Citations sur Soudain, seuls (162)
Pourtant, cultiver ces réminiscences est une façon de ne pas céder au désespoir, de se considérer toujours intégré à cette communauté humaine qui leur manque tant. Rester "normal" est une obligation, un viatique pour résister.
Tant qu'ils seront ensemble, leur amour va les porter, les protéger. Là réside leur force : un homme et une femme, ensemble contre les milliers de kilomètres de désert liquide, contre la solitude, contre la mort.
Un soir, Louise a déniché 1984 et s'est mise au lit avec. (...) Dans ses écrits, le dissident dévoile les méthodes du totalitarisme et au au chapitre sur l'information, une phrase lui glace le sang : "Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé.". Cette phrase la met en émoi. Jamais elle n'avait eu l'impression que la littérature s'adressait ainsi directement à elle, ou pouvait l'aider à y voir clair. Les romans étaient des histoires, elle découvre qu'ils peuvent interférer avec la réalité.
Dans ce pays sans crimes (Îles Faklands), où les délits se résument à quelques dégradations d'alcooliques, voilà qu'ils jouent les importants. Ils entament la discussion par une demi-heure de morale : Louise et Ludovic se sont mis en infraction en allant sur l'île. Ils pourraient transférer le dossier au procureur. S'ils admettent que les naufragés se sont attaqués à des espèces protégées comme les manchots où les otaries, pour survivre, ils lui demandent de décrire par le menu les "dégradations" qu'ils ont fait subir à la station. "Un monument historique, vous comprenez, madame".
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Pierre-Yves est frappé. Elle a le regard de ces migrants qu'il a parfois interviewés au sortir d'un bateau de fortune, cet air perdu, encore plein d'un passé tragique. Bien sûr, ce n'est pas le camp de transit qui l'attend, mais elle est comme eux, elle a la fragilité des êtres ballotés entre deux mondes.
Dans un coin de son esprit,elle sait que Ludovic est là-bas,mais pour le moment la distance lui paraît infranchissable.
Elle pleure,elle se vide par les yeux,noie son chagrin,mais aussi cette impuissance qui la tient depuis que cette croisière maudite a dérapé.
Ici il y a eu des cris, des ordres, des engueulades, mais aussi des rires, des moments de fête. Finalement, il s'en dégage une impression de gâchis qui porte à la colère. Des vies minables, des montagnes de déchets pour que l'on puisse graisser des machines et que Paris puisse s'appeler "ville Lumière"?
Instinctivement, ils tournent leurs regards vers le large. l'horizon est clair, à peine brumeux, mais désespérément désert.
Comme à son habitude, quand il est énervé, il parle autant avec les mains qu'avec les mots et son ombre gesticulante se projette comme un mauvais Djinn sur la vieille peinture.
Du stade artisanal, quand on combattait avec la lance et le harpon, on était passé au XIXe siècle à un stade industriel du massacre.