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EAN : 9782919131990
214 pages
Thadée (10/11/2017)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Pour la première fois, deux citoyens français d'origine arménienne appartenant à deux générations, dialoguent à bâtons rompus de sujets d'intérêts communs, notamment : le processus d'intégration, le communautarisme, le rapport diaspora-République d'Arménie, le dialogue arméno turc, le rapport aux juifs au destin si parallèle.
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Diasporalogue : une autopsie contemporaine de l'arménité

Il n'est pas aisé de se lancer dans la critique d'un ouvrage lorsque celui-ci est l'oeuvre de deux amis. Il est encore moins aisé de prendre le recul nécessaire lorsque – comme c'est mon cas – on a été personnellement engagé dans les questions dont traite l'essai considéré. Mais il n'aurait pas été non plus honnête de cacher ces deux difficultés.

« Diasporalogue » n'est pas un ouvrage théorique, ce n'est pas un traité au sens habituel du terme. C'est plutôt une pensée à voix haute, l'expression de ces ruminations qui sont sans doute communes à de nombreuses personnes d'origine arménienne et qui trouvent actuellement un écho en fait assez universel au sein de la thématique actuellement en vogue de l'identité.

En quelques deux cents pages, Serge Avédikian et Tigrane Yégavian – les auteurs – balaient un vaste panorama avec une seule et même interrogation en ligne de mire : qu'est-ce qu'être Arménien en diaspora aujourd'hui ? Quelles responsabilités cela implique-t-il éventuellement ? Quel supplément d'âme cela confère-t-il peut-être ? Et est-il encore permis ou possible d'articuler une pensée collective sinon commune, bref de faire sens dans un monde de plus en plus délité ?

De leur relation à la France à celle qu'ils entretiennent avec leurs Arménies rêvées, de la lancinante question de la Turquie et de son négationnisme d'Etat à celle non moins lancinante de la transmission de la langue et de la culture en Diaspora, de la « fraternité des ébranlés » avec une communauté juive à la fois admirée et jalousée à la géopolitique infernale entre Erevan, Ankara et Tel-Aviv, Diasporalogue possède d'indéniables qualités didactiques, voire pédagogiques. Il a aussi – et ce n'est pas négligeable – le mérite de la franchise et de l'honnêteté intellectuelle, si ce n'est toujours celui de la clarté des concepts. Mais on ne saurait vraiment reprocher à un telle entreprise de défrichage de plus « tremper la plume dans la plaie » que d'apporter ces réponses monolithiques et comme prédigérées dans le confort trompeur desquelles les Arméniens de France se sont trop longtemps assoupis, pour se réveiller un jour en réalisant qu'ils n'existaient presque plus.

Il faut dire que, sans doute, Serge Avédikian et Tigrane Yégavian étaient les bons bretteurs pour un tel dialogue à bâtons rompus : L'aîné, homme de théâtre et de cinéma est né en 1955 en Arménie soviétique d'une famille d'Arméniens de France qui avait succombé aux charmes captieux de la propagande stalinienne pour retourner au pays en 1947– un pays qui n'était d'ailleurs pas celui des rescapés de la Turquie ottomane qu'ils étaient. le cadet, journaliste baroudeur issu d'une famille aleppine est né est France en 1984 mais il a passé toute son enfance au Portugal avant de revenir dans notre pays à l'adolescence pour mieux bourlinguer aux quatre coins de la Diaspora, de Jérusalem à Alep, de Erevan à Istanbul. D'authentiques diasporiques donc mais qui ne sont pas dupes jusqu'à se penser représentatifs : car si les perspectives qu'offre Diasporalogue sont ambitieuses et réellement transnationales – déraisonnables et donc sans doute seules porteuses d'une parcelle de vérité – elles sont bien loin de constituer aujourd'hui l'ordinaire de la pensée des Arméniens de France qui – pour la plupart – ne sont plus guère que des Français d'origine arménienne. Et les auteurs le savent bien.

Reste un angle mort qu'on aurait aimé voir mieux traité : celui de la lame de fond du libéralisme économique et surtout sociétal qui corrode depuis des décennies les traditionnelles valeurs de solidarité et d'entraide. A cette aune, la coupe réglée à laquelle est actuellement soumis le monde arménien – diaspora et Arménie comprise – ne constitue sans doute nullement une exception mais la fragilité des sociétés arméniennes, fragilité en partie liée au génocide jamais réparé, confère à ce monde une sensibilité, une lucidité et peut-être même une résilience d'avant-garde : si l'avenir des nations est trans-étatique, il faut plaider avec les auteurs de Diasporalogue pour que les Arméniens ne renoncent pas à la multipolarité de leur monde au profit d'un seul centre – d'une seule Arménie – à la fois moins riche en termes d'expérience sociale et moins robuste en termes d'avenir politique.

Si l'ouvrage se garde prudemment de donner quelque conclusion définitive, il a donc le mérite de brosser un panorama sincère de la richesse méconnue de l'expérience arménienne et il faut espérer – qu'au-delà de son lectorat convenu – il inspire le public plus large de tous ceux qu'intéressent les questions complexes des identité fragmentées et de la constitution politique des communautés nationales. Peut-être qu'après tout il avait raison, ce rude paysan des confins désolés du lac Sevan, en affirmant que si son peuple était toujours là, c'était peut-être parce que « les Arméniens ont encore quelque chose à dire au monde ».
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