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Critique de VincentGloeckler


Un vrai livre « sur rien », ou à peine, sur un confetti, un mouchoir de poche, ou mieux « un territoire grand comme un timbre-poste » (ah, le si désuet timbre-poste aujourd'hui, l'image elle-même porte ce qu'il faut de nostalgie à l'affaire !) comme il est dit dans la dernière phrase, en écho aux mots de Faulkner rappelés par Pierre Michon, cité en exergue, oui, si un des livres de cette Rentrée littéraire réalise pleinement l'idéal flaubertien, c'est bien celui de Christine Avel, ce « Ici seulement nous sommes uniques » (à paraître fin août chez Buchet-Chastel), brillant comme le reflet du soleil sur une vague de la mer des Cyclades ! Une île grecque, elle-même de dimensions modestes (on pourrait penser à ce « caillou » de quelques milliers de mètres carrés qu'est la minuscule Simi), et, proche de son rivage, un carré de fouilles voisinant la maison des archéologues. Plus loin, un village, son cimetière, quelques chemins de mauvaises pierres, une crique rafraîchissante complètent, sous la canicule, le décor. C'est là que plusieurs étés de suite se retrouvent, pour une campagne d'exploration, un groupe d'archéologues, venus des quatre coins de l'Europe, avec leurs enfants. Issu de cette petite troupe de gamins, le narrateur tient la chronique de ces semaines heureuses, des jeux, des rituels, des lectures, évoquant les figures marquantes de la bande, Niso le téméraire et sa petite soeur Evi, Zac le rebelle, l'impénitent lecteur à voix haute. L'atmosphère du campement fleure bon les années 70, et si les parents chercheurs semblent partager certains idéaux hippies de l'époque, parmi eux, aussi, se détachent quelques originaux, les Forestier, adeptes de toutes les modes éthiques successives, Brovski le coeur d'artichaud, Gerhard Bauer le dandy maniaque aux éternels gants noirs. Tout ce petit monde cohabite, fouille, plonge dans la crique à la recherche de coquillages chatoyants ou d'un énigmatique triton. Mais bientôt les enfants grandissent, l'adolescence change comportements et regards, la magie des lieux s'estompe, petits ou grands finissent par se perdre de vue… Et puis, quinze ans plus tard, une invitation inattendue les réunit à nouveau, le temps d'un « inventaire » doux-amer, d'une résurrection mélancolique des légendes de l'enfance… « Ici seulement nous sommes uniques », au titre si évocateur, renferme cet inoubliable Trésor de la mémoire, poli par les mots de Christine Avel, ce « rien » des vies enfouies tracé sur les tessons dorés de ses mots. Quand l'écriture se fait ainsi, avec brio, vivante archéologie, on applaudit !

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