La transformation des papillons

Jamais je n’avais eu le sentiment d’être aussi proche de Miranda. C’était comme être à ses côtés et lui dérober à son insu des instants d’intimité. « C’est comme si j’étais invisible », songeai-je avec un mélange de fascination et de culpabilité.
Quand j’abaissai mes jumelles, je réalisai que la vision distante qui m’avait procuré tant de joie par le passé était subitement devenue insipide et insuffisante. Je recommençai à observer à travers les lentilles magiques pour me livrer à une exploration plus détaillée de cette fille ravissante, scrutant chaque centimètre de son visage, de sa chevelure ou des plis de sa robe rose. Je savais que je ne pourrais pas renouveler l’expérience : ne pouvant pas courir deux fois le risque de subtiliser les jumelles, je devais en profiter au maximum.

Nos regards se croisent. Dans ces moments-là, savoir parler ne compte pas, parce que tout est dit grâce à ce pouvoir télépathique qui lie les mamans et leurs bébés.
Je pense « Maman est belle », et j’observe son visage lisse, ses grands yeux, son menton pointu, ses pommettes roses et son épaisse chevelure rousse. Chaque détail se grave au feu dans mon esprit pour pouvoir s’y reproduire plus tard…, dans mes rêves.

La voix de maman a cet effet : le monde entier semble s’arrêter quand elle me parle.