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EAN : 9782355221644
136 pages
Zones (01/04/2021)
3.81/5   32 notes
Résumé :
FéminiSpunk est une fabulation à la Fifi Brindacier. Elle raconte l’histoire, souterraine et infectieuse, des petites filles qui ont choisi d’être pirates plutôt que de devenir des dames bien élevées. Désirantes indésirables, nous sommes des passeuses de contrebande. Telle est notre fiction politique, le récit qui permet à l’émeute intérieure de transformer le monde en terrain de jeu. Aux logiques de pouvoir, nous opposons le rapport de forces. À la cooptation, nou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Christine Aventin nous livre ici une réflexion sur le féminisme à travers une analyse des romans de Fifi Brindacier et nous propose le féminiSpunk comme alternative au féminisme blanc et bourgeois habituellement mis en avant. Pippi Longues-chaussettes -de son vrai nom- serait la pionnière du mouvement, de par sa radicalité anarchiste.

Il est beaucoup question de langue dans cet essai et particulièrement de la traduction qui est faite des aventures de Fifi. La version française, éditée par Hachette et soumise aux antiques lois sur les publications pour la jeunesse, est tellement édulcorée et niaise qu'une grande partie de l'humour et de l'insolence de notre petite rousse à la force herculéenne disparait. On découvre donc que l'originale est encore plus iconoclaste qu'il y parait et qu'elle est même parfois politique, par exemple lorsqu'elle doit affronter un certain Adolf, homme le plus fort du monde, piteusement rebaptisé Arthur le Costaud en français...

Aventin nous rappelle le besoin de créer des mots, comme le fait Fifi, pour exprimer des réalités tues jusque là : ce qui ne peut être nommé n'existe pas.

Fifi fait exploser les codes mais le système est toujours à l'affut pour récupérer les mouvements d'opposition, quels qu'ils soient. le féminisme est happé par des bulldozers comme Mattel qui créent des poupées à l'effigie de "femmes d'exception" ou par le gouvernement suédois qui met en avant son "héroïne nationale" pour montrer à quel point les filles sont bien traitées dans ce pays. de ce fait, le combat collectif pour l'égalité et la reconnaissance est gommé au profit d'un individualisme de bon aloi, beaucoup moins dangereux. Il en va de même pour d'autres pratiques "en marge", récupérées par le système : le queer ou les squats désormais investis par de jeunes ingénieurs en mal de rébellion alors que les migrants et les sans abris continuent à dormir dehors, n'ayant pas accès à ces logements délaissés par leur propriétaire, ignorant les démarches à suivre et le langage à tenir pour obtenir leur occupation provisoire.

Et de constater qu'une héroïne n'est pas l'égale d'un héros car elle devrait, outre les qualités requises par un héros, être douce, sexy et bienveillante...


Toujours parlant de la langue, Aventin la maîtrise plutôt pas mal et c'est plaisir que de lire son ouvrage rendu extrêmement vivant grâce à l'emploi de la deuxième personne ou aux dialogues et aux interventions de ses copines. Ces remarques - de Joëlle Sambi entre autres- apportent parfois un éclairage neuf sur ses propos et en prennent même parfois le contre-pied. Ca part de Fifi mais ça lorgne du coté des Riot Grrrls et des grandes penseuses féministes (Audre Lorde, Isabelle Stengers etc.).

Tout en continuant son exploration de l'univers de Fifi, l'autrice s'interroge sur les éventuelles failles de la série, se posant par exemple la question du racisme. Ceci la mène à un questionnement plus large sur le féminisme, mouvement blanc et bourgeois, qui peine à inclure les minorités et entre de facto en concurrence avec d'autres mouvements d'émancipation (femmes noires, trans, femmes pauvres…). Cette division des forces affaiblit le mouvement.


Une autre cause d'affaiblissement est l'omniprésence du care et du safe qui pourrissent le discours féministe et les relations entre femmes. le care (fait de prendre soin des autres) est souvent délégué aux femmes moins favorisées pour que les autres puissent se débarrasser de cette "corvée" pour se hisser à égalité avec les hommes qui sont généralement libres et détachés de ces besognes. le safe quant à lui, fait qu'on tente souvent de ménager les autres, de ne pas heurter les sensibilités, parfois de façon ridicule ; on est dans une bienveillance outrancière qui évite toute anicroche mais comment contaminer les autres sans conflit, sans remise en question, sans instiller le doute ?

Partout on parle du "droit des femmes", de la "journée de la femme", de "l'émancipation des femmes", etc. le mot "femme" est teinté de sous-entendus qui le disqualifient pour la lutte. Aventin lui préfère "fille" qui est plus empli de vie et porteur d'un potentiel d'émancipation plus important. Au-delà de l'utilisation d'un vocabulaire adapté, la société nous pousse à la schizophrénie : on somme les femmes d'être indépendantes, autonomes et libres mais on les astreint à répondre aux normes en termes de physique et de caractère. Et de revenir à Fifi qui souhaiterait être une pirate et une vraie dame tout à la fois ; cette petite avait décidément tout compris !
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Dans ce livre féministe radical, Christine Aventin s'inspire de Fifi Brindacier pour évoquer ces femmes qui ont préférées devenir des pirates plutôt que des dames-bien-comme-il-faut. 

Elle commence par comparer les versions française et anglaise (plus conforme à l'original suédois) de Fifi qui, en VO est beaucoup plus déjantée, encore plus anticonformiste, anti-conventions, bien plus libre dans ses pensées et dans ses actes, vivant de peu et goûtant à tout !

Ainsi le combat ultra-féministe des FEMEN, celui des queer, des trans, des femmes noires, chaque 'niche féminine / féministe' peut se revendiquer de la liberté première de Fifi Brindacier (Pippi Långstrump en VO /  Pippi Longues-Chaussettes, chaussettes dépareillées bien évidemment !) 

Couplant expériences personnelles, relecture du texte d'Astrid Lindgren, utilisation pernicieuse de la langue, liaisons dangereuses du féminisme à l'antiracisme et l'anticolonialisme sous toutes leurs formes, qui, outre la mise en lumière des spécificités de chaque sous-groupe ou communauté, aboutissent ensemble à une lutte contre le pouvoir oppressant des mâles et malheureusement à la radicalisation communautaire.

Un essai qui m'a donné envie de lire les aventures de Fifi Brindacier  - et j'ai acheté aussitôt un e-book version anglaise 

Au milieu des années 70, quand je suis arrivée en région parisienne, j'ai beaucoup fréquenté la Librairie des femmes, lieu historique du féminisme français, où je parcourais et achetais des livres et des magazines introuvables ailleurs, et j'envisageais de militer au MLF. 

Mon action féministe, je l'ai menée ailleurs, entrant dans une Grande Ecole de Commerce à peine trois ans après son ouverture aux femmes (ma promotion a été la première à atteindre les 30 % de femmes - et je recommande la lecture de cet article sur les femmes en école de commerce !), choisissant un premier emploi dans un domaine 'réservé' aux hommes (15 % de femmes recrutées en 1979 chez Deloitte-Audit), montrant que c'était possible d'être "l'égale des hommes" et donnant l'exemple - autant que faire se peut.

Je lis toujours régulièrement des opus féministes. Mais rarement aussi radicaux que celui-ci !

Je remercie NetGalley et les Editions de la Découverte de m'avoir transmis cet ouvrage :) 

 #FéminiSpunk #NetGalleyFrance


Lien : http://les-lectures-de-bill-..
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Si vous ne les connaissez pas, ce livre vous donnera l'envie de découvrir les aventures de Fifi Brindacier, (« Pippi Longues chaussettes » dans la version originale), cette petite fille intrépide aux instincts libertaires née sous la plume de l'autrice suédoise Astrid Lingren à la fin des années 1940.

S'inspirant de ce personnage iconoclaste, Christine Aventin nous propose un ouvrage inclassable mais drôle, qui dynamite joyeusement toutes les formes de machisme, évidemment, mais aussi toutes les formes de féminisme qui tendent à reproduire, tout en les dénonçant, les schémas sectaires de la société patriarcale blanche.

Les « femmes », trop conventionnelles et trop sérieuses, laissent la place aux « filles » intrépides comme Fifi, qui se jouent de toute convention et de toute récupération.

De l'imagination, de l'irrévérence, beaucoup d'humour qui n'empêche pas une dénonciation pertinente du pouvoir des courants sociétaux dominants. Ou comment parler de choses sérieuses sans se prendre au sérieux.
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critiques presse (2)
LeSoir
17 mai 2021
Rebelle, anticonformiste, pirate, féministe oui, mais plutôt radicale. Elle se livre dans un essai, « FéminiSpunk », et des poèmes, « Scalp ».
Lire la critique sur le site : LeSoir
Actualitte
30 mars 2021
Contre la mascarade féministe blanche néolibérale, "FéminiSpunk" mise sur la porosité des imaginaires, la complicité des intersections, et fabule une théorie du pied de nez. Irrécupérables !
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
"Jamais on ne détruira la maison du maître avec les outils du maître", écrivait Audre Lorde, et je suis retournée voir récemment son texte. Quel propos se déployait-il, au juste, autour de cette citation devenue sentence ? Une sentence dont je sentais bien l'endroit de ma condamnation : le langage - son articulation -, les mots - leurs usages et leurs sens. Outils du maître par excellence qui te font endosser sa posture de domination. La conclusion d'Audre Lorde, pourtant, retourne en quelque sorte le verdict du jury : "Je fais mon boulot, dit-elle, est-ce que vous faites le vôtre ?" Et s'il s'agissait, bien plus que de la détruire, de l'occuper, cette maison ? Je veux dire : de la squatter. Alors voilà, j'écris des livres comme on squatte une maison de maître laissée à l'abandon - inoccupée, mais que les propriétaires n'entendent pas céder pour autant : littérature française. C'est vide, c'est en ruine, vous n'en avez pas besoin pour l'instant c'est chez moi !
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Alors, évidemment, je peux vous la faire bonne élève de l'analyse sémantique, manier les outils lourds, encombrants et dangereux du pouvoir (cette langue qui n'a rien de maternel, qui est la langue du patriarcat, celle que tout un tas de vieux profs blancs t'inculque à coups de latte invisible et de notes sur 20, celle qui jamais ne permettra que tes ennemis te prennent au sérieux, mais qui toujours te rendra suspecte aux yeux de tes soeurs car, d'où que tu viennes et quelle que soit ton histoire, la maîtrise du langage est une prise en flag de domination classiste), je peux, oui, enfoncer les portes ouvertes de la perception intuitive immédiate et faire semblant de découvrir que, quels que soient l'idiome et la manière dont on formalise le binarisme, le processus de féminisation n'apporte pas automatiquement l'équité. Que la différence qualitative qui existe entre "héros" et "héroïne" nous impose d'introduire la notion de "héros féminin" car la simple marque grammaticale de genre apposée sur un signifiant entraîne un affaiblissement de la signifiée qui se retrouve, on a l'habitude, à traîner ses ovaires comme un boulet à chaque cheville.
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La langue - inventer les mots qui nous manquent, détourner les mots qui nous marquent - est un outil insurrectionnel. Use language as a weapon. Il suffit de voir ce que ça crée comme puissance, la métamorphose vocale d'une girl en grrrl. Tu la sens bien, la rage ? Et comment dès la première prise - c'est une prise de pouvoir - tu deviens accro ? Parce qu'en relevant le menton, magie, tu rehausses du même coup ton regard et que ça modifie, de la manière la plus concrète qui soit, physiquement, ton point de vue.
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Si tu sais faire un gâteau, tu sais faire une bombe.Et quand je dis que Fifi a tout fait péter, je pèse mes mots. En même temps qu'elle offrait aux petites filles en rose l'inestimable cadeau d'une représentation violente, délurée, égoïste, intelligente, forte et tranquille d'elles-mêmes, elle retournait le séparatisme misogyne en contre-force insurrectionnelle. La non-mixité festive. Les garçons n'en sont jamais revenus indemnes, d'avoir à faire l'expérience la plus commune du vécu féminin : celle d'une porte qu'on claque à leur nez pour la seule raison arbitraire d'un pronom. A la rigueur, qu'on reste entre meufs pour parler de viols, ils peuvent comprendre. Mais qu'on les exclue de nos fêtes sous prétexte qu'on veut pouvoir être soûles ou provocantes, déployer full power la bitch qu'on aime en soi, sans risquer de se faire violer... là, bizarrement, ils ne comprennent plus.
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Je le savais. J'en avais l'intuition, la conviction intime : Fifi Brindacier est la première féminiSpunk !
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Videos de Christine Aventin (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christine Aventin
Une écrivaine belge, Christine Aventin, entrée dans la carrière avec un roman d'adolescence au succès phénoménal, reprend la parole avec un essai très original, manifeste féministe qui fait de Fifi Brindacier une icône punk (Feminispunk, La Découverte). Une romancière française, Lola Lafon, qui, en tant que musicienne, a fréquenté la scène punk, a donné vie à plusieurs personnages de jeunes filles aux corps écorchés, comme encore récemment dans Chavirer (Actes Sud). Sur quel terrain de lutte se retrouvent-elles ? Que doivent les féministes d'aujourd'hui à leur jeunesse révoltée ?
Une rencontre proposée dans le cadre de la Foire du Livre de Bruxelles 2021.
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