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Bernard Cohen (Traducteur)
EAN : 9782264048356
304 pages
10-18 (20/08/2009)
3.61/5   411 notes
Résumé :
Quand il était petit, le jeune Shalom croyait aveuglément la parole des adultes : s'il allumait la télé pendant Chabbat, Dieu ferait perdre les Rangers, et tous ceux qui mangeaient du porc périraient dans d'atroces souffrances.

Et puis, Shalom a commencé à douter. De son père qui se saoule au vin casher et fait du Chabbat un véritable enfer. De sa mère qui le force à porter une kippa à la piscine. Et de Dieu Lui-même qui, télé ou pas, s'obstine à fai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (83) Voir plus Ajouter une critique
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S'il en est un qui manie l'autodérision avec brio, c'est bien Shalom Auslander ! Élevé dans une famille juive orthodoxe, il défie, depuis son plus jeune âge, Dieu et ses préceptes. Pourquoi ? Pour punir sa famille dans un premier temps. Elle qui se veut exemplaire ne l'est en rien. C'est ainsi que le jeune Shalom va se bourrer de nourriture "trief", c'est-à-dire non cachère, toucher à l'électricité le jour du Shabbat ou encore tenter d'avoir des relations sexuelles. Bref, tout ce qui est interdit. Mais dans un deuxième temps, on se rend compte que s'il se met autant à l'épreuve, c'est peut-être tout simplement parce qu'il a peur. Peur de ce Dieu présenté comme celui qui punit. Peur de ne pas pouvoir dépasser tout ceci, peur de ne pas pouvoir se débarrasser de ce patrimoine qui lui colle à la peau.

Je vois dans ce roman bourré d'humour, où l'on rit ou sourit à chaque page, bien plus qu'une simple autobiographie. Elle pointe du doigt la lourde éducation religieuse - et imposée - inculquée dès le plus jeune âge et que l'on n'ose pas rejeter de peur d'être renié par ses proches et d'être maudit sur plusieurs générations. On pense ou pas comme l'auteur mais en tous les cas, il faut lui reconnaître le courage de coucher cela sur le papier !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Pourquoi ce titre ? Parce que lorsque Shalom apprend qu'il va être papa, la question de la circoncision du bébé à naître se pose. Elevé à coups de préceptes très stricts de la religion juive, Shalom a renié cette éducation, mais elle le poursuit. On ne devient pas athée comme ça, vierge de toute superstition, quand on vous a menacé du châtiment divin pendant vos vingt premières années et que vous y avez cru.

Un régal de lecture sur les réflexions percutantes et amusantes de Shalom sur le judaïsme, et sur ses sentiments - complètement paranos - pendant la grossesse de sa femme. Si les passages sur sa jeunesse ne manquent pas d'intérêt et d'humour non plus (découverte frénétique de la sexualité "malgré tout", entachée de sentiments de culpabilité tenaces, relations familiales houleuses et délétères...), je les ai trouvés longs, vite lassants, redondants, notamment sur les comportements alimentaires - de moins en moins cachères - du garçon. Ces intermèdes aident à comprendre, ceci dit, la distance que Shalom a eu besoin de prendre vis à vis de sa famille : "une distance qui avait sauvé mon mariage, et ma vie" (p. 36).

En résumé : un ouvrage intéressant et drôle sur les dégâts (possibles, et probablement un brin exagérés ici) d'une éducation religieuse sur un homme - religion juive en l'occurrence, mais d'autres sont aussi terrifiantes pour l'enfant, inhibitrices pour l'adulte... Intéressante également l'image de Dieu, telle qu'on la perçoit en effet dans l'Ancien Testament (un "Père" colérique, menaçant, vengeur...). Entendons-nous bien, savourer ce livre et en rire n'est pas de l'antisémitisme, mais pure jubilation face à la critique des abus religieux en général...

--- Croyants convaincus, quelle que soit votre religion, évitez peut-être cette lecture : ouvrage religieusement incorrect "en diable" (heum) ; le blasphème à gogo risque de vous heurter.
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Paru chez Belfond en février 2008 dans la collection Littérature Étrangère, « La lamentation du prépuce » (en américain, Foreskin's Lament) est le premier ouvrage traduit en français (par Bernard Cohen) de Shalom Auslander. « Iconoclastes, hilarants et incroyablement touchants », tels sont les souvenirs, réels ou fictifs, de Shalom, « un jeune juif du New Jersey élevé dans la plus stricte tradition orthodoxe ». Des souvenirs en forme d'anecdotes et de réflexions pas très innocentes sur la réalité de la tradition, tradition confrontée aux désirs d'émancipation et au besoin de racines des juifs d'aujourd'hui.

Dans cet ouvrage courageux de 306 pages, l'auteur n'hésite pas un seul instant à interroger des tabous, à évoquer ce qui ne doit pas être débattu, à émettre des avis et des opinions qui feront blêmir les plus fervents du respect aveugle de cette tradition. Shalom Auslander ne met pas de gants et y prend même apparemment goût. Des exemples ? La quête de la Terre Promise n'est (évidemment) pas terminée, et elle ne le sera peut-être jamais. En attendant, nous sommes tous perdus dans nos déserts respectifs, ridicules et terrifiants, des déserts qui paraissent s'étendre à l'infini. La tradition cacherait la vraie vie, confinerait les orthodoxes dans un univers de « masturbation et fumette » (page 257), un univers où un Dieu insufflerait une dévotion aveugle à Ses ouailles, lesquelles n'en finiraient plus de ratiociner et de s'opposer sur ce qu'il faut faire, dire et penser. Lesdites ouailles seraient ainsi empêtrées dans un cycle tragicomique de malheurs (ancêtres tués dans la Shoah, albums de photos comptant plus de morts et de disparus que de vivants ...) et de solitude. Ce cycle serait ponctué de tentatives désespérées pour s'évader du réel (boulots merdiques, futilité accablante de la vie ...) et pour croire en un souvenir global, un souvenir confortable et apaisant, fabriqué par eux et pour eux, un souvenir qui ne viendrait évidemment jamais. Au milieu de cette malédiction, la circoncision ne serait jamais que l'acte d'un fou qui la pratiquerait sur son fils dans l'espoir de se gagner les faveurs de Dieu, d'un fou qui s'inventerait ou se réfugierait derrière des rites, des bénédictions, des prières et des textes dont le sens réel restera, jusqu'à la nuit des temps, obscur et impénétrable aux non-spécialistes.

Le lecteur comprendra vite ce qui a poussé Shalom Auslander à adopter sur ces différentes thématiques un ton vif et pétillant, un ton qui convient parfaitement pour traiter de choses graves et particulièrement implicantes, puisque divisant les tenants et les opposants à cette tradition orthodoxe. Avec ses personnages très typés (Shalom lui-même, sa femme Orli, des rabbins, des écoliers …), son contexte moderne et volontairement imagé, des expressions en yiddish et en hébreu pour faire authentique, « La lamentation du prépuce » nous propose -derrière un titre singulier- un pied-de-nez drôle et émouvant aux fondamentalistes, mais pas que ! Plus ou moins auto-biographique, cet ouvrage -qui se lit d'une traite- évoque certes avec réalisme le dilemme vécu par certains juifs, aujourd'hui. Mais plus globalement, le livre conduit à s'interroger sur les fonctions psychologique et sociale de la tradition, quelque soient les peuples concernés et les religions qui la véhiculent. Je mets donc quatre étoiles.
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La lamentation du prépuce ou la lamentation du nombril géant de l'auteur ? J'avoue que j'hésite entre amusement et agacement après cette lecture...

Amusement, parce qu'il y a du Woody Allen dans cette autobiographie ironique et angoissée d'un homme "normal" obligé de grandir dans une famille juive très orthodoxe et sous le regard implacable de son Dieu.

Agacement, à cause de l'égocentrisme forcené de l'auteur, qui nous raconte en détails la moindre de ses névroses et de ses failles, sans donner l'impression de s'intéresser à son entourage : même son fils à naître se réduit au prépuce du titre, générateur de longues tergiversations sur ce que l'auteur (lui, pas son fils) pourrait ressentir ou non lors de la circoncision... En outre, il semble absolument convaincu que son Dieu n'a rien d'autre à faire que de l'observer (lui spécifiquement) absolument tout le temps. Un chouia mégalomane, le lamenteur, non ?

Après, au-delà de l'amusement et de l'agacement, j'ai été intéressée par l'impact que peut avoir une religion, quelle qu'elle soit mais interprétée de manière très stricte, sur la construction de la personnalité : ici, pas de développement d'un sentiment de bienveillance ou de tolérance, mais une culpabilité et une anxiété quasi-permanentes et un abonnement à vie chez le psy... Politiquement incorrect, pas forcément généralisable à toutes les éducations religieuses strictes mais sans aucun doute intéressant.
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Quelle joyeuse surprise d'automne que cette lamentation du prépuce !

Le titre prête volontiers à sourire - ou à tourner la tête, offusqué de voir apparaître un tel mot sur une couverture de livre - et le contenu est à l'image de ce titre !

Au début du livre, Shalom Auslander (auteur et "personnage principal" du roman) apprend qu'il va être papa, et là c'est le déluge d'images apocalyptiques de tout ce qui pourrait arriver de mal pour empêcher cet heureux évènement de le combler. La faute à qui ? A Dieu et à la relation très houleuse qu'Auslander a entretenu avec son Créateur tout au long de sa vie. (bien qu'au final, on s'aperçoit que cette relation, une fois devenu adulte, s'apparente plus à une relation de "bons potes" pleine de tendresse vache qu'à quelque chose de vindicatif )

Et c'est là que les flashbacks commencent ...

L'auteur évoque ainsi des souvenirs de son enfance et de son adolescence à la yeshiva (école juive ultra-orthodoxe) et dans sa famille.
Ses réflexions d'adulte proche de la paternité mettent en lumière certains côtés absurdes de la religion juive observés à la lettre par les ultra-orthodoxe. le moins qu'on puisse dire... c'est que les ultra-religieux en prennent plein la figure ! L'univers de la yeshiva qu'il fréquente s'apparente vite à une formidable fabrique de futurs adultes frustrés (sexuellement, mais pas que) et rongés par la culpabilité (mais pourquoi ? pour être juif et vivant ???) de même, l'auteur met à mal - car avec une grande lucidité !! - les motivations "réelles" des individus ultra-religieux dans leur rapport à la piété.
(demande à satisfaire, tradition rassurante, recherche d'un sentiment d'appartenance,...)

J'ai trouvé l'analyse - avec un humour à la Woody Allen ! - et la justesse avec lesquels le romancier décrit l'aspect culpabilisant du dogmatisme religieux très justes. de même, Auslander, à travers sa thérapie romancière, essaye de comprendre comment l'enseignement de la religion et l'historiographie du peuple juif ont pu développer chez lui (et d'autres de ses co-religionnaires) un sentiment de persécution.

Il évoque entre autre, plusieurs épisodes d'horribles Shabbat avec sa famille, ou alors des scènes du quotidien qui révèlent le traumatisme et l'obsession des descendants des communautés ashkénazes post-Shoah.

(à ce propos, j'en profite pour faire part de cette petite incompréhension : pourquoi la traduction a-t-elle gardé le terme "Holocauste", utilisé par les Américains certes, mais rejeté par les Européens????)

Bref, pour ceux qui aiment l'humour caustico-psychanalitico juif de Woody Allen, et qui ne crient pas au blasphème à la moindre petite réflexion libre d'un écrivain au sujet de la religion : je vous conseille vivement ce livre ! En ce qui me concerne, j'ai hâte de découvrir le second roman de Shalom Auslender, Attention Dieu méchant.


Pour le plaisir, un petit extrait où Auslander parle avec son psy (ceux qui ont vu des films de Woody Allen ne manqueront pas de se dire que ç'aurait pu être dans le scénario d'un de ses films ! ) :

- Tu te punis tout seul, dit Ike. C'est mon psychiatre. Je réponds :
- Je sais.
- Tu n'as rien fait de mal, insiste-t-il.
- Je sais.
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
23 février 2022
Provocateur, orfèvre du savoureux mariage (pourtant risqué) entre l'outrancier et l'extravagant, Shalom Auslander s'est fait un nom dès la parution de ses mémoires décomplexées, intitulées La lamentation du prépuce.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (102) Voir plus Ajouter une citation
Ma relation avec Dieu avait évolué. J'étais désormais las de Son chantage permanent aux mauvaises notes spirituelles et je me disais qu'il devait l'être aussi, fatigué de cette fastidieuse et perfide équation du péché et de la pénitence. Je m'étais mis à parler avec lui comme s'Il avait... existé pour de vrai, disons. Peut-être était-ce le résultat de toutes ces années de remords et de peur, ou de Rabbi Goldfinger m'informant dans ma prime jeunesse que j'étais comme un de nos ancêtres sa préparant à un voyage plein de périls ? Est-ce qu'Abraham n'avait pas marchandé avec Lui - ne Lui avait-il pas botté le train, pour être précis ? Et Moïse, chargé nommément par Dieu de conduire l'Exode, ne Lui avait-il pas dit de choisir quelqu'un d'autre ? Tous ces prédécesseurs avaient argumenté, polémiqué, questionné. Moi, je rouspétais, je Lui donnais des noms d'oiseaux, je Lui faisais des doigts d'honneur. J'étais sans doute moins attaché aux formes que mes ancêtres, plus révolté qu'eux, mais ceux-ci me semblaient avoir manifesté plus de respect que les croyants que je voyais autour de moi, avec leurs supplications et leur obséquiosité. (P 159)
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Quand j'étais jeune, on m'a raconté qu'après ma mort, à mon arrivée au Ciel, les anges me conduiraient à un immense musée rempli de tableaux que je n'aurais jamais vus de mon vivant, des tableaux créés par tous les spermatozoïdes artistiques que j'aurais gaspillés dans ma vie. Puis les anges me feraient entrer dans une grande bibliothèque remplie de livres que je n'aurais jamais lus, écrits par tous les spermatozoïdes littéraires que j'aurais gaspillés dans ma vie. Ensuite, les anges m'emmèneraient dans une vaste maison de prières où se presseraient des centaines de milliers de juifs en train de prier et d'étudier, juifs qui seraient venus au monde si je ne les avais pas tués, gaspillés, épongés avec une chaussette sale au cours de ma répugnante et inutile existence. (Une éjaculation contient environ cinquante millions de spermatozoïdes. A peu près neuf Holocaustes à chaque branlette. Lorsqu'on m'a dit ça, je venais d'atteindre la puberté - ou la puberté venait de m'atteindre -, de sorte que je commettais en moyenne trois ou quatre génocides par jour). On m'a prévenu qu'après ma mort, une fois arrivé au Ciel, on me ferait bouillir vivant dans une marmite géante qui contiendrait tout le sperme que j'aurais gaspillé en vain pendant ma vie. On m'a signalé que les âmes de tous les spermatozoïdes que j'aurais gaspillés me poursuivraient à travers le firmament jusqu'à la fin des temps. (p. 13-14)
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[ Incipit ]

Quand j'étais petit, mes parents et mes maîtres me parlaient d'un homme qui était très fort. Ils disaient qu'il était capable de détruire le monde entier. Ils disaient qu'il pouvait soulever les montagnes. Ils disaient qu'il pouvait ouvrir la mer en deux. Il était très important de ne pas le contrarier. Lorsque nous obéissions à ce qu'il avait édicté, cet homme nous aimait bien. Il nous aimait tellement qu'il tuait tous ceux qui ne nous aimaient pas. Mais si nous n'obéissions pas, alors il ne nous aimait pas. Il nous détestait. Parfois, il nous haïssait tellement qu'il nous tuait ; parfois, il laissait d'autres gens nous tuer. C'est ce que nous appelons les jours de fête : à Pourim, nous nous souvenons de la fois où les Perses ont essayé de nous tuer ; à Pessah, nous nous souvenons de la fois où les Égyptiens ont essayé de nous tuer ; à Hanoukka, nous nous souvenons de la fois où les Grecs ont essayé de nous tuer.
«Béni soit-Il», disions-nous dans nos prières.
Aussi terribles que pouvaient être ces punitions elles n'étaient rien à côté de celles que cet homme pouvait nous infliger lui-même. Et allons-y avec la famine, et allons-y avec les déluges, et allons-y avec la fureur vengeresse. Hitler avait pu exterminer les juifs mais cet homme, lui, avait noyé la planète. Nous avions une ritournelle à son sujet, au jardin d'enfants :

Dieu est ici,
Dieu est là,
Dieu est partout,
Un point c'est tout.

Ensuite, petit goûter et sieste agitée.
J'ai été élevé tel un veau dans la petite ville orthodoxe juive de Monsey, État de New York, où il était interdit de consommer du veau avec des produits lactés. Si on avait mangé du veau, il était interdit de manger des produits lactés pendant les six heures suivantes ; si on avait mangé des produits lactés, il était interdit de manger du veau pendant les trois heures suivantes. Il était interdit de manger du porc à jamais, ou en tout cas jusqu'à l'arrivée du Messie car c'est alors, nous avait appris Rabbi Napier en cours moyen deuxième année, que les méchants seraient punis, que les morts ressusciteraient et que les cochons deviendraient cachère.
- Génial ! m'étais-je exclamé en topant dans la main de mon meilleur copain, Dov.
- On verra si vous serez aussi frétillants au jour du Jugement de Dieu, avait répliqué Rabbi Napier en lançant un regard dégoûté par-dessus ses épaisses lunettes à monture en écaille.
Les gens de Monsey, qui avaient une peur bleue de Dieu, m'ont inculqué cette peur bleue aussi. Ils me parlaient d'une femme nommée Sarah qu'il avait rendue stérile parce qu'elle avait eu le malheur de rigoler ; d'un homme nommé Job qui, pris de tristesse, avait demandé «Pourquoi ?», alors Dieu était descendu sur terre, avait attrapé Job au collet en hurlant : «Pour qui tu te prends, bordel ?» ; d'un homme nommé Moïse qui s'était échappé d'Egypte, avait erré quarante ans dans le désert à la recherche d'une Terre promise et que Dieu avait tué avant qu'il n'y parvienne - un plaquage juste avant la ligne de transformation - parce qu'il avait péché, une fois, quatre décennies auparavant. Son crime ? Avoir frappé un rocher avec un bâton.
Et c'est pourquoi, au début de l'automne, quand les feuilles s'étiolaient, changeaient de couleur puis tombaient foudroyées sur le sol, les braves gens de Monsey se regroupaient dans toutes les synagogues de la ville et se demandaient en choeur de quelle manière Dieu allait les tuer : «Qui vivra et qui mourra, disait la prière, qui atteindra son temps et qui décédera prématurément, qui périra par l'eau et qui par le feu, qui par l'épée, qui par les bêtes sauvages, qui par la famine, qui par la soif, qui par la tempête, qui par la peste, qui par strangulation et qui par lapidation.»
Ensuite, déjeuner et sieste agitée.
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page 220 [...] Baba n'est pas morte cette nuit-là, ni ce mois-là. Peut-être que Dieu avait oublié de regarder Son courrier. Ou qu'Il n'était pas mauvais à ce point.
Alors qu'il ne restait que deux mois avant mon retour à New-York, la prédiction de mes amis s'est accomplie : j'ai retourné ma veste.
Je me suis acheté un chapeau noir et j'ai laissé pousser mes rouflaquettes. Je me suis mis à passer toutes mes journées en salle d'étude. J'ai été transféré au niveau supérieur de cours de Talmud, où j'ai été accueilli tel un fils prodigue par l'enseignant le plus respecté de l'école.
J'étais las de me battre contre Lui. Cela ne menait nulle part et je n'avais pas envie de retourner à la maison. Alors, je me suis enveloppé dans la chaude et rassurante couverture de la foi inconditionnelle. C'était bon. Agréable. Rassurant. Il avait le contrôle de l'horizontale, Il avait le contrôle de la verticale : il me suffisait de jouer correctement ma balle et tout irait bien. [...]
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(...) ma femme et moi avons appris qu'elle était enceinte de notre premier enfant, et je suis arrêté à un feu rouge. Ce gosse n'a pas la moindre chance. C'est une mauvaise blague. Je Le connais, ce Dieu-là. Je sais comment Il procède. Il y aura une fausse couche, ou bien le bébé va mourir pendant l'accouchement, ou bien ma femme va mourir pendant l'accouchement, ou bien ils mourront tous les deux pendant l'accouchement, ou bien ils ne mourront ni l'un ni l'autre et je me croirai épargné mais en rentrant de la maternité notre voiture sera percutée de plein fouet par un automobiliste ivre et ma femme et mon enfant mourront ensuite aux urgences, à quelques mètres de la chambre où nous nous étions trouvés quelques minutes plus tôt, rempli de bonheur, de vie et d'espoir.
Dieu tout craché !
(p. 11)
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Shalom Auslander présente son roman "L'Espoir cette tragédie", paru aux éditions Belfond. Un roman iconoclaste, provocateur et hilarant, un régal de drôlerie et de profondeur sur la légitimité de l'art après l'Holocauste, le devoir de mémoire (ou plutôt celui "de ne jamais la fermer") et les ravages causés dans le monde par l'espoir, cette tragédie. Traduction : Marie-Alice Dias
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