ce conflit qu'il devenait difficile d'avoir à ignorer, qu'elle ouvre sur la conversation avec le régime d'Al-Assad - une solution désagréable qui aura le mérite de mettre fin au chaos, à la violence trop visible. Nous nous achetons une bonne conscience, in extremis, le sursaut de compassion étant une façon de mettre à distance les responsabilités, d'affirmer qu'on n'est pas complices parce que nous sentons confusément les liens qui nous lient à cette affaire, les responsabilités mais aussi la menace qui rôde et plane sur notre avenir.
Mais surtout il me semble que l'usure des images et des mots nous terrifie plus que nous ne voulons le croire. Cette peur ancestrale de ne plus pouvoir alerter et crier, de ne plus pouvoir exprimer le danger, de ne pas pouvoir nous faire entendre, le jour où nous en aurons vraiment besoin.
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L’État islamique est né de la violence déployée en Syrie, en Irak, et avant cela en Afghanistan, mais aussi du langage que l’on a épuisé et qui finit par tourner à vide. Face aux mots qui n’accrochent plus, on pourrait faire le choix de s’en remettre à un autre langage, plus incarné, et pourquoi pas même à une parole révélée.
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La chaise allemande, le pneu, le tapis volant, le fantôme : on dirait des noms de jeux d’enfants mais ce sont quelques-unes des techniques favorites des mukhabarat syriens. Après la Seconde Guerre mondiale, Alois Brunner, officier SS ayant travaillé avec Eichmann, a trouvé refuge à Damas où il a fait carrière auprès des services secrets. Il y a enseigné des méthodes de torture pratiquées par la Gestapo aux jeunes membres des renseignements, avides de découvertes.
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Vidéo de Justine Augier
À l'occasion de la 25ème éditions des correspondances de Manosque, Justine Augier vous présente son ouvrage "Croire : sur les pouvoirs de la littérature : récit" aux éditions Actes Sud. Rentrée littéraire automne 2023.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2672967/justine-augier-croire-sur-les-pouvoirs-de-la-litterature-recit
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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