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Critique de Patsales


Le titre du film « Sunset boulevard » ne nous trompe pas sur son histoire: elle nous conduit tout droit vers le désespoir et la déchéance. « Sunset Park » est moins évident. le crépuscule est toujours là, mais il est comme suspendu, peut-être est-ce l'heure de la flânerie entre chien et loup.
A rebours des schémas binaires grandeur et décadence ou chute et rédemption, ce roman est celui de l'incertitude. Il mêle trois sortes de héros. L'archétype du genre, le héros de guerre. Mais qui rentre chez lui et doit se réadapter à la vie civile: « Est-ce qu'à la fin ils vécurent tous heureux et eurent beaucoup d'enfants ? -Peut-être, peut-être pas. » le héros du peuple, le champion sportif (et puisqu'on est aux U.S.A., le champion de baseball, bien sûr). Prodiges adulés, l'un continuera à soulever les foules tandis que l'autre perdra son aura, victime d'une blessure somme toute bénigne. Et le héros de roman, puisque c'est bien de littérature qu'il s'agit, ce personnage qui peut être un anti-héros falot mais dont le livre transforme l'histoire banale en destin lisible, pour l'édification des lecteurs.
Mais ici, pas de destin. Les personnages sont ballottés au gré des événements et la fin ouverte empêche de savoir et même de deviner ce qu'il va advenir d'eux. Mais cette incertitude est moins à l'image de la vie même, moins un procédé réaliste que la constatation désabusée d'une impossibilité récente à se réaliser. Plus personne ne lit, l'art a déserté le monde, la vie intellectuelle survit à grand peine quand les écrans plats des télévisions sont devenus le nouveau Graal.
Miles a peut-être tué son frère. Mais peut-être pas. La maison d'édition de son père va peut-être faire faillite. Mais ce n'est pas complètement sûr. Il a peut-être foutu en l'air son avenir. À moins qu'un bon avocat ne lui sauve la mise. Sans l'art, la vie n'a plus de sens. Elle se vit sans rien nous dire ni nous apprendre.
Le monde a perdu ses héros. Même nos souffrances ne peuvent rien pour nous sortir de notre médiocrité. La haine des Capulet et des Montaigu était flamboyante. Miles Montaigu doit fuir sans gloire le chantage intéressé de sa belle-famille après avoir précipité Bobby-Mercutio sous les roues d'une voiture (et non vers la lame d'un bretteur) et il ne retrouvera pas Pilar Capulet dans la mort mais au parloir d'un établissement pénitentiaire.
Ou peut-être pas.
Ni certitude ni héros, donc, dans ce beau roman crépusculaire, sinon celle du talent inaltérable de Paul Auster.
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