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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un gros roman de Vassili Axionov, fils de Evguenia Guinzbourg, elle-même auteur du "Vertige" et du "Ciel de la Kolyma" , récits fameux de son arrestation et de sa déportation au goulag avec son mari (en 1937). Ses parents étaient pourtant des communistes convaincus, persuadés au début de leur calvaire que le parti ne pouvait se tromper, que s'ils avaient été condamnés, ils devaient avoir commis quelque péché capital contre l'édification du socialisme. Leur fils vécu avec eux à Magadan, en extrême orient, puis ils furent libérés en 1953, avec la "libéralisation" khroutchévienne.
Encore un de ces romans russes sur le Stalinisme à lire absolument si vous avez encore besoin de croire que sans Staline et sa "déviation" totalitaire, le régime communiste eût pu déboucher sur une société juste.
Ce que montre précisément cet autre grand roman russe sur cette période, c'est que le système porte en lui, de manière inhérente, en raison même de la nature humaine, la fatalité de ce qu'il va devenir, comme l'attestent d'autres tentatives de construction de sociétés fondées sur cette idéologie (le Cambodge pour ne citer que cette expérience.) Ce que montre (ou plutôt illustre brillamment le livre dans la fiction), c'est que ce type de régime ne diffère que dans les objectifs annoncés de l'autre totalitarisme du vingtième siècle, qu'il ne peut que donner le pouvoir (que ce soit dans les camps ou dans les hautes spères du régime), aux individus les plus corrompus, aux instincts les plus vils.
Par exemple, Beria, le second du petit père des peuples, devient sous la plume d'Axionov, un personnage à part entière du roman, qui fait enlever des jeunes filles dans Moscou pour qu'on les livre à ses désirs de vieillard libidineux. Ceci n'est nullement une liberté que prendrait le romancier avec L Histoire , car il semble bien en effet que la réouverture récente des archives de l'URSS confirme ce que d'autres auteurs et ce que la rue de Moscou avaient déjà largement rendu public.
D'autres romans russes ont peint cette époque à leur manière, en s'essayant à marcher sur les traces du Guerre et Paix de Tolstoi. Outre les livres de Soljenitsyne bien sûr, l'autre grande saga à lire, plus centrée elle sur la bataile de Stalingrad, est "vie et destin" de Vassili Grossman, qui lui aussi établit dans la fiction le parallèle que devait faire au niveau philosophique Hannedt Arendt entre Nazisme et Communisme.
L'originalité de ce roman là tient à ce qu'il parvienne à nous faire vivre ces événements et ces destins tragiques, d'une manière ..... comment dire ...presque "légère", ceci sans édulcorer la réalité vécue par les personnages et les soviétiques à cette période. Même au bagne, une vie s'organise, des couples se retrouvent et s'aiment. Pendant la "Grande guerre patriotique" (entendez la deuxième guere mondiale) les soviétiques retrouvent une dignité et un courage dont ils se croyaient dépourvus, eux qui, en temps de paix, se sont laissés traîner dans les camps comme un troupeau d'esclaves, et qui se soumettront à nouveau, pour la plupart, la paix revenue. le style, proche du réalisme fantastique de Boulgakov participe ..comment dire encore .. de cette "légèreté dans l'horreur " Comme dans le "Maître et Marguerite" ou le Roman Théâtral" de Boulgakov, les personnages historiques sont des protagonistes à part entière de la narration. On a déjà vu comment le terrible Beria participait à l'histoire. Mais Staline aussi devient un héros presque crédible de la fiction. Comme son acolyte Beria, il est rendu à la fois "humain" et accessible, mais aussi Ubu plus monstrueux encore, par le semblant d'empathie qu'Axionov joue parfois à nous faire ressentir à l'égard des bourreaux, en les caricaturant parfois sous la forme de bouffons pathétiques, vulnérables, faibles devant la maladie, la vieillesse ou l'impuissance, sujets au doute métaphysique parfois.... Mais que l'on ne s'y trompe pas. Comme celle de Kundera, cette "légèreté" axionovienne est elle aussi .... insoutenable. Dostoïevski, auquel il est fait abondamment référence, n'est jamais très loin....
A Moscou, après la guerre, les déportations continuent,. Les procès de médecins (juifs la plupart !!) accusés de vouloir empoisonner les membres du bureau politique causent la perte d'un des héros, grand médecin,, qui refuse de participer à la curée contre ses collègues. Mais dans le Moscou (dans la capitale, pas dans la russie profonde !!) de l'après-guerre, une certaine prospérité permet aux moscovites de mener une existence à peu près normale, pour peu que l'on échappe aux tentacules de la pieuvre protéiforme. Une jeunesse dorée fait la nouba, du sport, sort dans les boites à la mode, écoute du jazz, fricote avec les rejetons des "organes du parti".

La patte de l'auteur de cette fresque qui porte bien son nom de saga est faite d'un curieux mélange de farce burlesque, de tragédie grecque (ou dostoïevskienne comme on voudra...) et aussi, par moment, pour le "liant" romanesque, peut-être, d'une sorte de frivolité nomenklaturienne "à visage humain", de quadrille en crinolines et au pas de l'oie apprécié dans les sphères du pouvoir. Mais plus intéressant encore que cela, l'horreur dominante est constamment tempérée par l'amour qui lie les membres de la famille Gradov, par l'humour dont font preuve les membres de cette cellule inoxydable de l'intelligentsia patriotique éclairée qui résiste à sa manière au tyran et à ses sbires ordinaires. Comme les héros "positifs" de Guerre et Paix , cette bourgeoisie progressiste et fondamentalement humaniste, puise la force de résister au mal et à la table rase culturelle imposée par les bolchéviques à la fois dans ses racines profondément slaves et dans un souci constant de rester ouverte au monde extérieur.
Ceux qui ont étudié la langue de Pouchkine ont forcément entendu dire par leurs professeurs que les meilleurs écrivains russes sont ceux qui ont su réaliser une synthèse entre les courants slavophile et occidentaliste qui traversent et enrichissent l'oeuvre des plus grands, celle de Tolstoy, de Dostoïevski, de Pasternak, etc.... Je crois qu'Axionov s'inscrit dans cette lignée, lui le "traître cosmopolite" comme étaient nommés les accusés des procès de Moscou et de Prague, lui qui a émigré aux USA, mais qui continue de puiser son inspiration dans sa culture.....

Ce gros pavé de 1600 pages se lit presque comme un roman feuilleton (en raison peut-être des "crinolines" évoquées plus haut.) L'histoire tourne autour d'une famille de grands médecins, de militaires héros de la guerre dont l'un est rappelé du goulag pour sauver la mère patrie de l'envahisseur hitlérien, de poètes, de cadres sincères du parti, qui auront tous à souffrir dans leur chair du régime, mais qui sont en même temps, du fait de leur compétence dont a besoin le parti, préservé du pire. La maison familiale, datcha héritée de l'ancien régime et curieusement jamais confisquée, sorte de croisement entre les propriétés pour personnages de Tchékhov et de maison coloniale à la "Autant en emporte le vent", est l'ultime refuge de la cellule familiale disloquée par L Histoire mais qui s'y retrouve par moments pour y trouver la force qui permettra aux membres de cette "dynastie" de traverser les épreuves avec dignité.
Un livre optimiste finalement, contrairement à beaucoup de romans historiques russes traitant de cette époque sombre.
Les références littéraires et historiques sont nombreuses, mais, cerise sur le gâteau, la traduction de Lily Denis, dans l'édition Folio de poche, fourmille de notes documentées permettant au lecteur non spécialiste de posséder toutes les informations utiles pour la compréhension du contexte dans lequel s'inscrit l'histoire.


Lien : http://jcfvc.over-blog.com
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J'ai lu pour la première fois ce roman à sa sortie en 1995 au temps où les billets de blog n'existaient pas. L'avoir désigné auteur du mois sur le site Lecture/Ecriture est un joli hommage à rendre à cet écrivain au destin hors du commun et disparu en juillet 2009.
Pour entrer dans le monde d'Axionov il faut vous transporter en Russie, juste après la révolution, au moment où Staline va accéder au pouvoir, c'est lui qui va rythmer ce roman. Nous suivrons le destin de tous les personnages, ballotés par les évènements, maltraitrés, emprisonnés, jusqu'à la mort du Petit père des peuples.
Le chef de cette famille de la Nomenklatura soviétique : Boris Gradov " cinquante ans, un homme encore parfaitement svelte, au complet bien coupé et seyant, à la petite barbe taillée avec soin " médecin, issu de la bourgeoisie mais prudemment reconverti à un communisme discret, respecté par la communauté médicale. C'est lui qui va déclencher la tourmente, appelé en consultation auprès d'un membre du bureau politique il a le malheur de poser un diagnostic qui déplait, la victime est liquidée lors de l'intervention chirurgicale et Boris Gradov fait silence sur ce meurtre, sa conscience le poursuit.
Il s'est trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, sa famille et lui vont en payer le prix.

Tous vont connaitre un destin tragique mais tous d'une façon différente, chacun d'eux représentant une part des horreurs de la dictature stalinienne.
Le fils aîné Nikita a embrassé la carrière militaire et sera très tôt nommé général. Il a participé à la répression du soulèvement des marins de Cronstadt en 1921, cela serait à son crédit s'il n'en éprouvait pas un remord profond, persuadé que l'on a fusillé des innocents. Son épouse Véronika est connue pour ses goûts de luxe, pour tout dire des goûts bourgeois, ce qui n'est pas bon pour l'avenir d'un Général de l'Armée Rouge.
Il connaitra la prison de Lefortovo et le goulag et ne retrouvera la liberté que pour aller combattre les allemands.
Kyrill lui est le parfait bolchevique stalinien, pur, dur, sans état d'âme. Il travaille dans les villages où les populations sont soumises de gré ou de force à la collectivisation.Les paysans, les femmes, les enfants sont déplacés comme du bétail vers l'abattoir. Il parait à l'abri de la tempête, mais c'est sans compter sur un sursaut d'humanité envers un enfant, ce geste lui coûtera sa liberté. Il se marie avec Tsilla communiste convaincue qui affirme " j'aime mon père, mais en tant que communiste, j'aime encore plus mon parti " mais communiste ou pas Tsilla est juive et le régime stalinien profondément antisémite lui en fera payer le prix.
Enfin Nina, poétesse, communisme mais qui réserve sa ferveur à la poésie plutôt qu'au régime, que son soutien à Trotsky contraindra à quitter Moscou, elle partira vivre en Géorgie où elle croisera Mandelstam mais aussi le terrible Lavrenti Béria
La guerre viendra s'ajouter aux souffrances et aux horreurs.

C'est à travers le sort de ces personnages que Vassili Axionov nous dresse un tableau gigantesque de cette période. Sa fresque historique que l'on a qualifiée de « Guerre et paix » du XXè siècle est pleine de « bruit et de fureur », Axionov ne nous épargne rien : dénonciations, surveillance, torture, déportations, goulag, massacre de la population juive. Il nous fait ressentir la peur qui nait chez chacun et fait dire à Mandelstam " Ces grosses voitures noires....Quand je les vois, quelque chose d'aussi gros et d'aussi noir s'élève du fond de mon âme. Je suis poursuivi par la vision de quelque chose de terrible qui, inévitablement, nous étouffera tous.."

Réquisitoire absolu contre tous les totalitarismes, ce récit ample est plein d'émotions et passionnant de bout en bout, les digressions lors de certains URSS_Staline.jpgchapitres, loin d'affaiblir le récit, nous rendent parfaitement présente la propagande de l'époque.
Ce roman n'est pas une autobiographie mais plusieurs éléments ressemblent de troublante façon au destin de la famille de Vassili Axionov et à son enfance marquée par la condamnation de ses parents.
Cela nous a valu deux chefs d'oeuvre : Une Saga moscovite et le récit d'Eugénia Guinzburg le Ciel de la Kolyma
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Voici une fresque familiale ample et généreuse qui retrace la vie de plusieurs générations d'une famille sous le stalinisme.
Un témoignage poignant sur l'horreur et la bêtise du stalinisme et un ode à la vie, (plus) forte, tout de même.
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Une saga familiale qui n'a pas été sans me rappeler d'autres romans russes comme Anna Karénine ou Guerre et Paix par exemple ; oeuvres auxquelles l'auteur fait d'ailleurs référence de nombreuses fois. À la différence qu'ici l'histoire se déroule durant le « règne » de Staline et non à l'époque des tsars et du servage. Les différents personnages de cette famille aristocratique dont nous suivons les membres sont inévitablement — et souvent dramatiquement — en prise avec le régime, bon gré mal gré. J'ai trouvé ce premier tome très bien construit, souvent poétique, captivant en plus d'être un outil intéressant pour mieux cerner cette période de l'histoire russe dont je ne savais presque rien.
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Je ne parlerai pas de l histoire. Celle ci a été abondamment résumé par les commentaires précèdents. Deux bémols :
Les personnages n ont pas vraiment d épaisseur romanesque, ils servent de prétexte pour raconter des moments de l histoire de la Russie. Mais on ne s attache pas à eux.
Le style est parfois confus. Je ne suis pas sûr que ce soit une belle écriture.
Donc à lire principalement pour repasser en revue la période stalinienne.
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Une fiction qui nous fait plonger dans la Russie du régime stalinien
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