Trois étapes se succèdent dans l'accession à la psychose. Trois étapes qui se répondent tour à tour, qui confirment mutuellement un soupçon qui va grandissant. C'est une triple négation, une triple violence.
Sur la scène de l'originaire, négation de tout droit pour se reconnaître comme agent pensant autonome, capable d'éprouver du plaisir, de créer des pensées qui pourraient être investies narcissiquement.
Sur la scène primaire, négation de considérer que les sentiments éprouvés sont vrais.
Sur la scène secondaire, imposition d'un récit historique qui manque de tout fondement, qui dévoile, dans sa formulation manifeste, le désir maternel qui interdit que le sujet trouve dans le désir du couple sa signification originelle. Cet interdit impose un postulat sur les fondements qui est contradictoire avec les énoncés de l'ensemble qu'on lui demande pourtant de répéter.
Voilà ce qui semble poser problème, finalement, même si on voit bien qu'avec cette imbrication de couches, le problème est bien profond que ce qui s'énonce ici d'une phrase : le fondement des origines du sujet.
La scène originaire a imposé un phantasme du néant, du vide. le hors-soi qui apparaît sur la scène primaire ne fait que confirmer que phantasme par l'agir maternel dénué de plaisir. La mère s'en défend et crée pour cela une histoire, un discours, dont la fausseté sera mise en évidence par l'entrée sur la scène du secondaire, lors de la confrontation avec le discours de l'ensemble. le sujet doit alors composer avec deux modalités de discours qui ne coïncident pas. La pensée délirante vient sauver les apparences en inventant son énoncé sur les fondements, ce qui permet de garder l'investissement pour la mère et de se préserver du danger de n'avoir plus de lieu où pouvoir exister.
Compliqué.
Pour résumer :
« C'est bien entre le moi et le monde extérieur […] qu'éclate le conflit dans la psychose, mais non pas à cause de la « surpuissance » de l'influence du « ça » mais à cause d'une impuissance dans le discours de l'Autre et d'une surpuissance dans son désir de s'approprier ce qui lui « manque », en faisant siens l'espace psychique et le travail de penser de l'enfant lui-même. »
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[L’affect de déplaisir] est présent chaque fois que l’état de fixation devient impossible et que l’activité psychique doit reforger une représentation.
La rencontre avec le psychotique n’a quelques chances d’être pour lui positive et autre chose qu’une pure violence exercée au nom d’un « savoir supposé », et bien à l’abri dans la tête d’un des interlocuteurs, que si ce dernier est prêt à reconnaître que les deux discours dans leur référence à l’évidence sont dans un strict rapport d’analogie. La psychose met en cause ce patrimoine commun de certitude, dépôt précieux qui s’est sédimenté dans une première phase de notre vie psychique et dont nous réalisons tout à coup qu’il est la condition nécessaire à ce que nos questions fassent sens à nos propres oreilles et ne nous projettent pas dans le vertige du vide.
Pour que cette complicité [entre principe de plaisir et pulsion de mort] n’ait pas trop tôt gain de cause sur la visée d’Eros, il faut qu’à ce plaisir minimal viennent s’ajouter la quête et l’attente d’une « prime de plaisir », […] prime qui, à partir du moment où en est faite l’expérience, devient le but de l’activité psychique.
Désir à ne pas avoir à désirer, telle est l’autre visée propre à tout désir. Il en résultera que l’activité psychique, dès l’originaire, forgera deux représentations antinomiques de la relation présente entre le représentant et le représenté, chacune conforme à la réalisation d’une visée du désir.
Il [le psychotique] va transférer dans la situation analytique ce qu’il continue à répéter de sa relation au discours de l’Autre, et donc à notre discours. […] Ce sont des élaborations psychiques hautement élaborées qui sont proposées à notre écoute, mais ces productions ont un autre point de départ que chez le névrosé, répondent à d’autres exigences, visent un but différent.
Présentation des actes du Colloque de Cerisy "Aux origines du Je", sur l'oeuvre de Piera Aulagnier, avec J.-F. Chiantaretto, Catherine Matha et Aline Cohen de Lara, à la librairie Compagnie, Paris, le 5 janvier 2023.