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Critique de Pecosa


Les amochés est un roman gigogne, qui débute comme un polar champêtre de Georges-Jean Arnaud. Abdel Ramdankétif, un misanthrope d'âge mûr vit seul dans un hameau dépeuplé par l'exode rural, avec pour uniques voisins Jacky et Monette, deux vieillards plein de sagesse. Or un matin, Abdel se réveille dans un univers figé. Le temps ne s'écoule plus, alors que de l'eau s'échappe de tous les miroirs de la maison. Il n'y a plus âme qui vive. Le voici seul pour de bon. Abdel décide de descendre de sa montagne pour voir si le même phénomène surnaturel a frappé la ville la plus proche. Le récit prend alors des airs de roman d'anticipation et n'est pas sans rappeler Le mur invisible de Marlen Haushofer. Abdel, ancien SDF qui a toujours chéri la solitude se retrouve confronté à une expérience inédite et difficile à appréhender sans tomber dans la folie ou la paranoïa. Lecteur enragé, cultivé et curieux, il tente de comprendre l'étrange phénomène en se souvenant de tous les romans lus, de tous les films vus. Dans la ville désertée il trouve trace de trois autres « survivants », deux soeurs et un garçon de café. Eternel amoureux, le voici rassuré par cette présence féminine, jusqu'à ce qu'il retrouve tout à coup la réalité, la ville, les gens, le bruit. Personne ne semble se souvenir de ce phénomène étrange. Craignant d'avoir sombré dans la folie, notre homme se retrouve accusé de viol, et placé derrière les barreaux. A-t-il inventé cet épisode fantastique pour dissimuler sa véritable nature? Est-il dément?
L'anticipation fait place au polar social, et permet à Nan Aurousseau de parler des amochés de la vie, des laissers- pour-compte de la société, des oubliés des hôpitaux psychiatriques, des petits délinquants, des femmes battues, des dealers… le roman a des accents de fable, et s'inscrit dans l'air du temps. Les amochés est le récit d'une expérience humaine doublé d'un état des lieux bien peu reluisant de notre société narcissique et destructrice. Seuls phares dans la nuit d'Abdel, les femmes et les livres éclairent son existence. Nan Arousseau parle beaucoup, et bien de l'amour et des livres, qui peuvent changer les choses. Car la vie d'Abdel est inscrite dans une autre temporalité, plus humaine, et façonnée par la lecture, même si la liberté a un prix: « Je menais en réalité une vie d'écrivain, qui n'écrivait pas. J'avais lu beaucoup de biographies d'écrivains et je m'étais rendu compte que je vivais comme eux: je ne faisais quasiment rien et en plus je n'écrivais pas tandis qu'eux y passaient au moins quatre heures par jour. Par contre, je lisais beaucoup plus qu'eux tous. Un livre par jour minimum. Comme disait l'un d'eux: « L'écrivain est libre, mais il le paie cher. «  Je peux lire que le lecteur aussi ».
Je remercie les éditions Buchet-Chastel pour ce livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.
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